Live and let die 2 – Dans le bain par mlle_helened

Live and let die 2 – Dans le bain par mlle_helened

C’est dans un état loin d’être serein que Franck suivi sa chef hors de la chambre jusqu’au restaurant de l’hôtel déjà grouillant de monde. Personne ne fit réellement attention à lui, même si quelques regards appuyés, voire quelques sourires moqueurs lui étaient destinés.

– Ignore-les, souffla Elizabeth, sinon tu ne vas pas vivre. N’oublie pas qu’on est ici pour une raison précise.

Franck se servit un café ainsi qu’une salade de fruit et un yaourt.

– Tu ne prends que ça ? demanda Elizabeth dont le plateau débordait d’assiettes sucrées et salées. La journée va être longue
– Je ne suis même pas sûr de tout finir, dit-il.
– Arrête de te prendre la tête ! Tu ne seras pas le premier homme à t’habiller en femme pour le boulot. Regarde Tootsie. Ou Mrs Doubtfire.
– Ça, c’est du cinéma.
– Peut-être. Je veux juste dire que tous les moyens sont bons pour arriver à nos fins. Et dans notre cas, on ne peut pas foirer cette négo.
– Parce qu’être déguisé en travelo, ça va l’aider ? grogna Franck à voix basse.
– J’en suis persuadée. Il suffit de jouer sur la carte de l’intégration des minorités sexuelles.
– Mais je n’ai pas l’intention de changer de …
– Je le sais bien. Mais pas notre client. Bon, allez, dépêche-toi. Ah, oui, j’oubliais, il faut que je te briefe sur le comportement féminin. N’oublie pas que tu es maquillé. Donc pas de grands mouvements avec ta serviette et tu évites de te frotter les yeux ou poser ton menton dans tes mains. On verra le reste au fur et à mesure.

Franck réussit à terminer son petit-déjeuner et se laissa tenter, sur l’insistance d’Elizabeth, par une viennoiserie. Puis ils remontèrent dans leur chambre.

– Ah merde, je crois que j’ai oublié ma carte, dit Franck.
– Je sais, dit Elizabeth qui lui ouvrit la porte. On se retrouve en bas. N’oublie rien car on ne reviendra pas.
– Oui Madame.
– Une dernière chose : pour aujourd’hui, tu t’appelleras Anna. Ça te va ?
– Si vous voulez, dit Franck, défaitiste.

Elizabeth l’attendait devant l’hôtel.

– Vous ne prenez pas votre valise ? demanda Franck désormais Anna.
– Non. Je l’ai laissée à la conciergerie. Je passerai la reprendre ce soir. Et puis, il aurait fallu expliquer pourquoi on a une valise pour deux.

La voiture Uber arriva quelques minutes plus tard et les emmena en louvoyant dans les embouteillages jusqu’au siège de la BCI, Banco Catalán de Inversiones

Plus le taxi approchait et plus Anna s’angoissait. Elle tremblait légèrement lorsqu’elle en descendit. Elizabeth se présenta à l’accueil et chargea Anna de demander leur interlocuteur. L’hôtesse dévisagea le travesti mais se garda de tout commentaire. Elle rédigea les cartes d’accès, l’une au nom d’Elizabeth, l’autre au nom d’Anna malgré la carte d’identité purement masculine. Elle allait pouffer, le regard d’Elizabeth l’en dissuada.

Augustin Marciado vint les accueillir. Il serra chaleureusement la main d’Elizabeth et de son assistante sans faire de remarque ou esquisser le moindre signe de surprise. Ils montèrent au troisième étage. Augustin s’enquit, en anglais impeccable malgré un accent castillan bien marqué, du voyage et de leur soirée à Barcelone.

– Très bonne soirée, répondit Elizabeth, toujours dans la langue de Shakespeare. Anna parle très bien espagnol.
– ¿Hablas español ?
– Sì, répondit Anna. Mi familia es originaria de un pueblo en el norte de Madrid.
– Oh, muy bien.

Ils arrivèrent enfin dans la salle de réunion où étaient présents le directeur et les juristes de la banque. Après les présentations et un café accompagné de petits gâteaux, tous se mirent au travail. Personne ne fit de commentaire sur l’apparence d’Anna. Cette indifférence la soulagea et elle put se décontracter un peu et se consacrer à sa tâche. Sa maitrise de l’espagnol lui permit de lever certains problèmes de traduction.

Ils s’autorisèrent une pause le matin et l’après-midi et mangèrent dans la salle. Vers dix-sept heures, le directeur mit fin à la réunion, pleinement satisfait des propos qui avaient été tenus et affirmait sa confiance dans la suite des événements.

Elizabeth commanda une voiture Uber et terminait de discuter du projet. Anna récupéra sa carte d’identité et quittèrent le siège de la BCI.

– On récupère ma valise et on file à l’aéroport, déclara Elizabeth.
– J’ai le temps de me changer avant ?
– J’ai bien peur que non. On a un peu d’avance et je voudrais la conserver. Je me méfie des bouchons.
– Bon d’accord, dit Anna, déçue.
– Tu n’étais pas bien dans mes fringues ? s’amusa Elizabeth.
– Je mentirai en disant non. Mais bon, j’aimerai redevenir moi-même.
– Un peu de patience. Tout va rentrer dans l’ordre.

L’embarquement se fit sans problème même si l’officier de sécurité fut un court moment suspicieux. Il laissa passer Anna sans discuter. Arrivé à Paris, le policier chargé des contrôles fut plus tatillon et Elizabeth se permit d’intervenir pour se porter garante de son assistante dans un rapide résumé du pourquoi de la situation qui amusa le policier.

Une nouvelle fois, Uber les emmena jusque chez Anna qui louait un petit appartement en bas du XVème.

– Je suis désolée, dit Anna. C’est au cinquième et il n’y a pas d’ascenseur.
– Ce n’est pas grave, dit Elizabeth. Je peux souffrir un peu.
– C’est ton chez toi ? demanda Elizabeth en embrassant le petit appartement du regard. Et tu payes combien, si c’est pas indiscret ?

Anna annonça le tarif de son loyer. Indécent.

– Tu sais que pour le même prix, tu peux avoir plus grand.
– Oui mais à condition de s’éloigner.
– Tu tiens tant que ça à rester dans Paris ?
– C’est pratique.
– Ça se discute… On en reparlera plus tard. Je te démaquille puis je te laisse te changer.
– Vous ne voulez pas que j’emmène l’ensemble au pressing ? Après c’est un peu de ma faute si j’ai dû le porter.
– Non, c’est gentil. Tu en as assez fait pour aujourd’hui.
– D’accord. Merci. Il ne me reste plus qu’à acheter une bonne valise.
– Excellent idée. Bon à demain. Ma voiture arrive.
– Je vous raccompagne. Ne serait-ce que pour descendre votre valise.
– Merci Anna, Franck.

Franck retrouva son bureau et sa chef le lendemain. Ils firent un rapide débriefing avant qu’Elizabeth fasse un compte rendu plus détaillé à son chef et au PDG. Mais elle ne fit aucune allusion au travestissement forcé de la veille.

– Croisons les doigts pour que ça aille jusqu’au bout, dit François de Montendre, le PDG.
– Ils avaient l’air très motivés pour continuer, dit Elizabeth. Mais les financiers pourraient tout remettre en cause.
– Ça, c’est mon job, dit François. Et ton assistant, ça s’est bien passé ?
– Oui très bien, à un détail près, dit Elizabeth.
– Allons bon !

Elizabeth raconta la transformation de Franck en Anna.

– Et ça ne va nous nuire ? s’inquiéta le chef d’Elizabeth.
– Pas forcément, si on joue la carte de l’intégration des minorités. On peut passer pour une banque ouverte au monde et en phase avec la société. Et puis, ça restera juste un one shot. On n’est pas obligé de demander à Franck d’aller jusqu’au bout d’une transition. Hier, ça n’a gêné personne dans la réunion.
– Vu ce qu’on sait de nos interlocuteurs, c’est compréhensible. Bon, bon. Je vous laisse gérer cette affaire.

– Ça s’est bien passé ? demanda Franck au retour d’Elizabeth
– Oui très bien, répondit-elle, comprenant très bien son angoisse. Le PDG sait pour Anna et me laisse carte blanche.
– C’est-à-dire ? s’inquiéta Franck.
– On verra le moment venu. Assez discuté, au boulot.

La semaine se termina sur le rythme habituel. La suivante commença de la même façon. La routine reprit ses aises même si les dossiers traités étaient différents les uns des autres. C’est qu’aimait Franck. Tout comme Elizabeth, il suivait de près celui de la BCI. Les financiers faisaient leur job et tentait de réduire les coûts de rachat sans pour autant aller trop loin et faire capoter l’affaire. Cela prit presque deux mois et le rachat fut enfin entériné. Il ne restait plus qu’à finaliser les aspects juridiques.

– Franck, on va devoir repartir à Barcelone pour finaliser les contrats. On a prévu deux jours de travail.
– Oui, très bien. Pas de souci. J’ai une vraie valise maintenant.
– Excellente nouvelle. Par contre, moi, j’en ai une plus mauvaise. A la BCI, ils ne connaissent pas Franck Feràn.

Franck blêmit, comprenant ce que cela impliquait.

– Voilà, tu as tout compris. Mais cette fois, on ne va pas improviser.
– J’ai le droit de refuser ?
– Oui, tu peux. Mais dans ce cas, c’est direction RH.
– Vous plaisantez, dit Franck, un sourire crispé sur ses lèvres
– Non, répliqua Elizabeth sur un ton sans appel. Ecoute, la dernière fois, ça s’est bien passé et on avait fait avec les moyens du bord. Cette fois, on va te préparer plus sérieusement. Et si ça peut finir de te convaincre, dis-toi que tu ne fais pas tous ces efforts pour rien et qu’on saura en tenir compte.
– Mouais, fit Franck, sceptique.
– Je vais te présenter à une amie qui va t’accompagner et t’aider dans ta transformation qui va durer une semaine. Tous les frais seront à notre charge bien évidemment.
– Une semaine ! s’exclama Franck. Mais j’ai plein de chose à faire.
– Je sais. Et tu vas les faire. A distance. Tu emmènes ton PC avec toi. A toi de t’organiser. Voilà l’adresse où tu vas te rendre et où tu passeras la semaine. Mon amie s’appelle Mélody Dellion.
– Qu’est-ce qu’elle va faire ?
– Simple : faire de toi une femme très crédible.
– J’ai pas le look, dit Franck tentant de dissuader sa patronne de mener à bien son entreprise.
– Détrompes-toi. Tu as plus que les atouts nécessaires. Tu as bien vu la dernière fois : en improvisant, tu passais déjà très bien. Quand Mélody aura fini, tu ne te reconnaîtras pas toi-même.
– Si vous le dites.
– Fais-moi confiance. J’ai tout à perdre moi aussi si le rachat se passe mal. D’une certaine façon, on est lié. Allez, c’est l’affaire de quelques jours, et uniquement à Barcelone. Tu sais ce qu’on dit : ce qui se passe à Barcelone, reste à Barcelone.

Franck ne répondit pas.

A suivre

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