Pas chiche V – chapitre 13 par Domi_Dupont

You may say i’m dreamer but i’m not the only one

Contrat rempli : Clo a bossé comme une dingue et le dimanche très tard ou le lundi très tôt, le programme pour installer le site de son patron – amant est fin prêt. Il ne reste plus qu’à l’installer. Ce qu’elle compte faire dans l’après midi après s’être royalement accordé une matinée de sommeil.

Contrairement à son habitude, elle ne se « pomponne » pas, expression chère à sa grand-mère. Au contraire, elle s’habille de manière sobre, surtout sexuellement neutre: pantalon large, pull deux tailles au-dessus sans la moindre petite trace de maquillage et les cheveux liés sagement en queue de cheval. Elle va revoir Lou, de retour de son escapade irlandaise, et elle tient à garder ses distances, à le tenir à distance. Il lui plaît beaucoup mais dans les circonstances actuelles, dans l’état de perturbation atmosphérique dans lequel elle évolue, c’est un risque trop grand.

Mais il interprète mal son attitude.

Il se montre direct, elle se montre aussi directe en retour. Elle lui explique qu’elle a besoin d’un peu de recul et que, de plus, elle ne sera pas sur Lyon une bonne partie de la semaine. Elle a la mise à jour de deux sites à traiter en Savoie. Ils se séparent froidement.

Bien sur, elle pourrait effectuer la plus grande partie du travail chez elle mais l’occasion est bonne pour s’éloigner et l’air de la montagne ne peut que lui être bénéfique. Bien que son boulot soit fini dès le mercredi soir, elle reste jusqu’au week-end s’oxygénant la tête et les poumons par de longues randonnées.

********************
Lorsqu’elle rentre, le dimanche matin, elle trouve sur son répondeur un message de Lou lui annonçant qu’il ne serait pas joignable avant mardi.

Déception !

Cette semaine près de la neige a chassé ses cauchemars et ses fantasmes. Pendant ces cinq jours, pas l’ombre d’une pensée érotique – enfin pratiquement pas une. La lessive qu’elle a faite dans sa Ford intérieure lui a lavé la tête. Elle revient sereine, sûre de ses choix et une partie tendre de jambes en l’air avec Lou ne lui aurait pas déplu. Mais manifestement, il n’a pas digéré…

Faute de grive… une idée venue de très loin où vient frapper à sa fenêtre :

– Puisque t’es seule, si t’allais fêter ça au rest’o où tout a débuté… Voilà une idée qu’elle était bonne ! Affranchie de tout souci de séduction, elle garde sa tenue de motard, se contentant de reprendre son maquillage et donner un coup de flou à sa coiffure.

Le temps étant au beau, elle décide de faire un peu de marche. A quoi ça tient la vie ! Si elle avait pris un taxi, il l’aurait posé devant le bouchon. Elle ne se serait pas arrêtée rue de …, devant une boutique de fringues. En reprenant son chemin, elle n’aurait pas remarqué sur le trottoir d’en face…

– Camille ! CAMILLE ! CAMILLE!

Malgré ses appels peu discrets, la femme qu’elle a interpellée continue son chemin sans se retourner, imperturbable. Cette fois, pas question que de se faire avoir ! Clo est bien réveillé, reposée ! Elle traverse la rue sans précaution, provoquant l’ire des conducteurs auxquels elle coupe la route. Elle crie, crie :

– CAMILLE ! CAMILLE ! CAMILLE !…

Toujours aucune réaction ! L’autre avance sans paraître entendre quoique ce soit. Clo accélère le pas. Comme ça ne suffit pas, elle se met à courir. Ce petit cul moulé dans une jupe sobre trace des huit dans l’air printanier, semblant la narguer. Un instant elle a un doute ! Pourtant ces mèches folles qui flirtent avec le col du sweat… Clo arrête de hurler mais elle ne se laissera pas ignorer, pas cette fois. Les longues jambes aussi belles que dans son souvenir tricotent d’un bon pas mais sa course l’amène bientôt à sa hauteur. Là, elle fait ce qu’elle ne se serait jamais cru capable : elle se plante devant la jeune femme qu’elle poursuit bras en croix :

– STOP ! CAMILLE ! Cette fois il faut qu’on parle ! A l’air abasourdi avec lequel l’autre la regarde, Clo refait surface! Pourtant c’était bien elle ! D’une voix agréable mais qui ne ressemble en rien à celle de la Camille onirique, l’inconnue parle :

– Vous devez faire erreur, mademoiselle. Je ne m’appelle pas Camille

Bien plus que la signification des paroles, le son de la voix lui fait comprendre l’étendue de la catastrophe. Alors Clo éclate en sanglots et, par on ne sait quel enchantement, se retrouve, blottie, dans les bras de cette étrangère. Elle chouine sur cette épaule compatissante, sans retenue, tandis que par des caresses amicales et des mots remplis de gentillesse, la jeune femme essaie de la consoler. L’état de délabrement mental dans lequel l’a plongé la confirmation de ses hallucinations rend cette méthode peu efficace.

Chaque mot, chacune des respirations la déchirent un peu plus et elle larmoie de plus belle. Elles deviennent le centre d’attraction de tous les passants. De guerre lasse, mais toujours avec la même gentillesse, l’inconnue la prend par le bras et l’entraîne vers un bar.

– On ne va rester là à se donner en spectacle ! Il va d’abord y avoir une flaque à nos pieds ! Viens ! On va se poser dans ce bistrot ! On va boire un remontant, tu en as besoin ! Quand tu auras retrouvé un peu de sérénité, tu m’expliqueras quelles aventures t’ont amenée à ce gros chagrin. Tu me diras pourquoi le simple fait que je ne m’appelle pas Camille semble si dramatique. Je crois que tu as besoin de parler et il paraît que j’ai une très bonne oreille.

Le tutoiement est venu naturellement dans la bouche de l’inconnue. Elles s’installent le plus loin possible du comptoir, lieu le plus fréquenté à cette heure de la journée. Sans lui demander son avis, La jeune femme commande deux whiskys. Clo prend le temps de sécher ses pleurs, de siroter son alcool. Pendant ce silence, elles s’observent. L’inconnue est bien celle rencontrée à la porte du resto. Sauf qu’elle n’a pas cet air fantasmagorique dont Clo l’a affublée. Nulle trace dans ce visage attentif, à peine fardé, de l’ironie qui habitait son fantasme. Et ses yeux sont noirs ! Rien d’aguichant dans l’attitude: le décolleté en V de son sweat qui dévoile la naissance de ses petits seins relève plus d’un sain laisser-aller que d’une quelconque provocation. Leur vision pourtant l’émeut ! Sentant le moment propice l’inconnue attaque :

– Bon maintenant ! Raconte-moi ce qui t’a mis dans un tel état.

Sa voix grave, chaude, réconfortante ne dégage pas cette sensualité, cet appel au coït dont Clo avait doté Camille.

– Est-ce que tu connais le rest’o de la Mère Noire à la Croix Rousse, commence Clo, en reniflant encore un peu.
– Bien sûr ! J’habite à quelques rues !
– Moi aussi ! Comment ne t’ai-je jamais vu ?

Sentiment un peu de gêne dans la voix quand Cam… l’autre lui répond :

– Tu sais, je ne sors pas beaucoup ! Je suis en fac et j’ai des horaires un peu bizarres ! Et puis nous…. J’ai emménagé depuis peu. Mais que vient faire ce restaurant dans ton histoire ?
– J’ai du t’y rencontrer… enfin te croiser, il y a une quinzaine de jours. Je… C’est un peu fou… Je me sens ridicule…
– N’aie crainte, je ne me moquerai pas ! Mais attends !

Elle rappelle le garçon et fait remettre une tournée. Là, il se passe un truc que Clo ne peut pas expliquer ! Peut-être la griserie due à l’alcool ! Peut-être aussi le désarroi qui sature ses neurones ! Peut-être les yeux remplis de mansuétude qui l’observent! Peut-être la main qui à un moment prend la sienne et ne la lâche plus ! Peut-être ! Peut-être… En tout cas, elles s’incrustent dans le cani plus d’une heure et Clo lui raconte tout…. Oui, tout… Entièrement tout… ses délires… Lou… sa bite…

Pendant toute sa confession, l’inconnue ne l’a jamais interrompue, n’a fait aucun commentaire. Son intérêt ne se manifeste que par la mobilité d’expression de son visage. Réminiscences: quand Clo lui avoue son appartenance au troisième sexe, une flamme bienveillante traverse le regard et la main presse la sienne affectueusement. Cette réaction dénuée de tout calcul, simple expression d’une compréhension sans commisération émeut Clo au plus haut point. Quand, enfin, elle conclut par cette rencontre inopinée une heure auparavant, les filles ont ingurgité deux verres de plus. Clo a très chaud.

Aussi lorsque l’inconnue lui propose d’aller jouer à la dînette chez elle, elle accepte sans aucune arrière-pensée. Son déballage sans retenue a créé une réelle intimité et elles partent main dans la main. Durant tout le trajet, émaillé d’arrêts lèche-vitrines, elles papotent comme deux vieilles amies. Bien sûr, elles dissertent sur la mode, les fringues. Mais elles parlent beaucoup de la vie de Clo. L’inconnue se montre très curieuse des techniques que Clo a utilisées pour se féminiser. Elle l’interroge longuement sur ses implants mammaires.

Très intéressée car selon son expression, elle est plate comme une limande mais fauchée comme les blés. Surtout, elle a peur de souffrir. Haltes et bavardages les amènent devant un vieil immeuble récemment rénové. Elle habite au troisième étage. L’appartement est cossu, manifestement pas dans les loyers auxquels peut prétendre quelqu’un qui est fauché comme les blés. A certains éléments de déco, Clo devine, aussi, un/une locataire plus âgé(e). Avec la même gêne dans la voix, l’inconnue avoue qu’elle vit avec une copine. De la manière dont elle a appuyé sur le « vit » aucun doute n’est possible: elle est lesbienne, cela semble évident. Cela explique sans doute l’attirance que de Clo à son encontre…

Elles se préparent un repas sympa à base de crudités, d’une viande grillée, de quelques fruits. Repas qu’elles arrosent d’un Saint-Joseph. Pendant tout ce temps elles continuent de discuter, de tout, de rien et du reste. La gêne initiale dépassée, l’inconnue parle sans complexe de ses études, de sa vie avec sa copine, bien plus âgée qu’elle. Elle tient à préciser qu’elle n’est pas entretenue même si… Par instants, lointaine, elle sourit à quelque plaisanterie connue d’elle seule. Cependant, elle se cantonne au présent et à nul moment n’évoque son passé. Au terme du repas, une véritable complicité s’est établie. Un courant très électrique passe entre elles.

Lorsqu’elle a servi le café au salon, l’inconnue s’assoit très près, trop près de Clo.

Tout naturellement, sans qu’il y ait aucun signe précurseur, aucun geste tentateur, elles se retrouvent dans les bras l’une de l’autre, étroitement enlacées. Le baiser qu’elles échangent alors est unique. Tant par sa durée que par toute la tendresse, tout le désir, toute la compréhension qui circule entre elles.

Image ridiculement niaise du temps qui s’arrête… pas vraiment… mais elles sont en apesanteur… Armstrong marchant sur la lune… Leurs langues cosmonautes, de cet étrange ballet sélénite… aucune précipitation… mais la juste pulsation. Leurs mains aussi participent à cette fête mais elles ne sont qu’effleurement, que frôlement du haut de la nuque jusqu’au plus bas du dos. L’espace alcoolisé dans lequel elles voguent favorise une communication quasi magique: chacun de leurs gestes n’est qu’une anticipation de l’attente de l’autre.

Elles restent très sages longtemps. Bien évidemment, les pulls s’envolent. Leurs mains constatent que ni l’une ni l’autre, ne portent de soutifs. Leurs corps parcourus de frémissements continus leur donnent la sensation d’être électrifiés. Terrain totalement inconnu pour Clo. Quelque chose l’empêche, les empêche d’aller plus loin. Toujours enchaînées dans ce baiser infini, leurs yeux ignorent toujours l’aspect que peuvent avoir leurs torses dénudés, leurs mains n’ont pas encore cajolé leurs seins aux bourgeons déjà tendus et se sont tenues à l’écart de leurs culs. Lorsque, enfin, les bouches se disjoignent, le café qu’elles ne boiront jamais est froid depuis longtemps. Le rouge aux joues, elles se regardent… dans les yeux cherchant avidement à lire un message. Sans qu’il ne soit besoin d’une quelconque demande et sans aucun chichi, Clo se déshabille. Entièrement nue, le sexe dressé, elle tourne sur elle-même pour lui présenter chaque facette de son anatomie. L’inconnue se lève, l’enlace. Lui mordillant le lobe de l’oreille droite, elle murmure :

– Tu es très, très, très belle ! Et je suis morte de jalousie devant la beauté, le modelé de ta poitrine.

C’est vrai qu’à côté d’elle, « Clo a de la poitrine ». Elle est dotée d’une poitrine d’adolescente aux seins légèrement bombés illuminés par deux aréoles au rose particulièrement vif. En émergeant de charmants petits tétons qui à la seconde présente s’écrasent contre ceux de Clo. Comme si elle lisait dans ses pensées, l’inconnue s’écarte. De ses mains en paniers, elle remonte ses deux petits oiseaux tentant vainement de leur donner du volume :

– Ils sont vraiment insignifiants, n’est-ce pas ? Ils ne peuvent pas te plaire ?

Clo ne peut la laisser dire. Prenant appui sur les épaules, elle confie à ses lèvres le soin de lui prouver le contraire. Elles couvrent le haut de ses mamelons de mille baisers délicats. Sous ces agressions continuelles, ceux-ci durcissent encore. Les petits tétons se dilatent de plaisir. Sa langue, infirmière dévouée, soigne les méfaits commis par ses lèvres par un léchage complet et douillet de toutes les surfaces martyrisées. Pour finir, elle joue au jeu du tourniquet, tour à tour avec chaque téton. Les mains de l’inconnue abandonnent sa poitrine pour prodiguer d’exquis massages sur ses épaules, omoplates, nuques générant des petits frissons exquis sur tout son épiderme.

Clo ne reste pas inactive : ses mains caressent les fesses à travers l’étoffe rugueuse de la jupe avec une retenue, une tendresse qu’elle ne se connaissait pas. Elles descendent derrière les cuisses, en une lente glissade, interrompant leur course à la lisière de l’ourlet. Elles reviennent ensuite jusque sous les fesses. Paumes ouvertes, elles étreignent les globes jumeaux, les compriment l’un contre l’autre. Elles terminent leur parcourt au creux des reins, à la limite de la peau nue.

Clo n’ose toujours pas franchir le pas, passer sous la barrière du tissu. Quelle peur obscure la tenaille ? C’est le hasard (ou un geste bien calculé de la part de l’inconnue) qui vainc ses dernières réticences : sa main droite arrive à la frontière de l’ourlet et s’apprête à s’en retourner. Courant d’air divin, geste volontaire, peu importe ! La conséquence heureuse est que sa dextre se trouve au contact de la peau si désirée et ne peut faire autrement que de prendre le chemin du retour sous la jupe.

Y’a que le premier pas qui coûte ! Quelques secondes plus tard, ses voyages manuels reprennent sous le tissu. Elle ne porte pas de string mais une culotte en dentelle avec des volants comme Clo les aime particulièrement. Peloter ce ferme petit cul à travers la dentelle, un vrai délice!

Sa main droite s’insinue entre la dentelle et la peau, s’introduit entre les fesses pour atteindre son entrejambes. L’inconnue s’arrache violemment à son étreinte et s’éloigne. Clo se redresse, catastrophée. Quelle bévue a-t-elle commise ? Sans doute est-elle allée trop vite ! Elle aurait dû être plus précautionneuse, plus attentive à ses réactions ! Mais elle connaît si peu les femmes qu’elle a pu commettre n’importe quelle maladresse.

Le visage tourmenté qu’offre sa compagne infirme tout ce que Clo a pu penser. Ces premiers mots, énoncés d’une voix anxieuse sont pour la rassurer :

– N’aie pas cet air dépité ! Mais je ne voudrais pas te décevoir ! Il faut…
– Oui ! , la coupe-t-elle assez brutalement, déçue de son recul. Tu penses qu’il vaut mieux arrêter là, n’est-ce pas ! Chuis pas à la hauteur ! Je ne…

Heureusement, l’inconnue ne la laisse pas finir et l’interrompt à son tour.

– Tu n’y es pas du tout ! C’est divin ! Très fort ! Peut-être même trop ! Différent de tout ce que j’ai pu ressentir jusqu’à aujourd’hui ! J’en tremble encore ! Tu n’es pas en cause ! Le problème c’est moi !

Très émue, à la limite de pleurer (et oui pour une fois, ce n’est pas Clo !), elle agrippe mes mains, les étreint nerveusement. Et Clo de s’excuser :

– Je suis désolée. Ma grand-mère disait qu’il fallait toujours retourner sept fois sa langue dans sa bouche avant de l’ouvrir. Mais comme d‘hab., j’ai parlé avant même de savoir ce que j’allais dire.

L’humour pas marrant à la Lou la réconforte un peu. D’une voix plus assurée, elle reprend :

– S’il te plaît, assis-toi et écoute-moi ! Je crois qu’il se passe quelque chose de très spécial entre nous. Je ne saurai expliquer ce que c’est. Jusqu’à aujourd’hui, je n’ai eu que deux expériences, toutes les deux sexuelles et sentimentales. A vingt-quatre ans, tu avoueras que ça fait peu. Comme je te l’ai dit, je n’ai jamais vécu une situation aussi forte, aussi perturbante. J’ai d’autant plus peur de te décevoir. Mais il faut que tu saches quelque chose sur moi, maintenant, à froid. Dans un film ou dans une histoire, tu le découvrirais par surprise, et cela ferait un bon rebondissement. Mais nous ne sommes pas dans un film.

Clo s’assoit sagement dans le canapé. Elle ne comprend strictement rien à ce qu’elle lui raconte. Elle se demande quelle horrible tare, elle allait lui révéler. Une seconde, l’idée l’effleure qu’elle est séropositive mais elle la rejette aussitôt ! Ça ne colle pas avec son personnage ! (Incurable romantisme !) . Le comble : dans cette situation, Clo ne débande pas. Au contraire, ce visage qui s’anime, ces yeux qui brillent sous l’effet de l’émotion, ces petits seins qui dardent toujours leurs pointes maintiennent et, plus, augmentent son désir.

Clo a envie de lui dire qu’elle se fiche de ses secrets, qu’elle veut juste qu’elles soient heureuses ensemble… un moment. Elle lui tourne le dos. Sans ostentation, elle dégrafe sa jupe pour la laisser tomber à ses pieds. Clo a à peine le temps d’apprécier le charme de deux sphères lisses mal dissimulées par une culotte de dentelles mauve que déjà elle a enjambé sa jupe et lui fait face. En une fraction de seconde, Clo réalise la cause de son anxiété: le devant de son slip est déformé, distendu, mais vraiment très distendu par un objet contondant qu’il a beaucoup de mal à contenir.

– C’est pas vrai ! C’est pas possible!Et moi qui croyais que je désirai une fille ! Alors que tu es…

Et c’est plus fort qu’elle, Clo part d’un immense éclat de rire qui s’interrompt aussi rapidement qu’il a commencé dès que l’inconnue éclate en larmes. En se traitant d’imbécile, Clo se précipite vers elle, la prend dans ses bras et tente à son tour de la consoler.
– Je… je… je… l’avais …bien dit…, hoquette-t-elle entre ses sanglots. Tu … m’en… veux… tu… crois… que… j’t’ai… trompé… que… je… m’suis… moquée… d’toi.

Clo la câline, la berce comme une petite fille.

– Non ! Je ne t’en veux pas ! Bien au contraire ! Je suis un grand imbécile maladroit ! Tu me fais déparler… UN grand imbécile ! Je ne sais même plus si je suis lui ou elle ! Mais je viens de comprendre une chose : mon sexe, ton sexe n’ont aucune importance ! C’est toi que je veux !
– Tu … dis ça… pour m’faire plaisir !
– Pas du tout ! Et si j’ai ri, c’est sur ma bêtise ! Tu ne peux pas savoir comme je suis soulagée ! Tout est enfin clair dans ma tête ! Que tu sois femme ou mec, ou les deux n’a aucune espèce d’importance ! Ce qui compte c’est ce que tu es ! Mon inconscient l’avait compris. Tu as envahi ma vie parce que tu es mon double !
– Oui mais… quand tu me caressais… tu pensais que j’étais une femme ! C’est ce qui t’excitait! Alors maintenant que tu sais.
– Comme dirait mon ami Lou, tu es une femme mais avec quelque chose en plus. Tout ça, ce sont des conneries : tu es toi ! Et c’est avec toi que …

Clo n’achève pas sa phrase, l’inconnue repassant à l’attaque. Les lèvres stationnent à quelques centimètres de mon téton droit. Quelques centimètres qui à la suite d’une manœuvre habile se réduisent à zéro mm. Cette offensive astucieusement menée les ramène à la conscience de leurs corps. Jambes, sexes, ventres s’abandonnant, chair contre chair. Clo prend amoureusement la tête entre ses mains. Avec une tendresse immense, elle l’amène contre la mienne. Nouveau baiser délicatement passionné. Corps s’étirant, se cherchant, se trouvant, se lovant.

Tiédeur de ses seins s’écrasant contre sa poitrine.
Sexes s’imbriquant, se comprimant, se muant en une seule entité.
Immobilisme changeant. Ô temps !
Femme/homme. Transcendance. Homme/femme.
Fortification du désir. Baisers, tendre pénétration initiale.
Vaguelettes, imperceptibles mouvements d’une houle naissante.
Massage/message
cuisses à cuisses,
ventre à ventre,
seins à seins.
Station verticale compliquée.
Action au ralenti: chute sur la moquette.
Déconnexion. Séparation momentanée… difficile.
Recherche instantanée de l’autre, de son souffle, de sa chaleur
Genoux percutant. Accolade de tétons. Glands s’humidifiant mutuellement.
Besoin impérieux de se reconnecter, s’amalgamer, de n’être qu’un.
N’être qu’un corps, qu’une vibration.
Phalanges se faufilant, s’immisçant,
Se perdant en des lieux obscurs que leurs passages illuminent.
Fesses fendues, offertes aux agissements de ces doigts investigateurs.
Baisers toujours plus gourmands, plus intenses, plus langoureux.
Duel auto-masturbatoire de leurs bites érigées.
Frottements. Echauffements. « Enflammation ». Déflagration.
Fluides éjaculatoires, jubilatoires tapissant les abdomens.
Premières décharges, simple prélude à d’autres transports.
Bites toujours aussi fermement dressées
l’une contre l’autre
malgré cette échappée spermatique.
Clo, de sa raideur, ouvrit les portes de sa forteresse.
Tendre et profonde visite.

Elle lui rend la politesse: elle investit l’autre temple avec la même pénétrante délicatesse. Dans cette espèce de dimension intemporelle dans laquelle elles évoluent, elles se pénètrent, à tour de rôles, maintes fois sans jamais que leurs libidos ne s’emballent. Lorsque leurs corps sont physiquement fatigués de ces allers-retours, leurs mains prennent le relais. Index, majeur, annulaire et leurs complices s’enfoncent alors, tour à tour, avec un synchronisme parfait dans leurs intimités bien lubrifiées.

Et ce baiser infernal qui refuse toute idée de fin.
Etat de grâce. Jouissance ininterrompue, permanente.
L’ascenseur est bloqué au septième ciel.
La règle des trois unités n’a plus cours.
Temps, lieu, espace, cela ne signifie plus rien.
Tantôt sous elle, tantôt sur, tantôt en.
Parfois à gauche, parfois à droite.

La sueur sourdant de chaque pore, recouvre les anatomies, coule entre les seins, les fesses, le long des jambes. Sur leurs ventres, elle se mélange aux flaques de jutes, résultat de leurs éjaculations à répétition. Leurs corps obéissent à des lois qu’elles ne connaissent pas. Lévitation obscène entre le canapé, la table basse et les poufs. Les chocs qu’elles encaissent n’entament en rien leur voyage. Cette symphonie amoureuse, sans partition, sans chef, sublime improvisation où les corps sont en même temps notes et instruments, les entraînent toujours plus haut, toujours plus loin.

Vient enfin l’Instant! Instant qui leur démontre qu’elles n’ont encore jamais réellement joui. Qui fait quoi ! Qui est dans qui ! Quoi est dans qui ! Qui est dans quoi ! Bien incapable de dire ce qui s’est passé, de ce qui se passe à la seconde où… Tétanisation des membres. Contraction convulsive des anus, des bites. Seins douloureux aux tétons statufiés. Onde de choc, de chaleur brûlante quasi insoutenable escaladant la colonne vertébrale pour exploser dans les têtes. Corps désertés ! Libérés des problèmes de … de tous les problèmes.

Explosion ! Implosion ! Néant et Extase ! Extase ! Eden ! Blanc ! Vide ! Vidées ! Lessivées ! Anéanties ! Carpettes ! Un, deux, dix, mille anges passent en applaudissant de leurs ailes immaculées! Pleurs ! Rires ! Bonheur ! Câlin, câlin, câlin, câlin !

Quand elles émergent de ce coma amoureux, la nuit est tombée. Elles se relèvent, ressentant maintenant toute la fatigue accumulée pendant leurs fols ébats. Debout, face à face, mains dans les mains, elles n’osent pas bouger; elles restent muettes un long moment. Peur de parler, peur de se lâcher, de rompre ce contact magique, de faire éclater la bulle. Peur de voir s’afficher le mot FIN sur l’écran de leurs yeux. Ceux-ci brillent d’un éclat incroyable laissant passer tout cet Amour que elles portent en elles. C’est l’inconnue qui, in fine, prend l’initiative de la parole :

– Je crois que je t’aime et je ne sais même pas ton prénom !

A cette occasion, elles éclatent de rire ensemble. Elles ont passé la journée ensemble, joui comme jamais et elles ne se sont pas seulement présentées.

– Moi aussi, je crois que je t’aime. Je m’appelle Claude mais je préfère qu’on m’appelle Clo. Et toi ?
– Avant c’était Noël maintenant je suis Noël-le et je pense mon prénom au féminin. Clo, je crois qu’un bain bien chaud avec beaucoup de mousse nous fera beaucoup de bien. Et si tu n’as pas d’obligation autre, je voudrais que tu restes ce soir. Même toute la nuit si tu veux, même demain…
– Noëlle ! Clo prononce son nom avec ferveur. Noëlle, quelle obligation pourrait être plus importante qu’un moment passé avec toi.

Elles ne se sont toujours pas lâchées. Il suffit à Noëlle de tirer les mains pour que Clo se retrouve de nouveau dans ses bras.

– Tu sais que je ne vis pas seule ! Il y a Josette et je ne veux pas qu’elle souffre. Mais viens, nous aurons le temps d’en parler plus tard. Et nous en avons parlé… Elle m’a raconté son histoire que certains connaissent peut-être déjà. Nous avons cogité sur nos avenirs possibles… Mais ceci sera prétexte à une autre histoire que je vous narrerai peut-être un jour… Qui sait …

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3 réponses à Pas chiche V – chapitre 13 par Domi_Dupont

  1. trans lucille dit :

    Qu’est ce que c’est beau !

  2. Muller dit :

    très joli page d’écriture ! Vraiment bien !

  3. sapristi dit :

    En matière de récit impliquant des travestis, on lit souvent a peu près toujours la même chose ! Pas ici ou le sexe transsexuel est magnifiquement et originalement décit

  4. José dit :

    Alors là, je suis sur le cul, il est rare de trouver de la littérature transsexuelle aussi bien écrite et aussi érotique ! Bravo !

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