La fille à cent sous par Georges Brassens
Du temps que je vivais dans le troisièm’ dessous
Ivrogne, immonde, infâme
Un plus soûlaud que moi, contre un’ pièc’ de cent sous
M’avait vendu sa femme
Quand je l’eus mise au lit, quand j’voulus l’étrenner
Quand j’fis voler sa jupe
Il m’apparut alors qu’j’avais été berné
Dans un marché de dupe
» Remball’ tes os, ma mie, et garde tes appas
Tu es bien trop maigrelette
Je suis un bon vivant, ça n’me concerne pas
D’étreindre des squelettes
Retourne à ton mari, qu’il garde les cent sous
J’n’en fais pas une affaire »
Mais ell’ me répondit, le regard en dessous
» C’est vous que je préfère
J’suis pas bien gross’, fit-ell’, d’une voix qui se noue
Mais ce n’est pas ma faute »
Alors, moi, tout ému, j’la pris sur mes genoux
Pour lui compter les côtes
» Toi qu’j’ai payé cent sous, dis-moi quel est ton nom
Ton p’tit nom de baptême ?
– Je m’appelle Ninette. – Eh bien, pauvre Ninon
Console-toi, je t’aime «
Et ce brave sac d’os dont j’n’avais pas voulu
Même pour une thune
M’est entré dans le cœur et n’en sortirait plus
Pour toute une fortune
Du temps que je vivais dans le troisièm’ dessous,
Ivrogne, immonde, infâme
Un plus soûlaud que moi, contre un’ pièc’ de cent sous
M’avait vendu sa femme
1964, in Les copains d’abord
Georges Brassens (1921-1981)
merci d’avoir réedité de très beau texte du grand Georges.
Brassens ! Encore un qui nous manque !