5.
Elle fut vite fixée car Damien l’appela trois jours plus tard.
– Bonjour Bérénice. C’est Damien. Je ne vous dérange pas ?
– Je suis en pleine compta.
– Ah. Alors très vite. J’aimerais vous revoir.
– Ce n’est pas raisonnable
– Je sais. Mais je pense à vous tout le temps.
– Je suis mariée.
– Oui, mais c’est plus fort que moi. Bérénice, je vous aime.
Elle resta interdite.
– Il ne faut pas. Je ne suis pas faite pour vous. J’ai déjà un mari. Et je ne veux pas le tromper et encore moins le quitter.
– Laissez-moi passer du temps avec vous. Sans qu’il ne se passe rien d’autre.
– Ce n’est pas une bonne idée. Tôt ou tard vous allez vouloir plus.
– Peut-être que oui. On verra à ce moment-là.
– Vous êtes incroyable ! Vous vous rendez bien compte que ça ne peut que mal finir.
– Oui, mais d’ici là j’aurais profité de vos charmes. En tout bien, tout honneur bien sûr.
– Et si je refuse ?
– Je continuerai de vous appeler jusqu’à vous cédiez
– Ce sera du harcèlement. Je peux porter plainte ou envoyer mon mari à ma place, juste histoire de vous remettre les idées en place.
– J’avoue que je n’avais pas pensé à cette option.
– Eh bien pensez-y ! Au revoir.
Bérénice raccrocha aussi sec.
Mais Damien ne s’avoua pas vaincu pour si peu. Malgré les menaces, il l’appela le lendemain mais ne trouva que son répondeur sur lequel il laissa un message anodin. Il insista, à intervalle régulier, sans toutefois appeler à une heure où le mari pouvait être rentré.
– Encore vous ! Râla Bérénice. Je croyais avoir été claire pourtant.
– Très claire. Mais j’insiste.
– Pfffff !!!! Bon, d’accord. Disons demain, vers seize heures ?
– Parfait ! Je peux abuser ?
– Bah, au point où on en est …
– J’aimerais que vous mettiez la robe que je vous ai offerte.
– Si vous voulez, dit Bérénice résignée. A demain.
Elle coupa la communication sans attendre la réponse de Damien
Puisque Damien était sensible aux femmes et à leur tenue, Bérénice décida de lui faire plaisir. Elle passa donc la robe qu’il lui avait offerte, les sandales, choisit avec soins ses dessous, s’assurant qu’ils seraient visibles par transparence et gonfla son soutien-gorge avec des coussinets pour donner un peu plus de relief à son quatre-vingt-dix B. Elle se fit un maquillage plutôt chargé, insistant sur le mascara pour mettre ses yeux bleus en valeur.
Mais avant de partir, elle téléphona à Damien pour lui donner rendez-vous chez lui.
Lorsqu’il ouvrit la porte, la surprise se lisait sur son visage. S’il avait espéré voir Bérénice dans sa robe, il ne s’attendait pas à ce qu’elle soit aussi sexy. Son amour et son désir pour elle n’en furent que renforcés. Et si elle ne l’aimait pas un peu en retour, alors il ne comprenait pas pourquoi elle avait fait tout ça.
Il lui fit visiter son petit deux pièces niché dans une petite rue pas loin du centre-ville. Un appartement de garçon, visiblement rangé à la va vite pour l’occasion.
Il invita Bérénice à prendre place dans le clic-clac, ce qu’elle fit en croisant exagérément ses jambes. Damien n’en manqua pas une miette, mettant le feu à ses joues.
– Qu’est-ce que je vous sers ?
– Un thé si vous avez, sinon un café.
– J’ai du thé. Exprès pour vous.
– C’est gentil.
Damien passa derrière le comptoir de la cuisine américaine et mit l’eau à chauffer.
– Vous êtes très belle. La robe vous va à ravir.
– Merci. C’est vrai que c’est un joli cadeau.
Il revint quelques minutes plus tard avec un plateau sur lequel trônait une théière, une tasse de café et des gâteaux secs posés dans une assiette.
6.
Damien s’installa à côté de Bérénice, suffisamment près mais sans la coller. Ils discutèrent de tout et de rien mais rapidement, Damien revint sur son sujet de prédilection : les vêtements féminins.
Soudain, il se leva et quitta la pièce.
– J’ai un cadeau pour vous, dit-il en lui tendant un sac.
– Je ne peux pas accepter. Vous m’avez déjà offert la robe et vous avez promis de ne plus m’en faire.
– Oui je sais. Mais je n’ai pas pu. Vous me plaisez tant.
– Damien, il ne faut pas.
– S’il vous plait…
– Bon d’accord.
Bérénice ouvrit le carton et découvrit une paire d’escarpins Louboutin.
– Mais c’est une folie. Ça coûte les yeux de la tête !
– Ils vous plaisent ?
– Oui, bien sûr. Quelle femme ne craquerait pas sur des Louboutin ! Mais c’est trop !
– Rien n’est trop pour vous. Vous les essayez ?
Bérénice se pencha pour défaire la boucle de ses sandales.
– Je peux ? Laissez-moi vous les mettre.
Bérénice tendit son pied à Damien, qui se mit à genou devant elle. Délicatement, il défit la bride et fit glisser les sandales.
– Vous avez de jolis pieds et j’aime beaucoup le vernis.
Il enfila les escarpins neufs, qu’il caressa presque amoureusement.
Bérénice se leva, fit quelques pas.
– Elles me vont bien. Et malgré le talon, elles sont très confortables. Merci pour ce cadeau. Ça me touche beaucoup.
– Je suis content que cela vous plaise.
– Mais pitié, ne m’offrez plus rien. J’aurais du mal à expliquer à mon mari tous ces achats. Et je ne peux pas dire que c’est vous qui êtes mon bienfaiteur.
– Vous n’avez qu’à dire que ce sont des clientes qui vous les ont offertes
– Oui, mais ça ne tiendra pas longtemps.
Bérénice s’approcha et lui fit la bise.
– Merci Damien. Mais ne recommencez plus.
– Promis !
– La dernière fois aussi, vous aviez promis.
– C’est vrai, répondit-il sur un ton « de toute façon, je fais ce que je veux »
Bérénice fit les cent pas dans l’appartement. Même si elle ne voulait pas l’avouer, elle appréciait grandement ce cadeau. Cela faisait un moment qu’elle lorgnait vers ce créateur et jalousait toutes ces célébrités qui les portaient et les collectionnaient comme on porte ou collectionne des paires de basket. Ses copines allaient être vertes de rage. Restait juste à expliquer la provenance.
Mais le problème était que son plan initial venait de prendre du plomb dans l’aile. Son but était de rendre fou Damien, de le faire baver de désir et de se refuser à lui. Il était amoureux d’elle mais ce n’était pas réciproque. D’une certaine façon, elle voulait l’humilier, le blesser dans son orgueil de mâle.
Mais voilà, il lui avait offert un cadeau précieux, autant par le prix que par ce qu’il représentait. Le Graal de toute femme qui se respecte. Enfin, du moins celles pour qui les chaussures étaient une obsession.
Ce cadeau avait relégué ses plans aux oubliettes. Elle n’était pas plus amoureuse de Damien pour autant mais elle le considérait autrement. Et si elle glissait distraitement « Jimmy Choo » dans la conversation ? Peut-être que… Peut-être qu’il ne pourrait s’empêcher de ne pas tenir sa promesse.
– Mon cadeau vous plait ?
– Oui beaucoup. Je serais de mauvaise foi si je disais le contraire.
– Il ne manque plus que des bas…
– Ce n’est plus vraiment de saison
– Oui, et c’est bien dommage.
– Pourquoi des Louboutin ? Il y a d’autres créateurs comme Jimmy Choo ou Carmen Steffens…
– Parce que c’est le plus connu. Mais je me renseignerai sur les autres.
– Depuis votre divorce, vous n’avez pas fait de rencontre ? demanda Bérénice pour changer de conversation.
– Si. Vous.
– Mais à part moi ?
– Non. J’avoue qu’avec mon travail et la réorganisation de ma vie, je n’ai pas vraiment eu le temps de m’en inquiéter.
– Il y a longtemps que vous êtes divorcé ?
– Huit mois.
– En effet. Je suis désolée que votre couple n’ait pas tenu.
– Moi aussi. C’est la vie. Cela dit, je n’en veux pas à mon ex. A cause de mon travail, je n’étais pas souvent à la maison. Elle s’est lassée de m’attendre. Et à cause de mon travail, je n’ai pas voulu d’enfant. Elle a rencontré un homme et elle est partie avec.
– Je ne sais que dire.
– Rien. Mais vous êtes là. Vous êtes mon rayon de soleil. Je vous aime Bérénice
– M…
– Laissez-moi finir, s’il vous plait. Je sais que vous êtes mariée et que vous êtes fidèle à votre mari. Mais j’apprécie votre compagnie. Chaque fois que je vous vois, je me noie dans vos yeux. Je meurs d’envie d’embrasser vos lèvres. J’aimerais vous prendre dans mes bras, embrasser chaque centimètre carré de votre peau, caresser vos jambes, vos seins, vous faire l’amour et vous donner du plaisir. J’aimerais être votre amant. Je vous aime.
Bérénice tressaillit à cette déclaration. Non pas qu’elle lui faisait peur. Enfin, un peu quand même. Elle lui rappelait surtout son mari lorsqu’ils ont commencé à sortir ensemble. Tout aussi romantique, prêt à tout pour lui plaire. Après vingt-cinq ans de mariage, ils s’aimaient toujours autant mais la routine avait eu raison de leurs élans des débuts. Ils faisaient l’amour régulièrement, pas forcément souvent. Patrice lui donnait du plaisir. Mais la flamme s’était éteinte. Ils sortaient peu au restaurant, encore moins au cinéma. Ils fréquentaient toujours les mêmes amis.
Mais Damien était entré dans sa vie, de façon anodine. Pour elle, ce n’était qu’un ami. Mais lui voyait plus loin.
– Je… je vais y aller. Merci pour le thé et merci pour les chaussures. Ça me touche sincèrement. Mais…
Elle se leva, prit sa veste et le sac contenant les sandales avec lesquelles elle était arrivée.
– On peut se tutoyer ?
– Non. Il ne vaut mieux pas.
– Je peux vous faire la bise ?
– Non plus. J’y vais. Merci encore
A suivre
Tout comme Damien, j’attends avec impatience que la belle laisse percer un bout de sa cuirasse !