Les trilles s’ajoutent les unes aux autres. Dieu qu’il est bruyant, cet
oiseau ! Il faut venir en Californie, pour trouver des oiseaux qui chantent
en pleine nuit ! Ce foutu animal s’est égosillé sans interruption, elle l’a
entendu par-ci, par-là, durant ses périodes de demi-sommeil vaseux.
La vague de chaleur ne s’arrange pas. Il faisait 38C hier en fin d’après
midi, et bien que toutes les fenêtres soient ouvertes, et qu’elle soit à
peine recouverte d’un drap, Jeanette baigne dans la transpiration. Elle se
retourne, et ses seins glissent l’un contre l’autre, ses cuisses sont
mouillées. La méchante petite douleur lui lance des éclairs dans la tête.
Elle a encore bu comme une pocharde, hier soir, et quelque part dans son
cerveau, elle sent qu’il y a comme une catastrophe en attente. Elle ne sait
pas bien trop quoi, mais pour sûr, c’est un mauvais jour. Elle rejette le
drap qui lui plaque au corps, et passe ses mains dans l’humidité.
Quoiqu’elle ait horreur de cette chaleur, elle aime cette transpiration
collante. Elle se prend les seins à pleines mains, et les masse lentement,
en profondeur, comme si elle étalait de l’huile solaire. Puis elle se pince
les bouts. Gentiment, d’abord, puis plus fort, puis cruellement. Les
sensations rayonnent dans son corps, son cou, son dos, son ventre. La chatte
tout en bas mouille comme une conasse qu’elle est, un petit animal avide et
stupide.
Elle l’aime, cette chatte, mais aussi elle la méprise. Jeanette continue à
se pincer le bout ses seins, puis elle se lèche les lèvres, les doigts, et
les épaules. Elle se pousse le nez en dessous du bras. Mon Dieu, quelle
odeur délicieuse, dégueulasse et piquante ! Au rez-de-chaussée, la chatte
commence à palpiter. Jeanette introduit son poing entre ses jambes qu’elle
serre, et elle se masturbe avec vigueur. En moins de vingt secondes, c’est
le feu d’artifice. Secouée de soubresauts, on ne saurait dire si c’est le
poing qui s’agite ou le bas ventre qui tressaute. Qu’importe, ce qui compte
c’est de serrer les cuisses, et de tenir bon, jusqu’a ce que les sensations
lui fassent perdre tout contrôle. Un son grave et inarticulé lui sort du
fond de la gorge. Son poing glisse hors de ses cuisses. Elle ouvre la main
et la passe sur cette chatte inondée, ramassant la mouille, qu’elle
s’empresse de lécher.
« Tu es vraiment une salope dégueulasse », se dit-elle avec satisfaction.
cuisine, où elle regarde l’heure sur le four a micro ondes. 5H30 ! Merde,
elle n’avait pas envie de se lever si tôt ! Elle démarre la cafetière
électrique et le bruit du café qui coule lui donne une envie de pisser, mais
une idée lui vient, et elle se retient. Elle se vide une tasse, et rajoute
un peu de lait. Puis elle passe dans le living, et ouvre précautionneusement
la porte d’entrée. Oui, le journal est là ! Après un coup d’œil circulaire,
elle s’en empare, et rentre en vitesse avant qu’on la voie.
Une demi-heure plus tard, elle s’est enfilé quatre tasses, et a fini le
journal. Rien de bien neuf. Toujours ces problèmes d’énergie. Il pourrait y
avoir des coupures de courant cet après-midi, mais elle s’en fiche comme de
l’an quarante. De toute façon, l’appartement n’a pas l’air conditionné.
S’ils coupent le courant, elle ira nager !
L’envie d’uriner est maintenant impérieuse, mais elle résiste, profitant au
maximum des sensations. Elle boit un grand verre d’eau glacée, et repasse
dans la chambre à coucher ou elle enfile un short et un tee shirt. Ni
culotte, ni soutif, pieds nus. Un autre grand verre d’eau, et la voilà
dehors.
Elle marche dans l’allée entre les palmiers mal taillés. Il y a environ cent
appartements, dans ce condo. Son objectif, la piscine, est à trois cents
mètres de là. Peu de monde aux alentours, en cette heure matinale. Rien que
quelques cinglés qui font du jogging. Sa vessie est pleine à craquer, et
elle ne se retient qu’à grand peine. Dans un brouillard, elle atteint la
piscine miteuse et en fait le tour. Puis sans pitié pour elle-même, elle se
lance dans un petit trot. Chaque fois qu’un pied frappe le sol, la sensation
explose dans son bas ventre, et elle sent des gouttes qui commencent à
suinter.
Pour ne pas laisser de traces sur le béton, elle court dans l’herbe, et
commence son exercice, laissant couler l’urine puis l’arrêtant. Encore et
encore.
Chaque arrêt cause des sensations qui rayonnent dans tout son corps. Arrivée
devant sa porte, toujours dans l’herbe, elle s’agenouille, et elle explose,
elle lâche tout. L’urine ruisselle sur ses cuisses, elle pisse comme une
fontaine, son short est trempé, et elle profite, Dieu qu’elle profite ! Et
c’est à ce moment que Steve, le voisin, sort de chez lui. Il la regarde avec
stupéfaction.
Au point ou elle en est, Jeanette s’en fiche complètement. Elle rentre, fait
glisser le short trempé, et s’en imprègne les seins a travers le tee-shirt,
puis elle le tord dans l’évier de la cuisine. Elle se couche sur le
carrelage frais, le short sur la tête, enveloppée dans la délicieuse odeur
d’urine, et elle se masturbe avec délice. En moins d’une minute, elle est
agitée d’un orgasme dément. Puis elle reste couchée les jambes ouvertes, et
de temps à autre, elle appuie légèrement sur le dessus de sa chatte, ce qui
déclenche de délicieux petits soubresauts.
Mais au bout d’un moment, la sensation s’éloigne, et la position devient
inconfortable. Elle se lève, et va prendre une douche. Elle se shampouine
les cheveux, et se savonne vigoureusement tout le corps. Salope, oui. Crado,
non !
Tout en s’essuyant, elle repense AU problème.
Depuis trois ans, elle a ce contrat avec cette petite maison d’édition
parisienne. Elle écrit des polars, de petits policiers courts et pleins de
sexe. Un genre San Antonio bon marché. Son contact avec les éditeurs était
Monsieur Gédéon, un vieux mec tout bonasse, qu’elle n’avait vu qu’une fois
lors de son unique passage à Paris. Pas contrariant du tout, Gédéon. Bien
sûr, il y a une close dans son contrat qui permet aux éditeurs d’imposer des
changements de texte. Mais le vieux était toujours content, et n’avait
jamais rien demandé. Et bon an mal an, elle publie quatre machins sous le
pseudonyme de Julie Chattenfeu. Ca se vend pas mal, et ça lui procure un
revenu honnête.
Mais tout cela vient de changer. Gédéon a pris sa retraite, et a été
remplacé par un certain Antoine Singenrut, un jeune mec qui a un doctorat en
littérature, et comme ambition de réformer l’entreprise.
Il a commencé par lui demander l’adresse de son agent. Quel agent ? Jeanette
n’a pas d’agent ! Il a trouvé ça très irrégulier, Antoine. Le premier texte
qu’elle lui a expédié, il l’a renvoyé et refusé. Il ne veut plus de sexe,
Antoine. Et il veut un langage plus châtié. Et des intrigues plus élaborées.
Il veut que ça ressemble à du Simenon, Mossieur Singenrut. Conclusion, il y
a six mois que Jeanette n’a plus rien publié, et l’argent commence à se
faire rare.
Il y a bien cette proposition que Roberto lui avait faite… Elle se
rappelle leur première rencontre, dans ce bookstore.
Un bookstore Californien… En France, on appellerait ça une librairie, un
endroit ou on vent des bouquins, quoi. Mais c’est totalement différent.
D’abord, c’est immense. Des livres par milliers ! Et puis, çà et là, il y a
des fauteuils et des divans confortables, où l’on peut s’asseoir, et lire
son bouquin. On peut même s’amener ici, prendre un livre, lire pendant des
heures, et ne rien acheter ! Personne ne vous emmerdera jamais !
Il y a aussi un coffee shop, un endroit ou on peut lire en paix en buvant un
expresso ou un capucino et en dégustant de petites pâtisseries.
C’était donc il y a deux ans. Jeanette venait juste de finir un polar et de
l’expédier. Fatiguée de la chaleur de l’appartement, elle s’en alla au
bookstore, et s’acheta le dernier Grisham, le dernier Crichton, et le
dernier Clancy. Ces auteurs la fascinent. Des PROS, pas de petits amateurs
comme elle ! Tom Clancy, spécialement. Comment fait-il, ce mec, pour sortir
un roman super de 600 pages tous les ans ? Sûr, il doit avoir un tas de
nègres, mais quand même !
Assise devant un cappuccino géant, dans la douce fraîcheur de l’air
conditionné, elle hésitait devant ses trois bouquins, puis choisit Crichton,
son préféré.
Quatre tables plus loin, deux hommes se tiennent par la main, et semblent
avoir une querelle d’amoureux. L’un d’eux, le Californien typique, jeans et
tee-shirt, bronzé, pieds nus, vingt ans à tout casser. L’autre, super bien
habillé dans son costume brun clair, de 35 a 40 ans. Soudain, le jeune se
lève, repousse la table, et sort. Bon, ça se voit moins ici qu’à San
Francisco, mais la Californie fourmille d’homosexuels des deux sexes.
Jeanette s’était replongée dans « Rising Sun », lorsque quelqu’un s’adresse à
elle :
– It’s not too common to see a charming young lady reading Crichton…
L’homosexuel bien habillé, se penche au-dessus d’elle, et met une main sur
la sienne.
– It’s one of my preferred authors, Mister. And what can I do for you ?
– Well, I was ready to leave when I saw you reading there. Will you be
offended if I say you have beautiful tits ?
L’anglais est parfait, mais il y a cette pointe d’accent…
– Parlons français, Monsieur. Mes seins vous intéressent ? Je croyais
pourtant que vous penchiez d’un autre côté ?
– Oh, quelle surprise ! Une française dans ce lieu barbare ?
– Une Belge, ne vous en déplaise ! Et alors quoi, on mange à tous les
râteliers ?
– Oh, je déteste les catégories. J’adore jouir et voir jouir. Un homme, une
femme… Très différent bien sûr, mais les deux facettes sont si…
intéressantes ! Allons, je vois que je vous choque !
– Mais pas du tout, mon brave Monsieur. Je partage vos opinions. Seriez vous
intéressé par une partie de jambes en l’air ? Vous êtes très craquant, je
mouille, et j’ai horreur de ça, de mouiller dans le vide.
– Puutain ! Je n’en espérais pas tant ! J’ai une chambre dans le motel au
coin de Bascom. On y va ? Je bande !
– Avanti ! Je m’appelle Jeanette.
– Jeanette, suceuse de quettes ? Roberto, pour vous servir !
Ca n’arrive pas souvent, que deux experts se rencontrent. L’un comme
l’autre, ils étaient sûrs d’en foutre plein la vue à leur partenaire de
rencontre. L’un comme l’autre, ils se rendirent vite compte qu’ils avaient
affaire à forte partie.
Jeanette gagna le premier round, lorsqu’elle suça Roberto d’une maîtresse
façon, un doigt dans son anus massant sa prostate. Il n’en finissait pas de
décharger en beuglant comme un sourd. Pour rajouter la cerise au-dessus du
gâteau, elle l’embrassa goulûment, lui faisant boire tout le sperme qu’elle
avait gardé en bouche. Comme il était toujours dur, elle s’empala sur lui,
et le chevaucha frénétiquement. Une queue parfaite, ce mec. Juste longue
assez pour effleurer le fond, juste courte assez pour que le clit s’écrase.
Oublieuse de son partenaire, qui de toute façon en avait assez,
Jeanette se fit jouir elle-même sur cette queue magique. Roberto explosa de
nouveau, et Jeanette sentit le sperme s’échapper de son trou, générant des
bruits obscènes. Une queue molle et flasque s’échappa de sa chatte, et elle
se laissa tomber sur le côté, au bord de l’épuisement.
Elle était sur le point de s’endormir, lorsqu’elle sentit cette langue
tourner dans son oreille, lui lécher les lèvres, puis s’introduire dans ses
narines. Tout naturellement, sa main partit à la recherche de la quette,
mais une voix lui dit : « Tiens-toi tranquille, c’est mon tour ». La bouche de
Roberto descendit sur ses seins qu’il commença à sucer, puis à mordiller.
Les tétons, c’est son point faible, à Jeanette, et les sensations se
répandirent, malgré sa résistance. La sale petite bête d’en bas mouillait
comme jamais, et son ventre montait, à la recherche d’un contact. Une main
se plaqua sur sa moule, la massant légèrement, TROP légèrement. Puis des
lèvres aspirèrent son clit engorgé, et une langue pointue se mit à le
titiller. Elle ne pouvait lutter contre les sensations aiguës qui frappaient
son bouton comme des décharges électriques, et elle s’abandonna au délire,
gémissant d’abord, criant ensuite. Totalement sans défense, elle sentit ce
gland qui lui frottait la fente, taquinant le trou sans y entrer, remontant
vers son bouton, où il déclenchait des sensations intenses, puis
redescendant à nouveau. La bouche de Roberto, tout contre son oreille,
murmurait : « Qui a gagné, hein ? Qui a gagné ? » Sans répondre, Jeanette
introduisit la queue dans sa chatte et banda ses muscles intérieurs, la
serrant comme dans un étau. Son ventre se mit à s’agiter, puis elle pinça
les petits tétons de Roberto entre le pouce et l’index. Il poussa un cri
étrangement aigu, et elle sentit son sperme la remplir à nouveau.
Elle avait atteint cet état irréel, où les vagues de sensations
parcourraient son corps sans qu’elle puisse les contrôler. Roberto était
affalé sur elle comme un corps sans vie, mais la queue toujours dure dans
son intérieur. Jeanette retourna Roberto sur le dos, et pencha son visage
sur ce pénis violacé qui ne pouvait débander. Puis elle introduisit le gland
à l’entrée de sa chatte, et se mit à uriner de tout son saoul, au grand dam
de la literie. Sous la chaude inondation, le pénis devint flasque.
Elle lui murmura à l’oreille : « Match nul ! ». Et tomba endormie.
Une main caressant ses cheveux la réveilla.
– J’adore l’uro, mais je ne veux pas dormir dans la pisse. Et puis j’ai faim
!
– Tu peux dormir chez moi, je n’habite pas loin. Il y a un restaurant
mexicain juste à côté du bookstore. Ou bien on peut commander du chinois, ou
une pizza…
– Va pour le chinois ! Tu as une voiture ?
– Tu rigoles ? Ici, pas de voiture, tu meurs !
Elle se gare, et ils marchent jusqu’à l’appartement.
Roberto regarde autour de lui : « Oh, un autre bookstore ! » Et en effet, à
l’exception du coin TV, tous les murs sont tapissés de bouquins. Roberto se
lance dans l’inventaire :
– Brown, Clancy, Clavell, Coonts, Coyle, Crichton, Cussler, Follet,
Forsythe, Dick Francis, Grisham, Higgins, Hellerman, Kellerman… Uris. Et
rien en français ! C’est toi qui lis tout ça ?
– Non, c’est mon poisson rouge ! Qu’est ce que tu aimes comme chinois ?
– Les petits jeunes bien polis qui ont une grosse et qui sucent bien ! Oh,
je ne sais pas, la même chose que toi.
– Won Ton soup, Hunan beef, pork fried rice ?
– N’importe quoi !
Pendant que Roberto examine les bouquins, Jeanette commande par téléphone.
– Mais si, tu as des bouquins en Français : Julie Chattenfeu ! Tu lis
vraiment ces trucs ? ? ?
– Non, Monsieur, je ne les lis pas, je les écris. Julie Chattenfeu, pour
vous servir !
– Sans blagues, tu travailles pour Tartencroute ? ? ? Le vieux Gédéon ?
C’est au tour de Jeanette d’être surprise. Mais on sonne. Le chinois. Ils
mangent dans la cuisine.
– Non, il faut te dire que je suis aussi dans l’édition, mais d’une façon
plutôt détournée. Tu as déjà écrit en anglais ?
– Oui, mais rien que des histoires courtes.
– Tu aurais un récit érotique en anglais ?
Jeanette fouille dans une armoire et lui tend une farde. Roberto lit tout en
mangeant.
– C’est bon ! C’est bandant ! En combinant ça avec un peu de policier comme
dans Chattenfeu, c’est très vendable. Bon, je sais que c’est confortable de
travailler pour le vieux Gédéon, mais si jamais tu as envie de changer, fais
moi signe.
Ils avaient terminé la soirée au lit, d’une façon détendue et somme toute
assez tendre. Et à intervalles irréguliers, après un ou quatre mois, et sans
jamais prévenir, Roberto se pointait.
Ca commençait toujours par une partie de jambes en l’air effrénée, et se
terminait dans une grande tendresse. Mais pas d’attaches ! Elle ne savait
même pas son nom de famille, à Roberto, ni lui le sien. Les crève cœurs,
c’est pas son truc, à Jeanette, elle l’a appris à ses dépends ! Juste deux
sexes, qui comme par accident entraient parfois en collision.
Bon, c’est pas tout ça, c’est bien les souvenirs et l’introspection, mais il
serait temps de régler l’affaire Singenrut. Elle se rappelle avoir téléphoné
plusieurs fois en France hier matin (AT&T va encore jouir et son
portefeuille souffrir !), mais elle n’a jamais pu que parler à madame
Jitiveux, la secrétaire. Une bonne femme qui était bien sympa du temps de
Gédéon, mais depuis l’arrivée d’Antoine, qu’est ce qu’elle était devenue
constipée, et même agressive sur les bords !
– Monsieur Singenrut a d’autres choses à faire qu’à vous parler, Madame
Chattenfeu ! Il vous enverra un e-mail… s’il y pense !
Eh merde, elle le sait pourtant bien, que je m’appelle autrement…
– Je vous en prie, Mademoiselle Jitiveux, j’ai une question à vous poser,
une question importante… Je suis sûre qu’une personne aussi bien au
courant que vous des affaires de Tartencroute pourrait y répondre en un clin
d’œil…
– Bon, mais faites vite alors… J’ai peu de temps à consacrer aux auteurs
douteux !
– Ben voila, je me demandais si c’était vrai que vous vous branlez en
pensant à Monsieur Antoine. C’est vrai qu’à votre âge, avec vos bourrelets,
et la tronche que vous vous payez, ça se comprendrait plutôt…
Le téléphone avait explosé dans son oreille. Elle se sentait toute fière
d’elle-même sur le moment, Jeanette. En y repensant, ça la mettait plutôt
mal a l’aise. D’abord, c’était stupide, une bonne façon de se tirer dans le
pied. Et puis, c’était si facile, si mesquin, et si bas, de passer ses
humeurs sur cette pauvre Jitiveux…
Bon, un cadavre de plus dans son placard ! Mais elle a des excuses quand
même ! La deuxième bouteille de vin blanc était déjà finie, à ce moment là,
et en dépit d’une expérience vinicole loin au-dessus de la moyenne, ça a
quand même son effet sur la susceptibilité…
Après, ça se perdait dans le brouillard. Elle se rappelait lisant des
e-mails et y répondant… C’est tout. Il vaudrait peut être mieux jeter un
coup d’œil !
Elle démarre l’ordi et sans se connecter lance son e-mail.
Des messages de copains auxquels elle devrait répondre… Oh, une lettre de
Roberto ! Il a besoin d’une série de six polars, peu importe le
pseudonyme… mais il lui faut le premier dans les deux mois… et la
réponse : « Non Merci, Roberto, j’ai trop de boulot avec Tartencroute »
Menteuse !
Et voici une longue lettre de Singenrut. Oh dear, oh dear !
– …au regret de vous faire savoir que…
– …qui sont loin d’adhérer aux objectifs de qualité littéraire que…
– …peu soucieux d’être identifiés à de minables débiteurs de
pornographie…
Un ultimatum, quoi ! Voyons la réponse. Oh, c’est bon ! C’est TOUT BON ! Une
délicieuse ironie. Dans ton cul, Singenrut ! Et le dernier paragraphe…
craquant !
– Et comment terminer cette missive ? Je pourrais dire « amicalement », mais
je ne le pense pas.
« Inamicalement » est original, mais un peu sec. « Cheers », c’est bon pour la
Californie. « Je vous prie d’agréer, Monsieur, l’assurance de mon plus
profond mépris » non, c’est pédant. Soyons donc nature : « Ne m’écris plus,
Antoine, tu me débectes et je t’emmerde. »
Bravo ! Une fois de plus, elle l’a ouverte, sa grande gueule ! Terminé,
Tartencroute ! Elle est soudain prise d’une grande lassitude, d’un profond
dégoût de tout en général et d’elle-même en particulier.
Son regard effleure la pile de factures sur le coin du bureau. Elle lance la
connection DSL… quelques emails d’inconnus, le genre publicitaire.
Rappeler Roberto ? A quoi bon ?
Elle ne s’est jamais fait d’illusions, Jeanette. Julie Chattenfeu, ça
n’était jamais que des polars de dernière catégorie, le genre de bouquins
sur lesquels les adolescents se branlent, ou que les mecs oublient dans
l’autobus. Mais bon, c’était son petit truc rien qu’à elle, et elle l’aimait
bien.
Toujours nue, elle passe dans la cuisine et arrête la cafetière électrique,
au fond de laquelle le café commence à caraméliser. Elle se vide un grand
verre de vin blanc, et le boit à longues gorgées. Elle papillonne de ci de
là, débarrasse la table, remet les choses en ordre, puis se paye un deuxième
verre. Son estomac vide proteste un peu, mais il faut bien fêter la mort de
sa copine Julie ! Elle allume la TV, puis l’éteint immédiatement. « Dodo,
bébé », pense t’elle. Un troisième verre l’aidera ! Elle se l’enfile, et
retourne à la chambre d’un pas déjà moins assuré. Elle s’allonge, arrange
les coussins.
Sa main gauche se porte tout naturellement à sa chatte, et elle a une
dernière pensée avant de sombrer dans un sommeil sans rêves : « Couchée, la
bête ! C’est pas le moment ! »
BADIBADING, BABOUM !
Oh non, pitié, pas cet oiseau ! ! ! !
BADIBADING, BABOUM !
Quel mal de tronche ! Non, ce n’est pas l’oiseau, c’est la musiquette de
l’e-mail !
Quelle heure est-il ? Deux heures. Elle prépare du café, allume une
cigarette.
e-mail est de Roberto :
– Jeanette, je viens d’apprendre la mort de Julie Chattenfeu. Ma proposition
tient toujours, et les conditions sont autrement plus intéressantes que chez
Tartencroute ! Cesse tes caprices, il me faut une réponse. De toute façon,
je serai à San José tard ce soir ou demain.
Elle n’hésite pas et répond trois simples mots :
– Oui ! Merci, Roberto !
Elle s’étire. Comme les choses peuvent changer en quelques heures ! Elle a
faim, mais aucune envie de préparer quoique ce soit. Elle prend une douche
rapide, et s’habille. Un tee-shirt gris avec une inscription rose, et sa
jupe de cuir noir fendue sur le coté. Elle se regarde dans le miroir, et se
dit :
« Non, tu n’es pas jolie ! Même pas mignonne. Un visage un peu trop typé, les
lèvres un peu trop épaisses, les dents trop grandes, les sourcils trop
touffus… Mais j’aime ton air malicieux, gamine ! »
Moins de dix minutes plus tard, elle fait son entrée au restaurant mexicain.
« El Burro », ça s’appelle. Pas la grande classe, mais on y mange bien. Le
soir, c’est toujours bourré, mais à 3 h de l’après midi, l’endroit est
désert. Une très grande salle très sombre, séparée en deux par un bar. Sur
chaque table, une petite lampe qui éclaire à peine. De lourds chandeliers de
fer forgé ornent le plafond.
De l’autre côté du bar, une seule table est occupée par six vieilles dames,
qui on l’air prêtes à partir.
Le seul autre client, une jeune femme à qui l’on vient d’apporter son repas
est à deux tables d’elle.
Jeanette commande une enchilada suiza, un verre de vin blanc, et picore les
chips de mais et la salza en attendant.
L’atmosphère est détendue. Le garçon, un genre bellâtre super musclé,
discute à haute voix en espagnol avec le barman, sans se préoccuper des deux
clientes. Jeanette n’est jamais arrivée à aligner deux phrases d’espagnol
sans avoir l’air ridicule, mais elle comprend tout.
Une conversation très macho qui tourne à l’obscène. Il semble que ce
Casanova ait fait une proposition à l’autre cliente, proposition qu’elle a
acceptée, et dès son service terminé, dans une demi-heure, il va la troncher
bien fait. Le barman se moque de lui, disant qu’il baise vraiment n’importe
quoi.
Jeanette tourne son attention sur la fille en question, et c’est vrai
qu’elle ne casse pas les briques. Une rousse de petite taille, assez frêle,
la poitrine peu développée. Un teint très pâle et des lèvres fines. Elle
regarde le bellâtre avec un petit sourire timide.
Elle non plus, elle n’est pas belle, mais ce petit visage mangé de taches de
rousseur est plein de personnalité. Cette femme respire la fragilité. Comme
un petit moineau qui donne envie qu’on la protège. Elle ressemble vraiment
à… un fantôme surgi d’un passé lointain.
Entre-temps, Jeanette a commencé à manger, et la conversation des deux
hommes est passée de l’obscène au crado.
– Tu n’y connais rien, Ernesto ! Les petites pétasses dans ce genre là, ce
sont les plus vicieuses ! Elles sont en manque, donc elles sont prêtes a
tout pour se faire bourrer le con. Et puis je suis sûr qu’elle a une
chagasse serrante à crever. Tu as vu comme elle me regarde ? Eh, je parie
que la banquette est mouillée !
– Libre a toi, mais moi les squelettes, ce n’est pas mon genre. A choisir,
je prendrais plutôt l’autre. Tu as vu la paire qu’elle se paye ? Ca doit
balancer dans tous les sens, quand on la pistonne en levrette.
– L’autre ? Non, trop vieille ! Elle doit bien avoir 35 ans. Les vieux cons
qui sentent le poisson, non merci ! Et puis la petite, je suis sûr qu’elle
est toujours vierge du cul !
– Ah bon ! Tu crois qu’elle va se laisser enculer ? Ca m’étonnerait fort !
– T’es vraiment naïf ! Tu crois que je vais lui demander ? Non, mon vieux,
j’ai ma technique ! Position du missionnaire, tout en douceur. Puis je lui
remonte les jambes sur les épaules, et vlan, dans le cul jusqu’à la garde !
Elle va beugler, la pétasse ! Et je te la pistonne jusqu’à ce qu’elle en
chie !
– Tu es vraiment un homme raffiné !
– Oh, qu’est ce que tu crois ? Elles adorent ça ! Toujours à faire leur
mijaurée, mais quand elles ont goûté à la queue de Julio, elles ne peuvent
plus s’en passer. Elle me le léchera, mon engin merdeux ! Et je lui
cracherai tout mon foutre à la figure !
Jeanette a terminé son repas. Sa main droite qui tient son verre tremble
légèrement. Elle dépose 20 dollars sur la table, et le garçon s’empresse.
– Gardez tout ! Dites, Monsieur, où sont les toilettes ? Vous ne voudriez
pas m’y conduire, il fait si sombre…
Tout en disant cela, Jeanette lui masse la queue à travers le pantalon, au
vu de tout le monde. Le barman et la jeune femme regardent bouche bée.
– Oh viens, mec ! Je mouille depuis que je t’ai vu. Tu as vraiment une
grosse pine ! Viens !
Il est des propositions auxquelles on ne résiste pas. Ils s’engouffrent dans
les toilettes. Elle se jette sur sa ceinture et lui baisse le culotte.
– Laisse moi sucer ta grosse bite, tu vas voir, je suce bien, une salope
comme moi tu n’as jamais vu ! ! Et tu m’enculeras, dis, après ?
A genoux devant lui, elle se lance dans un pompier effréné, un de ceux
auxquels personne ne résiste longtemps, d’autant plus qu’une main lui
caresse les couilles en profondeur. Des qu’elle sent les premiers spasmes,
elle pince vigoureusement la base de l’urètre pour empêcher le sperme de
sortir. Puis elle lâche cette queue frustrée et se relève rapidement.
– Merde, elle a vraiment mauvais goût, ta quette ! Elle pue ! Faudrait te
laver, de temps en temps !
Puto !
Et en un clin d’œil, elle sort des toilettes, laissant le mec debout les
jambes nues, le pantalon sur les souliers et la queue larmoyante.
Charlotte ! Où est Charlotte ? Au moment même ou elle pense ce nom, son cœur
se serre. Mais non, pauvre conasse, c’était il y a 15 ans, Charlotte ! Elle
est MORTE, Charlotte ! Jeanette court comme une folle, à la recherche de
cette fille inconnue. Là ! Tout au bout ! Cette robe bleue qui marche à
grand pas ! Jeanette la rejoint, lui met une main sur l’épaule.
– Ah non ! Foutez-moi la paix ! Pauvre folle ! Grande salope ! Conasse !
Quelle dingue ! Laissez-moi tranquille, ou je hurle ! !
– Non, attends, tu ne comprends pas, je m’excuse, écoute-moi, écoute-moi…
La rousse éclate en sanglots.
– Moi aussi, je comprends l’espagnol ! Je m’en fichais, tu comprends ça ? De
quoi tu te mêles, pauvre dingue ? C’est la troisième fois que je viens ici
cette semaine, juste pour me l’accrocher, ce mec ! J’ai ENVIE, tu comprends
ça ? Je m’en fous si c’est un connard ! Je m’en fous, s’il m’encule, tu
comprends ça ? Je suis moche, laide comme un pou ! ! Personne ne veut de moi
! Il y a plus d’un an que je n’ai rien eu ! Je lui aurais léché, sa quette
merdeuse, tu comprends ça ?
Et de repartir dans ses sanglots. Tout son corps tressaute. Jeanette la
prend par la main, et elles s’asseyent à une terrasse. Elle commande des
cafés, et le silence se fait lourd.
– J’agis souvent avant de réfléchir. Encore une fois, je te prie de
m’excuser. Je m’appelle Jeanette.
– Moi c’est Charlotte…
Le prénom la frappe au milieu de la poitrine avec une violence inouïe. Sa
gorge se serre. Quelle incroyable coïncidence. Quelle ironie ! Jeanette
reste silencieuse. La fille reprend :
– Tu es lesbienne ? Il y avait un bon moment que tu me matais, au restaurant
!
– Non ! Euh, Oui ! Eh merde, les étiquettes, c’est pas mon truc ! Je couche
avec des hommes et avec des femmes. Je n’aime pas qu’on m’enferme dans une
petite boite.
– Ben moi, je n’en ai jamais essayé, de femmes ! Mais il faut un début à
tout, Madame je sais tout. Où on va ?
Sans un mot, Jeanette se lève et prend Charlotte par la main. Le trajet en
voiture est court. Arrivées à l’appartement, Charlotte se met à regarder les
bouquins, mais Jeanette la tire par la main, et l’emmène dans la chambre.
Charlotte est plantée comme un mannequin. Jeanette fait glisser la robe sur
le sol, et découvre le petit corps frêle. Elle enlève ce soutien-gorge, qui
ne sert pas à grand chose, baisse la culotte blanche à l’ancienne mode. Elle
pousse son nez dans une légère broussaille rousse.
– Tu sens bon !
Gentiment, elle emmène Charlotte sur le lit et la couche.
– Tu me dis, OK ? Tu aimes, tu me dis. Tu n’aimes pas, tu me dis. TU
ENTENDS, CHARLOTTE ? ? ?
Charlotte est couchée nue comme une poupée sans vie. Jeanette lui picore les
lèvres très légèrement, puis elle se fait plus insistante. Sa langue caresse
les lèvres, et essaye de s’infiltrer, mais sans succès. Puis soudain,
Charlotte la happe, et leurs langues dansent un ballet endiablé.
La main de Jeanette caresse légèrement le petit corps frêle, ses doigts
effleurent les seins, le ventre, les cuisses. Puis s’égarent sur une chatte
trempée, qu’elle masse très légèrement.
– Oh oui, Jeanette, j’aime, oh j’aime !
– Tu sens ma main ? Tu sens ma main qui caresse ta chatte ? Il a bon ton
petit bouton ? Tu sens la chaleur dans ton ventre ?
Maintenant Jeanette masse sans ménagement, et Charlotte tressaute et
balbutie.
Ca a duré longtemps. Bien des fois, Charlotte a joui comme une folle.
Jeanette aussi, sans jamais que Charlotte la touche.
Elles sont couchées, endormies, la tête de Charlotte entre les seins de
Jeanette. Jeanette s’éveille, et arrange un coussin sous la tête de
Charlotte, qui ouvre des yeux aveugles et murmure :
– Maman ! Maman !
Jeanette serre Charlotte contre elle, de toutes ses forces, et les larmes
lui coulent sur les joues.
Elle se lève, recouvre la jeune femme, et s’en va dans la cuisine se faire
du café. Deux heures du matin. La journée a été longue !
Jeanette ne sait pas très bien quoi faire. Cette Charlotte n’est pas
Charlotte. Il n’y aura jamais qu’UNE Charlotte ! Mais elle lui ressemble
d’une façon frappante. Et déjà, Jeanette sent qu’elle pourrait l’aimer.
Allons, à quoi bon se mentir à soi-même ? Elle l’aime déjà, cette gamine,
tous les signes sont là. La sensation dans la poitrine, la douleur dans la
gorge, ce mélange de bonheur fou et de désespoir, et cette attraction
physique qui frôle la démence. Mais peut-on vivre deux fois un tel amour ?
Elle est bien morte, la Jeanette d’il y a quinze ans. Remplacée par une
personne plus âgée, plus raisonnable, moins généreuse, moins sincère, plus
réaliste, à la fois plus forte et tellement plus faible. Ne te conduis pas
comme une vieille folle, « Djinn » ! Et puis cette fille a 12 ans de moins
qu’elle, elle mérite autre chose qu’une vie en marge avec une autre femme
qui ne sera plus jeune longtemps. Et ce mélange de sentiments quelle exhibe
! Maman ! Mais le pis, c’est que Jeanette aussi, elle a très envie d’être sa
maman ! Tout ça est profondément malsain, et à terme, ne peut finir que très
mal.
Soudain, le téléphone sonne. Elle s’en empare immédiatement, pour ne pas que
Charlotte s’éveille.
– Jeanette ? Roberto ! Je t’ai réveillée ?
– Non, mon vieux, t’en fais pas.
– Je viens d’atterrir. On pourrait se voir demain après midi ? J’ai les
contrats avec moi, tout le truc !
– Pourquoi ne viens-tu pas maintenant ?
– Ouais, bon, c’est que je ne suis pas seul… Un mec très craquant que j’ai
rencontré sur l’avion…
– Roberto, j’ai vraiment besoin de toi… Je viens de faire une méchante
connerie. J’ai cru faire du bien a quelqu’un, et je vais l’emmener dans une
voie qui n’est pas la sienne. Aide-moi, Roberto !
Ils parlent pendant un bon quart d’heure.
– Et bien Jeanette, il n’y a vraiment que toi pour m’embrigader dans des
histoires pareilles ! Bon, je suis à SFO. Le temps de louer une voiture, de
faire le trajet, de trouver un hôtel à San José, et d’y déposer mon copain,
je ne suis pas encore arrivé !
– Dis, ton copain, c’est un gay pur et dur, ou il est ouvert à la discussion
?
Un silence,
– Non, Charles n’est pas sectaire… que je sache.
– Bon, amène le avec toi, alors. Plus on est de fous, plus on rit !
Jeanette se remet au lit à coté de Charlotte. Elle lui embrasse le front,
lui picore les lèvres, puis l’embrasse à pleine bouche. La jeune femme dans
un demi-sommeil lui répond fougueusement, et projette sa chatte vers le
haut. Mais Jeanette l’ignore et pince doucement les petits tétons en
regardant Charlotte dans les yeux puis elle suce doucement ces petits bouts
de seins tous dressés, et sa main s’égare dans une mouillure qu’elle caresse
sans hâte. Quand le son rauque sort de la gorge de Charlotte, tout son corps
à elle frémit. Charlotte s’étire comme un petit chat.
– C’est si bon… J’ai eu si bon… Je t’aime tant !
– Allons, Charlotte, gamberge pas ! C’est pas la première fois que tu jouis,
quand même ! !
– Non, mais quand je me branle, c’est différent, toujours cette impression
d’être une sale petite fille, cette culpabilité… et le fait de se
retrouver seule comme une conne…
– Ca va pas, la tête ? Moi, je me masturbe tous les jours, je me fais jouir
comme une folle, je me torture d’une façon délicieuse. Faudra que tu
apprennes ! Eh quoi ? Et les hommes ?
– Oh, les hommes… Les premières fois étaient si douloureuses… et les
suivantes, je n’ai jamais vraiment joui, ça allait trop vite. Des
sensations, oui, sans plus. Au début, j’ai tellement envie que ça me fait
mal dans le ventre. Et puis j’arrive au bord, j’y suis presque, et ça
s’arrête tout d’un coup, et ça fait encore plus mal… Et ils sont tout
fiers d’eux, et il faut avoir l’air heureuse, alors qu’on voudrait chialer.
– Oui, j’ai vécu ça… Mais tu sais, si tu ne lui dis rien, comment veux-tu
qu’il sache ? Moi j’ai eu des amants merveilleux, ça existe… Mais il faut
t’habiller un peu, nous avons des visiteurs. Je vais te donner un
peignoir…
– Des visiteurs à trois heures du matin ?
– Oui, un copain qui vient d’arriver de France. Il a des contrats à me faire
signer, pour le boulot.
Roberto et Charles firent leur entrée, et se jetèrent sur une petite
collation que les deux femmes avaient préparée. Dès qu’ils eurent fini,
Jeanette se leva.
– Vous nous excusez un moment, Monsieur Charles ? Quelque chose à montrer à
Charlotte et à Roberto… Je ne serai pas longue.
Elle prend Charlotte par la main, et l’emmène dans la chambre. Roberto suit.
– J’ai un cadeau pour toi, Charlotte. Roberto baise comme un Dieu. Fais en
bon usage. Si tu refuses, c’est que tu es encore plus conne que je le
croyais !
Et là dessus, elle sort et ferme la porte derrière elle.
– Encore un verre de vin, Charles ?
– Bien volontiers, Madame Jeanette. Vos crevettes étaient délicieuses.
Euh… excusez-moi, je me sens plutôt vaseux après 12 heures d’avion…
J’espère que Roberto ne sera pas long ?
– Hélas, j’ai bien peur que si, il, euh, montre mes estampes japonaises à
Charlotte, et ça pourrait durer un moment…
La conversation languit, et les bruits qui s’échappent de la chambre ne
laissent aucun doute au sujet des activités qui s’y perpètrent. Jeanette se
lève, allume la TV, et démarre un film des plus pornos, le genre gay pur et
dur.
– Venez vous asseoir, Charles, distrayons nous en attendant.
Sans dire un mot, Charles la rejoint sur le divan. La gêne est palpable,
mais une demi-heure plus tard, il est évident que le film l’intéresse
diablement. Son pantalon exhibe une bosse des plus éloquentes.
– Dites, Charles, ce n’est pas inconfortable, une pareille érection ? Ca
pourrait même devenir douloureux, non ? Voulez-vous que je vous soulage ?
– Euh, c’est vraiment embarrassant, Madame Jeanette, Roberto ne vous a pas
dit que…
– Mais si, mais si, mais allons, la main et la bouche rien de plus, juste un
petit service impersonnel que je rends à un copain dans le besoin.
Cela dit, elle commence à lui défaire la ceinture, et comme il ne se rebiffe
pas, elle poursuit son oeuvre de déshabillage, et une pine bandée à bloc
jaillit du caleçon comme un diable de sa boite.
– Bel engin, Charles ! Et uuuumph, il sent bon ! Laissez moi faire sa
connaissance avant de lui donner un bisou !
Les doigts de Jeanette glissent très légèrement sur le long pénis, tandis
que son autre main effleure le ventre contracté, y provoquant de petits
frissons. Puis la main descend sur les testicules, les explorant tout en
douceur mais bien en détail. Elle décalotte le gland, et rend sa langue
pointue pour taquiner le frein, ce qui cause chez Charles de petits
tressautements involontaires. Finalement, elle l’engloutit en un océan de
salive, et se lance dans de lents et profonds mouvements de pompage.
Charles était sur le point de se rendre, lorsque la porte de la chambre
s’ouvrit, et qu’un Roberto et une Charlotte tout habillés en émergèrent.
– Euh, Charlotte m’a demandé de la reconduire…
– Ourgh, Argh, EH BAS HE BOBENT ! !
Là dessus, défournant cette queue de sa bouche, elle la masturbe
vigoureusement. De longs jets de sperme s’en échappent et la frappent au
visage. Jeanette s’essuie un œil, et lèche le foutre de ses doigts.
– OK, pas de problèmes ! A plus !
Roberto sort le premier. Charlotte regarde Jeanette d’un air stupéfait et
vaguement dégoûté, puis elle le suit sans un mot. Charles s’est éclipsé dans
la salle de bain. Jeanette se baigne le visage d’eau froide à l’évier de la
cuisine, et s’essuye. Charles réapparaît, l’air plus embêté que jamais.
– Charles, n’en veuillez pas à Roberto, tout ceci est de ma faute…
– Ouais, il m’avait bien dit qu’il se lançait sur un coup étrange, mais si
je m’attendais à ça !
– Si vous voulez, vous pouvez passer la nuit ici… Je promets de ne pas
vous violer…
– Non, c’est gentil, mais je n’ai rien à me mettre, et nous sommes près
d’ici, au motel sur Bascom. Un taxi fera l’affaire.
– Un taxi à San José a 5 h du mat ? Ce serait le jour ! Non, prenez ma
voiture, la Honda grise. Laissez la dans le parking du motel avec les clefs
à l’intérieur, j’ai un double.
Charles sort, se ravise, et revient.
– Vous savez, vous m’avez vraiment explosé. Vous sucez comme un homme !
Jeanette sourit.
– Je prendrai ça comme un compliment ! Salut Charles ! Vous êtes craquant !
Elle referme la porte. Déjà, le jour se lève. Jeanette laisse tomber son
peignoir sur le sol du living et s’en va nue dans la cuisine. Elle rince la
vaisselle, et remet les choses en ordre. Elle ouvre une bouteille de
Chardonnay, cherche un verre, puis se ravise. La bouteille à la main, elle
retourne à la chambre. Elle s’assied nue sur le lit, et se cale le dos avec
trois oreillers. La bouteille lui fait tout froid entre les seins. C’est le
moment de faire un petit voyage. Elle boit au goulot, longuement.
Et elle revoit… elle revoit…
Un p’tit coin d’paradis. Ces mois enchanteurs avec Jean et Charlotte, dans
l’appartement au-dessus du parc. Les trois corps mélangés qui jouissent tous
ensemble, les baisers, les mélanges. Le bonheur total, à en péter, à en
crever, sans fin, sans retenue. Les soupers aux chandelles, les fenêtres
grandes ouvertes dans la moiteur d’août.
Les nuits sur le grand lit rond, nus, transpirants, tous les trois collés
ensemble. Un courant d’air frais vient de la fenêtre, et l’un des trois
s’éveille. Il bande ou elle mouille, et commence à caresser les deux autres
corps endormis.
Ils deviennent pures sensations, trois animaux fous qui s’entrelacent, qui
se mélangent, qui entrent et qui ressortent les uns des autres, qui se
lèchent, qui mouillent et qui éjaculent. Mais cette intimité va bien plus
loin que leurs corps. Chacun connaît, des deux autres, les forces et les
faiblesses, les vantardises et les timidités, les générosités et les
lâchetés. Ils les connaissent, et ils les aiment, tout pêle-mêle. L’amour,
avec un grand « A ».
L’amour à trois, pas prévu dans le dictionnaire. Un amour total, profond, et
désespéré. Une identité, une UNITE.
Jeanette s’enfile une autre goulée, et une autre image apparaît.
La Cortina GT rouge, écrasée contre ce mur, désintégrée. Et à l’intérieur,
les corps de Jean et de Charlotte tout foutus, tout cassés, à peine
reconnaissables. Le sang sur le sol, et cette horrible odeur d’excréments.
La bouteille est presque vide. Elle la finit, mais s’y cramponne.
Charlotte ! Charlotte et sa guitare, qui la regarde en plein dans les yeux
avec son petit sourire timide, et qui chante en détachant bien les syllabes
:
Sidonie a plus d’un amant.
Qu’on le lui reproche ou l’en loue…
Elle s’en moque également…
Sidonie a plus d’un amant.
Je t’aime tant, l’artiste ! De grosses larmes coulent sur le visage de
Jeanette. Puis elle se met à sangloter, comme une conasse qu’elle est. Mais
l’alcool a fait son effet, et son visage tombe sur sa poitrine. Un filet de
bave coule au coin de sa bouche. La bouteille lui sort des mains, et une
petite rivière de vin guillerette descend sur son ventre et se perd dans sa
touffe. Sur sa tête, la blancheur incongrue d’un grumeau de sperme oublié
contraste avec ses cheveux bruns.
La température a recommencé à monter, et dehors, l’oiseau reprend ses
trilles.
Steve sort de chez lui, se demandant s’il verra encore la folle d’à côté
pisser dans sa culotte…
San José, Juillet 2001. © Jeanne Libon (Jeanette).
jeanett728@earthlink.net
Première publication sur Vassilia, le 08/07/2001
Ce récit a eu l’honneur d’obtenir le 1er prix du concours des histoires
érotiques décerné par Revebebe pour Août 2000, ainsi que le 2ème prix de la
meilleure histoire érotique pour l’ensemble de l’année 2001
Que ce texte très moyen ait pu recevoir des prix me laisse perplexe, j’ai lu tellement mieux. Ce récit n’a aucune structure, et s’encombre de digressions inutiles, qu’est qu’on en a à cirer des préférences littéraires de l’auteur De plus l’érotisme ne semble pas être son point fort. Heureusement qu’il y a un peu d’humour et de dérision pour rendre la lecture possible.