Chronique – Partie 4 – Jour de fête par Gigi02
Le quatorze juillet
– Chéri, j’ai quelque chose pour toi …
Holà, méfiance ! Avec Stéphanie, quelque chose pour toi, cela peut-être tout et n’importe quoi ! Tiens, la preuve, elle me montre un truc informe plein de poils qui ressemble vaguement à une perruque
Je fronce les sourcils
– On dirait une perruque
Elle a un léger haussement d’épaules
– Parce que c’en est une ! Allez, mets-la, pour voir…
– Attends ! Je veux savoir d’abord où tu veux en venir, et puis ne me dis pas que tu as acheté ce truc horrible, quand même…
Mais elle est de bonne humeur, ma chérie, elle a le sourire et rien ne peut la contrarier.
– Alors, d’abord, ce n’est pas un truc horrible, puisque c’est un postiche haut de gamme, ensuite, je ne l’ai pas acheté, c’est ma copine Marina, tu sais, l’esthéticienne, qui me l’a prêtée, et c’est tout simplement parce que j’ai envie de voir à quoi tu ressemblerais si tu étais une femme… tu te souviens, la réincarnation… non ? Allez, mon chéri, fais-moi plaisir et laisse toi faire…
Et je me laisse faire ! Elle me met son postiche sur le crâne, l’ajuste et se recule un peu pour juger de l’effet produit
– Superbe ! C’est fou ce que des cheveux longs et des franges sur le front peuvent modifier une physionomie ; je suis sûre qu’avec un maquillage léger, rasé de près et des vêtements féminins, tu ferais parfaitement illusion…
– Sans doute, mais je te préviens tout de suite, c’est non !
Seulement, il en faut beaucoup plus pour la décourager, Stéphanie, et dans sa tête, me « féminiser » c’est déjà une chose acquise
– Sauf que cela entre dans le cadre de nos jeux coquins, et que par conséquent, tu ne peux pas refuser, mon petit chéri…
Ouais, évidemment ! De toute façon, elle aura toujours raison…
– Bon ! Alors le thème de ton jeu, c’est quoi ?
Elle hésite, réfléchit, caresse ses lèvres de son index
– Quelque chose me dit que cela ne va pas trop te plaire, mais tu n’as pas le choix, hein ? Alors voilà ce que je te propose : Je t’habille en femme, avec des vêtements à moi, avec le maquillage, la perruque, tout quoi, et ensuite, direction Pigalle, tu sais, ce petit hôtel tout pourri dont j’ai oublié le nom, et là, enfin, je pourrai t’aimer à ma guise, ma toute belle, comme j’en ai envie ! Dans un endroit sordide au possible ! Alors, tu en dis quoi ?
– Que c’est tout simplement hors de question !
Pas facile de marcher avec des chaussures à talons, d’autant qu’elles ne sont pas à ma pointure !
Heureusement, Stéphanie a pu trouver une place de stationnement pas très loin de ce fichu hôtel, je n’aurais pas fait des kilomètres comme ça, surtout affublé comme je suis. Parce qu’il faut voir comment elle m’a habillé, Stéphanie ! Outre la perruque et les chaussures, une jupe droite qui me gêne pour marcher, un tee-shirt léger sous une veste longue, sans oublier bien sûr les bas et le soutien-gorge à armatures pour me donner l’illusion d’une poitrine ; et sa petite culotte en prime ! La totale ! D’ailleurs depuis que nous marchons dans cette rue grouillante de monde, j’ai la désagréable impression que tout le monde se retourne sur moi ; bon sang que je voudrais être ailleurs ! Je me sens ridicule au possible ! Et ma chérie qui s’amuse comme une petite folle !
L’hôtel, enfin. Je laisse Stéphanie régler les formalités, en me tenant le plus possible en retrait ; mais de toutes façons, le préposé à la réception – un gros type mal rasé- est bien trop absorbé par ses mots fléchés pour m’accorder la moindre attention ; troisième étage, toujours sans ascenseur, évidemment ; alors là pour les escaliers, merci bien, mais je retire les chaussures.
Un étage en dessous par rapport à l’autre jour, mais à part cela, tout est pareil ; même décor déprimant, même chaleur, même bruits, aussi bien intérieurs qu’extérieurs, et pour parfaire le tableau, s’ajoute une nouvelle sensation, olfactive celle-là, en provenance du restaurant d’à côté, spécialité cuisine exotique vraisemblablement … un vrai nid d’amour, quoi !
Mais, pour Stéphanie, peu importe, elle avait envie d’être là et elle y est ; avec moi, tel qu’elle m’a voulu ; et cela lui plaît, à ma chérie, que je sois travesti ! Mieux, ça l’excite ! Et sa façon de me caresser les jambes et les cuisses gainées de bas – ses bas – ne me laisse aucun doute la dessus. D’ailleurs, elle le confirme
– Tu sais que c’est très agréable de te toucher à travers tes bas et des sous-vêtements affriolants, ma belle… Et que j’adore ça…
– Dis donc, ma chérie, c’est nouveau cette attirance pour la gent féminine… Je suis sûr que c’est ta rencontre avec Estelle qui t’a donné des envies de ce genre…
Sa main glisse sous « ma » jupe
– Peut-être, qui sait … Mais pour l’instant c’est de toi dont j’ai envie ! Tu ne peux pas savoir l’effet que cela me fait de te voir en femme, et là, maintenant, je te désire comme rarement je t’ai désiré, mon chéri, j’ai envie de toi, de ton corps, de tes mains, de ton sexe… Allez ! Laisse toi faire, mon amour, tu vas voir comme elle va t’aimer, ta petite Stéphanie …
Alors, je me laisse faire, bien sûr, j’aime tellement ça ! Caresses profondes, baisers passionnés, suivis d’un déshabillage progressif, tout pour augurer une soirée particulièrement croustillante… mais qui, malheureusement pour nous, va en rester au stade des préliminaires. Car il se passe quelque chose… Quelque chose qui laisse nos gestes en suspend et qui monopolise toute notre attention. Ce sont d’abord des cris, un brouhaha confus, des appels affolés suivis d’un bruit de cavalcade dans les couloirs et les escaliers ; et puis soudain, ce cri : Au feu ! Alors, tout va très vite, sans trop comprendre ce qui se passe, sans rien dire, on essaie de se rhabiller comme on peut, à toute vitesse. Des coups sourds dans la porte ; c’est le type de la réception, un extincteur à la main, il hurle ;
– Vite, vite, sortez ! Dehors tout le monde ! Il y a le feu au sixième !
Cela se bouscule dans les escaliers, panique générale ! Beaucoup de monde ; des couples d’un soir, des familles aussi, en majorité des ressortissants d’Europe de l’est, des africains, avec femmes et enfants ; mais à combien peuvent- ils s’entasser dans une chambre ? Pourvu que personne ne soit resté bloqué là-haut ! Je tiens la main de Stéphanie pour être sûr de ne pas la perdre ! Mais bon sang, que font les pompiers ! On se retrouve littéralement poussés sur le trottoir au moment précis où les secours arrivent. Ouf !
En reprenant nos esprits, encore sous le coup de l’émotion, on se regarde, Stéphanie et moi, tout heureux d’être sortis de cet hôtel sans encombre, et là, malgré le tragique de la situation, elle éclate de rire ; je me rends compte alors de mon état. J’ai un soutien – gorge et une chaussure à la main, j’ai perdu l’autre, ma perruque est de travers et ma jupe est à l’envers ! La honte totale ! Et s’il y a des gens qui commencent à me regarder d’un air curieux, c’est vrai qu’il y a de quoi ! Retour à la voiture le plus vite possible, pieds nus et toujours avec mes accessoires vestimentaires à la main… Contact, moteur, vite, on rentre ! Et c’est une fois sorti de la capitale, après avoir complètement repris nos esprits, que j’ai soupiré
– Je t’adore Stéphanie, mais je t’en conjure, ne me mets plus jamais dans une situation pareille…
Elle sourit
– Bah, tu t’en es bien sorti, et le principal, c’est que nous soyons là pour en rire, mais c’est promis, mon chéri, désormais, nos jeux, nous les ferons chez nous … dis, tu sais quoi ?
– Non…
– J’ai pissé dans ma culotte, l’effet rétroactif de la peur, sans doute…
Preuve que je suis bien remis de nos émotions, ça m’en fait bander !
Nous avons appris le lendemain que l’incendie avait été rapidement maîtrisé et qu’il n’y avait pas de victimes. Tant mieux.
– Holà, qu’est-ce qui passe ? On t’a changé ou quoi ?
– Tu sais, j’ai vraiment eu peur l’autre soir, et depuis, je vois les choses un peu différemment, disons de manière un peu plus réaliste.
– Eh bien en tout cas, je suis heureux que tu te rallie à ma façon de voir ! Et dis voir, avec moi, tu vois aussi les choses de manière différente ?
– Bien sûr !j’ai pris conscience que je devais t’aimer encore davantage …
– Davantage ? Diable ! C’est possible, ça ?
– Mais oui, c’est possible, mon amour, on peut toujours plus, et je te le prouverai
– Hum, tu me mets l’eau à la bouche ! Mais bon, pour notre petite soirée, alors, on fait quoi ?
– On la fait, comme prévue, mais de façon tout à fait normale, et puis, à partir de là, si vraiment l’ambiance s’y prête, rien n’empêche de flirter un peu, et même plus, si l’occasion se présente, non ? Qu’est-ce que tu en penses ?
– Que cela me paraît beaucoup plus raisonnable …
– Et puis on supprime le feu d’artifice, moi je ne suis plus trop tentée…
Fait est que depuis le feu de l’hôtel l’autre soir, nous sommes devenus assez circonspects avec tout ce qui peut présenter un risque d’incendie ; cela se comprend ;
– Bon, alors, en définitive, tu as invité qui ?
– Eh bien, pas grand monde, en fait, j’ai éliminé les collègues de travail, pas trop envie ; donc reste Jennifer, Romain et Cindy, et aussi nos nouveaux voisins, Marc et Anne- Sophie, lui est dans les assurances et elle est vétérinaire, j’ai eu l’occasion de parler avec eux, ils sont très sympas et très ouverts, et puis, pour te faire plaisir, j’ai aussi invité Anaïs… Mais cela ne veut pas dire que tous viendront, et toi, tu as quelqu’un à rajouter ?
– J’ai demandé à Nicolas, il m’a dit oui, mais c’est pas sûr, cela dépend de sa mère
– Pourquoi, il lui faut la permission de sa maman, maintenant ?
– Mais non, mais en ce moment, elle a des problèmes de santé, pas graves, mais elle veut l’avoir près d’elle à sa disposition…
– Oui, je vois le genre… et bien on verra, c’est dans une petite semaine…
Une semaine qui passe très vite, avec la température qui reste au-dessus des normales saisonnières, comme aiment à le répéter les présentatrices météo, et on arrive sans presque s’en rendre compte au jour tant attendu par ma bien aimée
C’est aujourd’hui, le quatorze juillet ; mais pour nous, ici, à la campagne, dans notre « château », c’est rien qu’un jour comme les autres, mis à part la préparation de la fête ; installation barbecue, mise en place du reste et c’est déjà l’heure de voir arriver les premiers invités ;
Et se sont nos voisins, les Lambert, qui ouvrent le bal. Lui, je l’ai déjà rencontré deux ou trois fois ; il est grand, très brun, avec un visage poupon ; ce soir, il est vêtu d’un costume noir sur une chemise blanche ouverte, avec à la main un joli bouquet de fleurs champêtre qu’il offre en souriant à Stéphanie. Sa femme, elle, me tend une bouteille de Champagne enveloppée dans un papier de soie ;
– Rien de tel que le Champagne pour sympathiser et créer une bonne ambiance, vous ne trouvez pas ?
Elle est mignonne, Anne Sophie, la trentaine, blonde et aussi grande que son mari, le visage anguleux, elle n’est vêtue que d’une une robe légère dans les tons rouge orangé, très sexy et avec, à mon avis, pas grand-chose dessous ; j’approuve et on s’embrasse. Très sympa, la vétérinaire ;
Et puis arrivent, quasiment au même moment, Romain, Cindy et Jennifer.
Romain, je le connais depuis toujours ; il est prof et sa tenue à lui, c’est jean tee-shirt, toujours, en toutes saisons, et donc ce soir, où il arbore un magnifique tee-shirt représentant la pochette de l’album des Beatles, Abbey road ; Cindy, sa compagne, je la connais depuis un peu moins longtemps… depuis qu’ils sont ensemble, en fait, trois ou quatre ans. Brune à cheveux longs, quelques rondeurs sympathiques, juste ce qu’il faut, elle porte une robe moulante à fleurs multicolores, courte comme je les aime ; dans la vie, elle aussi enseigne, la musique ;
Jennifer, une amie de Stéphanie, elle, est célibataire. Cheveux châtains roux, chignon, elle porte une chemise dans les roses passés et une petite jupe blanche. Elle est journaliste dans une radio nationale ;
Tous ont en commun d’avoir apporté, en plus de leur bonne humeur, une bouteille de Champagne. Je sens que la soirée va être chaude, très chaude… et pas seulement à cause du mercure qui monte !
Nicolas ne viendra pas, sa maman fait de la température – de quoi bien faire rire Stéphanie – et Anaïs s’est décommandée ; tant pis, une autre fois, peut-être !
Ambiance sympa à l’apéro autour des coupes de Champagne. On parle voiture, beaucoup. Romain est intarissable sur sa nouvelle petite turbo – une petite bombe, je vous assure ! – entre deux aller-retour au barbecue, je lui oppose les qualités de mon crossover ; quand à Marc, lui il est moto, sa femme aussi ; alors, les voitures, c’est pas sa passion première, mais il avoue quand même une préférence pour les berlines allemandes ; tout cela au grand dam de Jennifer qui ne voit que par les petites anglaises ! Et puis on parle foot, le PSG, l’OM, tandis que les femmes, qui ne nous suivent pas sur ce terrain, préfèrent parler de qui fait quoi à la maison, et là, bien entendu, les hommes ne sont pas à la noce ! De quoi attiser la conversation, d’autant que la troisième bouteille de Champ vient de rendre l’âme. Il est temps de sortir la réserve et mettre un peu de musique pour apaiser les esprits.
On mange, dehors ; on boit, on rit, les plaisanteries fusent de partout et c’est dans la bonne humeur, que mine de rien, les rapprochements entre convives se font, par affinités ou par goût ; comme par exemple Marc et Jennifer, qui ne se quittent pas d’une semelle depuis un bon moment ; mais aussi, et je n’en suis pas vraiment surpris, Stéphanie et Anne Sophie, la blonde vétérinaire, qui semblent en tout état de cause, faire très bon ménage. Mais, pour ma part, c’est vers Cindy que se porte mon attention ; c’est pourtant vrai, qu’elle ne me quitte pas des yeux, la jolie brune ; je dois lui plaire, sans doute, ou du moins, il me plait de le croire… Alors pendant que Romain, qui s’est rapproché de Marc et Jennifer, continue imperturbablement, le verre à la main, de vanter les mérites de son nouveau bolide, moi, je vais opérer un rapprochement vers sa compagne ; mais tout d’abord, il nous faut un peu de musique, déjà pour l’ambiance, et surtout, pour danser sur la terrasse. C’est d’ailleurs justement ce que vient me réclamer Stéphanie.
– Tu nous mets un peu de musique, quelque chose de bien, pour danser …
– C’est ce que j’étais en train de faire, ma chérie… Joe Cocker, ça te vas ? Dis donc, tu as l’air de bien t’entendre, avec la véto… serait-ce l’amorce d’une nouvelle relation ?
Elle sourit, Stéphanie
– Sans doute, et relation est certainement le mot le plus approprié, si tu vois ce que je veux dire… tu sais qu’elle a l’air d’être très chaude, cette fille, et c’est peut-être un coup…
– Tiens, tiens… pour toi ou pour moi ?
Elle pose son index sur mes lèvres
– Sûrement pas pour toi, mon petit chéri, parce que si vraiment elle est-ce que je pense, c’est chasse gardée… si tu veux flirter, trouves toi quelqu’un d’autre…
– Ouais, son mari, par exemple…
Elle rit
– Tu changes de bord ? Ben, là, pas de chance, il y a déjà Jennifer qui s’est placée, dis donc, il reste du Champagne ?
– Bien sûr, pourquoi ?
– Parce qu’elle adore ça, Anne Sophie…
Trouver quelqu’un d’autre ! Facile, il y a Cindy, et quelque chose me dit qu’elle n’attend que cela. Je la rejoins
– On dirait que Romain te délaisse un peu, non ?
– Bof, tu sais comment il est, quand il a l’occasion de parler de sa voiture, moi je passe au second plan.
– Ah ça, je le connais, et j’ai un collègue, Nicolas, qui est tout pareil … mais quand même, parler automobile quand on a une aussi jolie femme avec soi, c’est de la goujaterie …
– Tu es gentil, et je crois que l’ai déjà rencontré, ici ton Nicolas, … mais, je vais te faire une confidence, tu sais, passer au second plan, avec Romain, je commence à avoir l’habitude, je dirai même que c’est mon quotidien
– Qu’est-ce que tu veux dire ?
Elle sourit, un sourire désabusé
– Rien… allez, fais-moi danser …
Elle est quasiment collée à moi, ma cavalière ; elle me sourit et dans son regard, il y a une petite lueur qui ne me trompe pas, et cette lueur, c’est du désir ! Je le sens, je le sais !
Elle mignonne, Cindy, sensuelle, désirable et tout et tout… et je suis sûr qu’elle ne demande pas mieux que d’opérer un rapprochement un peu plus poussé, seulement voilà, c’est la compagne d’un ami, d’un ami de toujours, et la compagne d’un ami, c’est sacré, en principe… ah, c’est sûr qu’avec Jennifer ou la véto par exemple, j’aurais moins de scrupules…
– Dis, tu n’as pas quelque chose de plus remuant ? J’ai envie de bouger, de m’éclater …
Pas de soucis, il y a qu’à demander ! Et c’est parti pour les rythmes endiablés sur lesquels tous nous rejoignent ; on gesticule, on se déhanche, on s’en donne à cœur joie en fermant les yeux, on s’éclate au travers d’une avalanche de décibels !
Poum, Pam, poum ! Ça, c’est le feu d’artifice tiré du village qui s’invite à la fête ; on s’arrête de danser pour profiter du spectacle que nous offrent les fusées multicolores, et c’est vrai que cela a toujours quelque chose de féerique, les feux d’artifice. Quelqu’un propose d’éteindre les lumières pour mieux apprécier et c’est dans le noir total que je sens Cindy se serrer un peu plus contre moi ; et puis nos mains se frôlent, s’agrippent, se serrent… holà, si elle continue, je ne réponds plus de rien, moi, et là, ami ou pas, il arrivera ce qu’il doit arriver forcément dans ce genre de situation !
On reste ainsi, main dans la main, jusqu’à la fin du spectacle ; et puis, quand la dernière fusée est retombée, elle me tire pour m’entraîner un peu à l’écart
– Viens, il faut que je te parle.
Ça, parler, elle peut toujours, mais personnellement, je préférerais plutôt autre chose… . Quand elle estime s’être suffisamment éloignée, elle s’arrête pour me faire face
– Tu sais que nous allons nous séparer, Romain et moi…
Alors là, je prends l’équivalent d’un coup de massue sur la tête
– Hein ! Mais comment ? Pourquoi ? Il ne m’en a pas parlé…
– C’est récent, nous avons décidé cela la semaine dernière, et s’il ne t’en a pas parlé, c’est sûrement pour ne pas gâcher la fête
– Mais pourquoi, qu’est-ce qui se passe ? Vous vous entendiez si bien…
– Eh bien ce n’est plus le cas, et rien ne vas plus entre nous ! Et puis je suis sûre qu’il y a quelqu’un d’autre dans sa vie, tiens, la preuve, il ne me touche même plus… tu te rends compte, cela fait six mois que je n’ai pas fait l’amour, je n’en peux plus, moi !
Ah oui, diable, je me mets à sa place !
– Et il en dit quoi, lui ?
– Sur nos relations sexuelles ? Bof, il dit qu’il n’a plus l’envie, que cela reviendra peut-être, plus tard, que ce n’est pas le plus important… des conneries, quoi … mais moi je n’ai pas fait vœu d’abstinence, et l’envie, je l’ai, moi !
Ça, pas besoin d’être devin pour s’en rendre compte ! Ni pour savoir où elle veut en venir… d’ailleurs, je vais m’en assurer tout de suite.
– Eh bien, si c’est cela, tu n’as qu’à te trouver quelque un, toi aussi
Elle sourit, je ne distingue pas son visage, mais je sais qu’elle sourit ; son front se pose contre le mien
– Pourquoi, je ne te plais pas ?
Au moins, c’est franc et direct
– C’est pas la question, tu le sais bien, mais je ne suis pas libre, moi, Cindy…
Ses lèvres se posent doucement sur les miennes, je me sens fondre.
– Stéphanie ? Mais tu n’es pas obligé de lui dire, tu sais,
Mes mains glissent sur sa robe, elle laisse faire ; j’accentue un peu la pression, hum, apparemment, elle n’a rien dessous, ou alors un truc minuscule
– J’ai envie de toi, Bertrand…
Je commence à regretter que nous ne soyons pas restés sur le thème de la soirée coquine, cela aurait été beaucoup plus facile… j’hésite… mais c’est la pluie d’orage qui vient tout arranger ; en un instant, il tombe des cordes ! Le temps de regagner la maison et nous sommes trempés … A l’intérieur, plus grand monde. Romain s’est endormi et ronfle sur le canapé, tandis que Marc, le voisin, de plus en plus entreprenant, est très occupé à évaluer de la main les formes et les rondeurs de Jennifer ; je les interromps discrètement
– Vous savez où est Stéphanie ?
C’est lui qui répond, avec un petit sourire entendu
– A l’étage, avec ma femme… mais je serais vous, je ne les dérangerais pas…
Ah bon ? Eh bien, si c’est-ce que je pense, elle n’a pas perdu de temps, ma chérie ! Et le mari qui a l’air de savoir et de se montrer complaisant au possible ! Vraiment curieux, ce couple ! Je prends Cindy par la main
– Tu peux aller te sécher, la salle de bain est au premier, et si tu vois Stéphanie, demande lui qu’elle te prête quelque chose de sec
– Tu ne m’accompagnes pas ?
Il y a de l’étonnement, dans sa voix, et une petite pointe de déception ; je la regarde, elle est trempée, autant que moi. On se sourit. Au fond, je serai bien bête de rester là, à l’attendre, au point où nous en sommes…
– Si, bien sûr !
On débouche à peine sur le palier du premier que la porte de la salle de bain s’ouvre sur Stéphanie et sa compagne d’un soir. Étonnement général et légère gêne de la veto ; mais il en faut beaucoup plus pour déstabiliser ma chérie ; elle éclate de rire
– Vous êtes tombés dans une rivière ?
– Parce que vous n’avez pas entendu ce qui est tombé ?
Sourire complice entre les deux filles
– Ben non… tu as entendu quelque chose, Anne Sophie ?
– Non, rien…
Elle s’amuse Stéphanie, forcément, elle sait que j’ai compris ; par contre, une qui ne comprend rien, à en juger par les coups d’œil interrogatifs qu’elle nous jette, c’est Cindy,
– Allez, séchez-vous, on vous laisse la place, et n’oubliez pas de fermer la porte, au verrou, si vous ne voulez pas être dérangés …
Et en partant, discrètement, elle me murmure :
– Bravo chéri ! Tu me raconteras…
Sûr qu’on veut pas être dérangés ! Et se sécher, on verra après, il y a plus urgent ! Elle ne prend même pas le temps de se déshabiller, Cindy, trop long ! Vite, elle se débarrasse de son minuscule string rouge et retrousse sa robe ; elle est vraiment en manque, la jolie brune !
Plaqués contre la porte, bouches soudées et langues emmêlées, on se passe de préliminaires ! Je la prends debout, vite, dans une étreinte sauvage ; pourvu que la porte tienne le coup ! Et elle aime ça, la chérie ! Elle en veut, encore plus ! Normal, après six mois d’abstinence …
Et puis, malheureusement tout à une fin et quand celle-ci arrive, plus vite que l’on aurait souhaité, sans doute, on se désunit, lentement, progressivement tout en reprenant notre souffle, heureux comme peuvent l’être deux amants qui viennent de s’aimer pour la première fois
Séchés, nous retrouvons les autres, en bas, réunis autour d’un dernier verre ; Stéphanie, qui a eu la gentillesse de préparer des vêtements secs pour Cindy, nous sert à boire avec un sourire entendu ; Romain, lui, dort toujours ; tant mieux ; ils ont beau être en instance de séparation, c’est quand même mon ami et je n’aurais pas trop aimé qu’il nous voie descendre tous les deux, Cindy et moi.
Ça y est, c’est fini ; et il est très tard, ou très tôt, comme on veut, quand nos invités, tous très satisfaits de leur soirée, regagnent leurs pénates, exceptée Jennifer qui ne se sent pas le courage de reprendre la route et à qui avons proposé de dormir à la maison. Quand même, juste avant qu’il ne parte, et pendant que Stéphanie et Anne Sophie n’en finisse pas de se dire au revoir, je prends Marc par le bras
– Vous semblez former un couple très … ouvert, si je ne me trompe
– C’est vrai, ma femme et moi, nous nous autorisons une certaine liberté, mais attention, à la condition de ne rien se cacher, on se dit tout, c’est la règle impérative… et puis, je dois vous avouer que ma femme est très attirée par la sexualité féminine, vous avez du vous en rendre compte, non ?
– Évidemment, et ce d’autant plus que la mienne est dans le même état d’esprit, et que notre couple fonctionne un peu de la même manière que le vôtre, étonnant, vous ne trouvez pas ?
– Cela prouve que le hasard du voisinage fait parfois bien les choses – Il me sourit – mais dites-moi, en ce moment, je suis très tenté par une expérience homo, un truc entre garçons, pour voir, ça ne vous dirait pas…
Allons bon, cela manquait !
– Très sincèrement, non ! Allez, bon retour et je pense que nous ne serons pas très long nous revoir…
En les regardant s’éloigner, je prends Stéphanie par le cou
– Alors mon amour, heureuse ?
– Je suis aux anges ! Anne Sophie est une fille vraiment remarquable, tu sais ! Et toi, avec Cindy, c’était comment ?
– Eh bien, je crois que nous avons plein de chose à nous raconter, mais des choses qui ne se racontent que dans un lit, tu ne crois pas ?
– Et blottis l’un contre l’autre ! Hum, je crois que mon sommeil va attendre un peu, alors… .
A suivre