A ma belle inconnue Par Isabelle Lorédan

A ma belle inconnue
Par Isabelle Lorédan

A cette époque, je trompais mon ennui et soignais ma peur des hommes en traînant sur des réseaux de rencontre. C’est comme cela que j’ai fait connaissance d’Erica. Femme charmante et charmeuse, elle me séduisit par sa franchise. Rapidement, nous avons pris l’habitude de nous téléphoner assez régulièrement. Je n’avais jamais éprouvé d’attirance particulière pour les femmes, aussi ai-je été très surprise lorsque je me rendis compte qu’au fil du temps, un trouble de plus en plus envahissant se faisait en moi lors de nos discussions. Nous avions beaucoup de points en commun, parmi lesquels l’amour du sexe et de la sensualité.

Très rapidement, les conversations tournèrent à la séduction. J’attendais ses appels avec impatience, ressentant un manque lorsque ceux-ci s’espaçaient trop. Il faut dire que la coquine savait faire monter la pression ! Connaissant mes fantasmes les plus secrets, elle usait et abusait allègrement de son pouvoir sur moi, et me poussait de plus en plus dans mes retranchements. C’est ainsi que nous en sommes arrivées, un soir où nous discutions dans la chaleur de la nuit, à basculer et faire l’amour par téléphone. Ça n’était pas calculé, du moins de ma part, cela s’était fait naturellement, au hasard d’un silence lourd de sens et de respirations plus profondes. Elle avait trouvé les mots qui déclencheraient en moi les envies les plus folles.

– « Caresse-toi… Sens-tu mes lèvres sur ta peau ? Je te fais l’amour comme personne ne te l’a jamais fait. »

J’étais en transes, et rapidement, j’obtenais des orgasmes aussi fulgurants que générateurs de nouvelles envies.

Après le téléphone, ou plutôt en parallèle, nous en sommes venues à échanger par lettre. C’est ainsi que je reçus un jour sa photo qui accompagnait une missive au contenu torride et sans équivoque. Je n’étais pas déçue, et n’avait plus qu’une envie, la rencontrer réellement, mettre en pratique toutes nos folies jusque-là virtuelles, sentir ses bras, sa bouche sur mon corps. Seul problème, nous vivions à quelques quatre cents kilomètres l’une de l’autre, ce qui était loin de faciliter la tâche.

Un jour, à la sortie de l’hiver, et alors que je rentrais chez moi, je trouvai un message sur mon répondeur téléphonique. C’était elle, qui m’informait qu’elle devait assez prochainement, assister à un séminaire de travail dans ma région. Mon cœur battait à tout rompre en entendant cela, mon esprit imaginait déjà tout ce que cela sous-entendait, et d’avance, je savais que je dirais oui à tout ce qu’elle me proposerait.

Je n’eus pas à attendre très longtemps, le soir même elle m’appelait. Son séminaire aurait lieu à moins de deux cents kilomètres de chez moi, et l’occasion de nous voir enfin était trop belle pour que nous ne la saisissions pas. Par contre, je ne m’attendais pas du tout à ses exigences.

– « Je t’appellerai juste avant d’arriver chez toi. Tu déverrouilleras ta porte, ira t’allonger sur ton lit après t’être bandé les yeux, et tu veilleras à préparer quelque chose qui me permettra de t’attacher les mains. »

La garce… Elle n’avait pas oublié ce que j’avais pu lui confier ! Oui, j’avais ce fantasme-là qui m’excitait prodigieusement, mais de là à franchir le cap et le réaliser… En même temps, j’avais faim d’elle, de ses mains sur moi, de sa bouche sur ma peau. Soyons folle pour une fois me suis-je dit. J’acceptai toutes ses volontés, y compris vestimentaires, non sans une pointe d’appréhension. Après tout, je ne la connaissais pas vraiment, rien ne me garantissait qu’elle fût équilibrée et n’allait pas abuser de son pouvoir. Cette peur contribua, durant la période d’attente, à faire monter mon excitation. Je ne me reconnaissais plus, moi qui étais si raisonnable et rationnelle, j’en étais arrivée à dire oui aux folies proposées par une inconnue !

La veille de notre rencontre programmée, elle m’appela pour mettre au point les derniers détails quant à ma tenue. Jupe ou robe, dessous sexy, bas et talons hauts, rien de moins. Pour le reste, je gardais ma liberté de choix (c’est à dire bien peu de choses). Elle sentit mon envie mêlée d’appréhension, et cela sembla l’amuser énormément. Nous nous sommes quittées sur un « A demain » chargé d’émotion et de promesses.

Le jour J était enfin là, et je me levai aux aurores. J’avais passé la nuit à me retourner, fébrile et inquiète. Et si j’annulais tout, il était encore temps ? Oui mais… Mon corps était dans un tel état d’attente sensuelle que je n’en avais pas vraiment envie. Je la voulais, je désirais plus que tout être son jouet, sa chose. Après un peu de rangement dans l’appartement, je me préparai tranquillement. Épilation des jambes, des aisselles, maquillage et coiffure soignés, puis m’interrogeai sur ce que j’allais porter. Mon choix se fixa sur un porte-jarretelles de dentelle noire, string et soutien-gorge assortis. Une paire de bas vint compléter le tout, ainsi qu’une petite robe entièrement boutonnée sur le devant, et cintrée à la taille. J’avais encore un peu de temps avant de me chausser, je ne le ferais que lorsqu’elle téléphonerait.

Je préparai sur mon lit deux foulards : un pour mes yeux, un pour mes poignets, puis regagnai le salon, attendant le cœur battant la sonnerie du téléphone.

Il était quatorze heures lorsque celle-ci retentit.

– « Je suis là, je te donne cinq minutes pour être prête. »

Cette fois nous y étions, plus moyen de reculer.

– « Ma porte est ouverte, je t’attends. » répondis-je d’une voix émue.

J’enfilai une paire d’escarpins, me rendit dans ma chambre où je me bandai les yeux avant de m’allonger. Mon cœur battait la chamade, je sentais les pulsations sanguines à mes tempes. Après une attente qui me sembla très longue, j’entendis une voiture arriver, et entrer dans la cour de la maison, puis un bruit de portière. Quelques bruissements de pas dans les gravillons furent suivis de peu par un deuxième claquement de portière. Mon dieu, elle n’est pas seule ! Que va-t-il se passer ? A cet instant précis, je faillis retirer mon bandeau et me remettre illico debout, en position de défense. Et puis non, je continuai d’attendre sagement. Le grincement de la porte d’entrée se fit entendre, suivi de bruits de pas. Le silence rendait encore plus impressionnants ces quelques indices auditifs qui m’arrivaient. Malgré l’inquiétude qui était la mienne, je sentais entre mes cuisses naître une véritable fontaine. Je mouillais comme jamais, et j’en ressentis une certaine honte.

Soudain, je sus qu’elle était là, près de moi. Des effluves de Shalimar parvinrent à mes narines, c’était délicieux. Une main frôla ma jambe, remontant doucement sur le mollet, le genou, la cuisse. J’avais besoin d’entendre sa voix, mais elle s’obstinait à rester muette, comme elle l’avait décidé initialement d’ailleurs. L’instant était si magique qu’un rien aurait pu en briser le charme, et cela, nous ne le voulions ni l’une ni l’autre. Privée de la vue, tous mes sens étaient désormais en alerte, me rendant réceptive à un point que je n’avais jamais imaginé.

Délicatement, je sentis le foulard venir enserrer mes poignets relevés au-dessus de ma tête. Puis une bouche chaude se posa sur mon mollet, remontant sur ma jambe, pour bientôt se retrouver sur la parcelle de peau nue, entre la jarretière et le slip, celle qui est la plus sensible mais aussi la plus émouvante à découvrir. Je ressentis l’émotion d’Erica à ce moment-là, aussi bien que si j’avais pu la voir. Les boutons de ma robe furent défaits, laissant apparaître ma nudité à peine voilée. Mes seins étaient douloureux à force de se tendre, d’espérer une caresse. Mon corps allait à la recherche des mains inquisitrices, sollicitant des attentions que mon amante ne semblait pas pressée de m’accorder.

Lorsque nos lèvres se joignirent enfin, je devins folle. Folle d’un désir qui ne demandait qu’à exploser, folle de l’envie de pouvoir toucher moi aussi ce corps tant convoité mais qu’il m’était même interdit de contempler. La douceur de la langue qui me fouillait me fit complètement chavirer, m’extorquant des gémissements voluptueux.

Fais de moi ce que tu veux, je suis la victime consentante d’un sacrifice païen, livrée sur l’autel sacré du plaisir et du vice, me dis-je, éperdue de désir. Erica dégustait mes seins, en aspirant les tétons érigés, les mordillant, les étirant. Sa main courait sur mon ventre frémissant, exigeant le plus violemment possible d’être pris, possédé, violé même. J’étais un animal affamé qui réclamait son dû, ruant et gémissant que l’on assouvisse son besoin primaire.

A ce moment, elle dénoua le bandeau de mes yeux, puis celui de mes poignets. Elle devait être, tout comme moi, en manque de mes mains sur elle, de mon regard voilé par le désir… Dieu qu’elle était belle, ses cheveux bruns relevés sur la nuque. Enserrant son visage de mes deux mains, je l’embrassai goulûment, avec délectation et douceur, en la remerciant de tout le bonheur qu’elle me faisait découvrir. Ma main remonta pour libérer la chevelure, qui tomba en cascade sur ses épaules nues.

Je partis à la découverte de son corps, léchant avec bonheur son ventre plat, perdant ma langue dans son nombril, mordillant ses flancs délicieusement ambrés. J’aimais l’odeur animale qui se laissait deviner, derrière son parfum. Elle m’électrisait totalement, accroissant encore mon désir de la posséder. Je découvris, à l’abri du mince voile de son slip, une toison foisonnante d’un brun mystérieux. J’y enfouis mes doigts, caressant mais aussi tirant les poils cruellement, constatant avec joie l’émoi que tout cela faisait naître en elle. Une rosée délicate perlait à l’orée de la forêt, apte à étancher la soif que j’avais d’elle. Je la bu, la lapai du bout des lèvres, de la pointe de ma langue, n’hésitant pas à aller chercher au plus près de la source le divin nectar, tandis qu’Erica s’agitait de plus en plus sous mon corps. Brusquement je la retournai, tant j’avais envie de contempler son cul. Bientôt, mes mains partirent à la découverte de sa géographie, parcourant les monts et vaux de son paysage intime. Caressant, griffant, mordant, je dégustai chaque parcelle de sa peau, n’ayant qu’un regret, celui de ne pas avoir de queue pour la prendre là, ne pas pouvoir sentir pulser son sexe sur le mien… J’aurais tout donné et plus encore pour, à cet instant précis, être un homme !

De mes doigts je la pénétrai cependant, d’abord un, puis plusieurs. Elle s’ouvrait délicieusement à moi, râlant et riant de bonheur. Je la labourais, la dilatais avec un plaisir dévorant, contemplant l’effet du traitement infligé sur son visage. Ses yeux mi-clos, sa bouche qui laissait échapper des plaintes rauques de plus en plus soutenues, tout ceci me ravissait. Je la fouillais au plus profond d’elle-même, caressant le velours chaud et humide de son intimité. Un quatrième doigt glissa rejoindre les autres, l’emplissant encore un peu plus, tandis que j’aspirais son clitoris qui pointait comme une petite bite.

– « Oui… Encore ! Plus fort, plus loin ! » Soupira-t-elle.

Continuant mes caresses internes, je remarquai alors que son con continuait de s’ouvrir à moi, indécente béance ne demandant qu’à être comblée. Je perdis alors toute notion de bienséance et de raison, forçant doucement mon pouce afin qu’il rejoigne ses congénères, tout en frottant voluptueusement mon entre-jambe à la cuisse chaude de ma compagne. Je coulais sur elle, tant mon plaisir était présent.

A ma grande surprise, et grâce à un mouvement de bassin d’Erica, je vis mon pouce entrer et d’un coup, ma main fut aspirée jusqu’au poignet par la fleur carnivore de mon amante. Je la possédais comme jamais je n’aurais cru possible de posséder quelqu’un. Ses lèves pulsaient autour de moi, m’avalant, me suçant, me dévorant toute entière, tandis que mes doigts continuaient leur danse infernale au fond de son ventre. Erica, yeux révulsés, criait son bonheur.

– « Plus fort, continue… Plus vite ! »

Je sentis arriver le point de non-retour, juste avant que mon poignet ne soit pris dans les mâchoires puissantes de l’étau de son plaisir. Arc-boutée sur le lit, le corps secoué de spasmes violents, elle jouit sur ma main, laissant couler la fontaine de jouvence sur moi. Je dégustai avec avidité, jusqu’à la dernière goutte, tandis que l’orgasme, cérébral d’abord puis physique, me gagnait à mon tour, me laissant sans forces, mais toujours en elle, nichée dans la chaleur de son corps alangui.

Après la folie vint la tendresse, que nos corps rassasiés nous autorisaient enfin. Le repos des guerrières, en quelque sorte, fait de mille mots susurrés, de baisers légers, de regards curieux. Nous nous endormîmes dans les bras l’une de l’autre, pour un sommeil réparateur.

Erica devait passer une soirée chez moi, elle ne repartit que le lendemain après-midi, tant nous avions envie l’une de l’autre. Nous ne quittâmes le lit que pour des douches coquines, ou pour nous restaurer frugalement. Notre plus grande faim était celle que nous avions de nos corps.

C’est à regret qu’elle dû partir, le lendemain. J’avais eu raison de lui faire confiance, grâce à elle, en plus d’une nouvelle façon d’aimer, je m’étais découvert des besoins insoupçonnés jusqu’alors. Nous nous embrassâmes une dernière fois, car même si nous ne l’avions dit ni l’une ni l’autre, nous savions implicitement que nous ne nous reverrions jamais, puis elle partit, comme elle était venue.

Je conservai quelques temps son odeur sur mes draps, en respirant les effluves envoûtantes le soir, lors de mes séances de plaisir solitaire. Puis elle s’estompa, pour finir par disparaître, me laissant d’éternels regrets.

Plusieurs semaines après, je reçu une photo, me montrant attachée et livrée… A son dos, un simple mot : « Merci » suivi d’un E.

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