1 – Aller
Ceux qui ont lu mes précédentes aventures savent bien que certaines d’entre elles sont de pures fictions. Je n’ai en effet, vous vous en doutez bien chers lecteurs, jamais commis ni d’assassinat, ni d’enlèvement, ni de dynamitage de propriété privée. Pourtant celle que vous allez lire ici sera assez proche de la réalité, (du moins dans l’essentiel de sa trame) mais vous n’êtes pas non plus obligés de me croire, cela fait partie des rapports étranges entre l’auteur et ses lecteurs.
Pour ceux qui ne me connaissent pas j’exerce le métier de dominatrice professionnelle … (mais mes récits n’ont absolument pas pour vocation première de vous décrire des « séances ») J’ai entre 30 et 40 ans, taille moyenne, peau mate, visage ovale, cheveux mi- longs, fausse blonde.
Paris, fin du mois d’avril.
Il y a des clients que j’aime bien, et cela n’a rien à voir ni avec la fréquence de leurs visites ni avec l’argent qu’ils me donnent ! Non c’est une question de courant qui passe ou qui ne passe pas…
…ainsi ce lundi matin, j’étais occupée avec Charles, un joyeux drille qui parfois me faisait mourir de rire, il ponctuait nos séances de grimaces, de cris bizarres ou de réflexions inattendues :
– Comment veux-tu que j’arrive à faire une domination sérieuse avec toi ?
– Ça n’a pas besoin d’être sérieux ! Répondait-il.
Et le pire, c’est que c’était vrai, avec lui ça n’avait pas besoin d’être sérieux ! Il venait me voir une fois par mois, et je me rendais bien compte ne serait-ce qu’à ses vêtements qu’il était de condition « moyenne », et d’ailleurs il n’était pas d’une générosité particulière mais je l’adorais, un rayon de soleil parmi la grisaille des soumis ordinaires. Le « faire » n’avait rien d’une corvée !
Je l’avais gratifié d’une bonne flagellation qui lui avait laissé le cul tout rouge, et lui avait fait subir une énergique sodomie d’abord à l’aide d’un gode ceinture puis avec un joli faux sexe de bonne taille…
La prestation touche à sa fin. Je m’accroupis au-dessus de son visage et me concentre afin de donner à mon client ce qu’il est aussi venu chercher, le jet dru de ma source dorée….
– Dring !
Et voilà, il faut toujours que l’on sonne au mauvais moment ! Mais bon, « business is business », je ne vais pas non plus rater un client, je m’excuse auprès de Charles, enfile un kimono et vais ouvrir à l’importun…. C’est Luc ! D’habitude, il vient l’après-midi… Il faut vous dire que celui-ci est l’antithèse de Charles ! Bourré de fric et généreux, trop même, il m’offre des parfums qui ne me plaisent pas, des foulards que je ne porterais jamais et je me demande parfois s’il n’est pas un peu amoureux de moi ! Il faut bien avouer, même si c’est loin d’être mon genre qu’il est plutôt bel homme du moins pour celles qui aiment le genre grand brun ténébreux avec plein de sourcils. Seulement moi, il m’énerve, trop obséquieux, trop classique, terne, sans humour, ennuyeux, je devrais même dire barbant. J’ai refusé je ne sais combien de fois d’aller au restaurant avec lui, même après qu’il m’ait proposé de me rétribuer le temps de repas au tarif du temps de séance ! Et le voilà sur le pas de la porte, un paquet cadeau à la main ! Mon, dieu, sans doute encore une horreur !
– Bonjour Chanette !
Tiens, ce n’est pas « maîtresse Chanette » aujourd’hui ! A-t-il enfin compris que je n’étais sa maîtresse que quand la domination commençait ?
– Je finis un client, tu patientes dix minutes dans la salle d’attente !
– Je ne viens pas pour une séance, c’est pour vous faire….
– Oui, bon, ben on verra, mais pour l’instant j’ai un client à finir ! Alors sauf si c’est une urgence, il va falloir attendre, tu n’es quand même pas à dix minutes près !
Il finit par l’admettre ! Il me gonfle, je sens que je vais faire durer le plaisir avec Charles afin que les dix minutes en deviennent au moins quinze…. Qu’est-ce qu’il me veut ce type ? On verra bien, je dépose son paquet cadeau sur un meuble sans l’ouvrir et vais » finir » mon client, il n’a pas bougé d’un pouce, il est allongé par terre sur le sol, ses bouts de seins pris dans des pinces et son gode planté dans son cul !
– Bon, on en était où ?
– Vous vouliez me faire boire votre urine, maîtresse !
– Mon pipi, ou ma pisse, pas mon urine, on n’est pas chez le docteur ici !
– Pardon maîtresse !
Je m’accroupis à quelques centimètres de sa bouche, côté fesses.
– Tu as intérêt à tout avaler !
– Oui, je vais tout boire !
Quelques secondes de concentration, pas trop difficile, j’avais déjà un peu envie tout à l’heure. Et hop, mon petit pipi dégringole dans la bouche grande ouverte de Charles. Je pisse par saccades afin de lui laisser le temps de déglutir, jusqu’au moment où par jeu je lui envoie une rasade qu’il ne peut absorber entièrement, du coup de l’urine dégouline sur le sol !
– Tu as vu ce que tu as fait, gros dégoûtant ?
– Pardon maîtresse !
– Allez, vas chercher la serpillière, tu sais où elle est !
Il se relève, se demande ce qu’il doit faire du gode, finalement se le maintient enfoncé d’une main, rapporte ce que je lui ai demandé, éponge le sol à quatre pattes, j’en profite pour lui flanquer quelques coups de martinets qu’il encaisse sans broncher.
– Bon, tu es un bon esclave, tu as le droit de te branler maintenant, mais en même temps tu vas me lécher le cul.
C’est qu’il ne se fait pas prier, le Charles ! Sa langue s’agite à une vitesse impressionnante. Il jouit rapidement, positionnant ses mains de façon à ce que son sperme reste sur son corps. La séance est finie, il ne fait pas partie de ceux (pas si nombreux, d’ailleurs) qui souhaitent qu’on leur fasse lécher leur propre sperme. On discute quelques courtes minutes, ces moments sont pour moi très importants car j’essaie de montrer que derrière la dominatrice, il y a une femme, une simple femme avec ses préoccupations et ses conversations de femmes. Ça ne plaît forcément à tout le monde, certains veulent que je sois leur maîtresse jusqu’au bout, et je trouve ça triste.
Je fais un petit bisou à Charles, lui propose de choisir un chocolat dans une petite coupelle appropriée et l’accompagne jusqu’à la porte…
Et maintenant voyons ce que me veux l’autre comique :
– Ah, Chanette ! Vous avez ouvert mon cadeau j’espère ?
Ben non, complètement oublié !
– Je l’ouvrirais quand tu m’auras dit ce que tu veux me dire…
– Voilà, c’est un peu délicat…
Je m’attends au pire….
– Mais ce sera très bien payé !
Bon alors ça vient ?
– Je voudrais louer vos services un week-end entier !
– Non !
– Vous ne savez pas combien je vais vous payer !
– Je m’en fous, je ne travaille pas le week-end., le vendredi soir à 19 heures Chanette elle est fermée jusqu’au lundi matin !
– Je peux vous payer pour ce week-end ce que vous gagnez en quinze jours !
– N’insistez pas !
Quand même, je sais que pour ce mec le fric ne compte pas, mais qu’est-ce qu’il veut que je lui fasse de particulier pour qu’il se montre si généreux ?
– Non ! Si tu veux une longue séance, je te réserve une après-midi ou même une journée entière mais en semaine !
– Oui mais c’est un peu plus compliqué que ça, j’aurais aimé que cela se passe chez moi à Lyon afin que vous dominiez en présence de ma femme et vice et versa et aussi que vous fassiez l’amour avec ! On pourrait aussi envisager un petit trio…
Oups !
– Un trio ? Mais mon cher ami ! Qu’allez-vous imaginez ? Je fais de la domination professionnelle, mais je n’accepte aucune relation sexuelle !
Il fait une drôle de tête, ma réponse à l’air de le contrarier profondément !
– Admettons ! Mais avec le prix que je vous offre, j’ose simplement espérer que si les conditions en sont réunies, vous ne vous refuserez pas à moi… mais je ne vous imposerai rien, si vraiment vous refusez, je me contenterai de vous caresser… cela suffira peut-être à mon bonheur…
Il me dit ça difficilement en cherchant ses mots, en fuyant mon regard…
– Et votre épouse est d’accord, bien entendu ?
– Pour la partouse, ce ne sera pas la première, il n’y aura aucun problème !
– Et pour la domination ?
– Il y aura peut-être un petit travail de préparation psychologique à faire, nous nous en chargerons tous les deux, cela fera partie du jeu !
– Non ! Merci ! N’en parlons plus, ça ne m’intéresse pas !
– Je ne comprends pas, je n’ose croire que c’est une question de prix, je peux certes encore augmenter ma proposition, mais ça ne me parait plus très raisonnable !
– J’ai une vie privée, Luc, je tiens à la préserver, ça c’est la première raison, la seconde c’est que je veux bien faire des trucs avec des couples, mais je veux que madame soit d’accord et soit d’accord dès le départ !
J’ai eu au début de ma carrière la visite d’un couple qui désirait que je les domine tous les deux, déjà la femme faisait une drôle de tronche, puis au premier coup de martinet un peu appuyé, elle s’est mise à chialer comme une madeleine, du coup je ne savais plus quoi faire. Le mari s’est mis à l’insulter, la situation est vite devenue ingérable, je les ai détaché, leur ai rendu l’argent et je les ai viré ! Cette expérience m’a marqué et je me suis juré d’être extrêmement vigilante lorsque je reçois des couples. Je ne supporte pas le sadisme pur, pour moi le S.M. ça se passe entre personnes consentantes et point barre.
– Alors je vous concède le second point, reprend Luc, je m’arrangerais pour qu’elle soit d’accord dès votre arrivée, ce sera pour moi une contrainte, un challenge, je m’en arrangerais !
– Laisse tomber ! Répondis-je pour clore la discussion, si tu veux une séance maintenant, profites en, il n’y a personne !
– Je manque de temps ! Ecoutez, Chanette, insister lourdement serait incorrect, mais permettez-moi de considérer que votre réponse n’est pas définitive, réfléchissez, je vous téléphone dans la semaine !
Il me les brise ! Je lui ai déjà dit non, je ne vais pas lui répéter cinquante fois, cela dit c’est vrai que ça peut être tentant, mais cela me coûte de faire une entorse aux règles que je me suis fixées. Et puis comment va réagir Phil (mon compagnon) ? Je tente quand même une dernière piste, si je pouvais le persuader de faire ça ici…
– Mais tout ça pourrait se faire en semaine !
– Mon épouse reste à Lyon !
– Et alors il y a le T.G.V. !
– Je sais, je vous paie aussi le voyage !
– Mais qu’est ce qui empêche votre femme de venir à Paris !
– Rien, mais disons que c’est mon fantasme, il faut que ça se passe chez nous ! Je vous laisse… à bientôt au téléphone !
Il se sauve, il ne m’a pas reparlé du cadeau, je l’ouvre distraitement, un magnifique collier en or, un truc de dingue, un bijou qui doit valoir ses 5.000 euros ! Il est fou ce type ! Je vais refuser et lui rendre son machin !
Et puis bien sûr, le piège des décisions différées se mit à fonctionner à fond. La proposition de Luc n’avait pas que des inconvénients, au contraire, gagner un paquet d’argent aussi facilement était terriblement tentant. Restait que le rôle de sa femme dans cette affaire n’était pas très clair, qu’il n’était pas complètement exclu que le plan avait une partie « cachée », et restait à tenir compte de l’avis de Phil.
Phil fait la tronche !
– Tu fais ce que tu veux, mais ça ne me plaît pas ! Me dit mon mari.
– Pour le prix qu’il me propose, je serais peut-être conne de refuser…
– Tu fais ce que tu veux, je te dis…
– Ecoute, le fric que je gagne tu en profites aussi ! Si tu veux, je t’offre 15 jours de vacances pour nous deux !
– Et qui c’est qui va s’occuper du vidéo club ?
– T’as une vendeuse, non !
– C’est toi qui décides, Chanette, je ne veux pas t’influencer ! Je t’ai dit ce que j’en pensais, maintenant parlons d’autre chose.
Merde, il fait chier, j’aurai préféré qu’il me dise carrément non, je lui aurais répondu que je suis une femme libre et qu’il n’a pas à me guider ma conduite, mais je n’y serais sans doute pas allée ! Ou qu’il me dise oui et je lui aurais dit, je lui aurais dit… quoi au fait ? Jamais il ne m’aurait dit oui ! Et puis je voulais aborder avec lui le reste, savoir ce qu’il en pensait, pas moyen… Bien envie d’y aller tout de même, mais ce n’est pas l’enthousiasme.
Luc ne m’a pas rappelé, non, le lundi suivant, il s’est déplacé :
– Bonjour, Chanette ? Je suis sûr que vous avez fini par accepter !
– Oui, mais c’est tout à fait exceptionnel, on fait ça une fois et vous n’y revenez plus !
– Nous sommes bien d’accord ! Je ne vais pas vous demander de jouer un rôle, mais il faut sauver les apparences, ma femme est très libérée, mais je ne lui ai jamais parlé de ce que… je viens faire ici…
– Oui, bon, j’ai compris
– On va dire que pour ma femme vous êtes une de mes nouvelles secrétaires, vous venez d’arriver dans mon département, et avant vous étiez avec Berthier. Retenez bien ce nom, Berthier ! Et vous vous appellerez Christelle ! Ça vous va Christelle ?
– J’aurais préféré Cunégonde, mais ça ira ! Autre chose ?
– Non, C’est tout, moins on invente, moins on se coupe ! Euh… Il faudrait que vous emportiez un peu de matériel, je n’ai rien chez moi pour faire de la domination.
– O.K., mais je vais pas me charger comme un baudet, j’emporterais que le minimum.
– D’accord ! Voici votre billet de train, en première classe bien sûr, j’ai noté le nom que vous aurez à retenir « Berthier »
– Ce n’était peut-être pas la peine, je n’ai pas encore la maladie d’Alzheimer !
– Et dans cette enveloppe, il y a un petit acompte, je vous donnerais le reste dès votre arrivée. Je viendrais vous chercher à la gare, évidemment !
Les conseils de Clara à mes débuts, « ne monte jamais en voiture avec un client, tu ne sais pas où il peut t’emmener. Jamais ! Même si tu crois le connaître ! » Et oui, les histoires de filles parties partouzer chez un riche bourgeois et qui se sont retrouvées à Tanger le lendemain ne sont pas que des légendes !
– Non donne-moi l’adresse, je prendrais un taxi !
– Mais pourquoi donc ?
– Ce point n’est pas négociable, Luc ! Et l’adresse je la veux tout de suite, et la vraie, la définitive, si elle venait à changer, je laisse tomber.
Toujours Clara : « si tu vas à un rendez-vous chez quelqu’un, arrange-toi pour laisser l’adresse en évidence chez toi »
Paris-Lyon
J’ai un peu hésité mais j’ai renoncé à m’habiller avec un look de secrétaire. Un pantalon de flanelle grise, un petit haut noir à motifs et une jolie veste vieux rose feront parfaitement l’affaire. Je ne suis pas non plus allé chez le coiffeur et j’ai maintenu mes cheveux de fausse blonde en hauteur avec une grosse barrette. Le maquillage a été, lui un peu plus soigné, que voulez-vous, j’ai mes manies et je soigne mon image de marque.
J’ai échangé son billet pour le train d’avant, (je n’ai aucune envie qu’il me retrouve tout de même à la gare), et en seconde, par pur esprit de contradiction. Il ne m’a pas fourni de billet pour le retour, j’espère qu’il ne s’agit pas d’un acte manqué ! J’ai acheté un polar, j’ai emporté un peu de jazz, je m’installe, le trajet ne dure que deux heures. Le train part et je tente de me concentrer.
J’aurais dû refuser, je me rends à cet étrange rendez-vous presque à contre cœur. Qu’est-ce qu’on va bien pouvoir fabriquer pour occuper tout un week-end ? Deux séances de trio sado-maso, peut-être trois, avec final ou prélude en partouse mais pas plus… et le reste du temps ? Obligé de me supporter ses goûts, ses conversations et ses opinions ! Et puis je ne pourrais pas décemment refuser d’avoir des relations sexuelles avec lui, on ne peut vraiment pas dire que ça m’emballe. Il n’y aurait pas eu Phil, sans doute aurai-je déjà renoncé ! Mais, je n’ai pas envie de perdre la face, il me reproche déjà souvent de ne pas toujours savoir ce que je veux, et je déteste quand il me fait ce genre de reproche ! De toute façon le train est parti, il me reste deux heures pour éventuellement changer d’avis. Impossible de me concentrer sur ce bouquin, je ferme les yeux, tente en vain de m’endormir. Quelle galère ! C’est alors que j’ai l’idée de me rendre au bar restauration afin d’avaler un café.
Apparition
Je touille machinalement mon café noisette, installée sur une petite tablette. Et puis j’ai dû rêver un peu parce qu’il n’est pas possible que je ne l’ai pas vu avant…
Un visage, rien qu’un visage, assez long, encadré par de long cheveux châtains foncés légèrement ondulés, un nez superbe, une bouche délicieusement ourlée. Belle vision me dis-je ! Et puis je m’efforce de ne pas la regarder, je n’ai pas envie si elle croise mon regard qu’elle y devine des choses inavouables.
Ah, oui ! Ceux qui me connaissent savent mes penchants assez prononcés pour le deuxième sexe. Les classements et les étiquettes me gonflent, alors lesbienne, non, bisexuelle sans doute, mais qu’importe ! Chez la femme une seule chose m’attire, c’est le visage, le reste viens après, bien après… Et si bien sûr l’affaire se conclut par de tendres caresses c’est aussi pour pouvoir admirer le visage de ma partenaire sous l’emprise du désir et du plaisir. Pour moi le sexe est important, et je n’ai pas de tabous, mais je ne suis pas non plus nymphomane, si mon métier m’amuse et parfois m’emmerde, il est très rare qu’il m’excite. Et pour le reste, je n’allume pas, je ne drague pas et n’aime pas être draguée.
Malgré moi, j’ai encore lancé quelques furtifs regards vers cette surprenante inconnue. Elle est vêtue très simplement d’un jean et d’un tee-shirt rouge à manches courtes. Un coup d’œil sur ses bras… J’aime bien ses bras juste potelés comme il le faut et recouvert d’un léger duvet… Elle finit par s’apercevoir de mon manège et m’adresse un petit sourire. Son visage devient encore plus beau, une sorte de beauté sauvage, de la beauté à l’état naturel sans pratiquement aucun artifice, ça ne plaît pas forcement à tout le monde, mais moi, je craque. Je souris à mon tour puis détourne mon regard quelques secondes, juste quelques secondes avant de la regarder de nouveau. Ses yeux m’attendaient. A nouveau ce sourire… A nouveau je réponds puis baisse un peu les yeux ! C’est à ce moment-là que j’aperçois sur la fermeture de son sac à main une espèce de ruban arc en ciel ! Le drapeau des gays et des lesbiennes. Bien sûr, elle a pu accrocher ça sans savoir, ou alors juste en signe de solidarité, mais je prends le risque, j’avance vers elle, ne sachant pas encore ce que je vais trouver à lui dire ! J’ai toujours été une grande improvisatrice !
– On dirait que quelque chose vous intéresse chez moi ? Je me trompe ? Dit-elle.
Super ! Elle m’a évité de chercher mes mots pour l’aborder !
– Vous avez un très beau visage ! Répondis-je simplement consciente de la platitude de mes propos.
– C’est un point de vue, juste un point de vue, mais c’est un point de vue que j’aime bien… Viens ! Ajouta-t-elle, m’entraînant dans la partie du wagon où sont entreposés les bagages volumineux.
Là elle se cale contre une cloison, elle est vraiment grande, une bonne tête de plus que moi :
– C’est pas possible, ils ont tous la bougeotte dans ce T.G.V.… dit-elle.
C’est vrai qu’il y a pas mal de mouvements !
– Vite approche !
Dingue, on s’est retrouvées collées l’une contre l’autre, en train de se rouler un patin, il fut bref, mais me voilà excitée comme une puce… Très vite des pensées m’assaillent l’esprit, je ne sais évidemment pas ce qu’elle va faire à Lyon, mais si elle pouvait être libre, si on pouvait se faire un super week-end entre filles… voici une alternative tout à fait satisfaisante au séjour que me propose l’autre casse-pieds !
– On va dans les chiottes ?
On attend un peu que personne ne puisse nous voir et on se faufile dans les toilettes. Ceux qui ont déjà pris ce moyen de transport savent comme c’est étroit et inconfortable là-dedans !
– Attend je vais en profiter pour pisser ! Me dit la grande perche.
– Je peux regarder ! (J’ai dit ça presque par réflexe)
– Hein ? Tu aimes l’uro aussi ? Décidément tu m’excites, toi ! Allez régale-toi !
Elle baisse son pantalon et sa culotte (pas très sexy, la culotte) Elle a le pubis très fourni, pas le genre à se faire le maillot. Ça a son charme, je me baisse pour mettre mon visage en face de son sexe ! Seule la peur d’en mettre partout me fait renoncer à m’avancer davantage. Elle pisse devant moi, de façon très naturelle, là aussi je suis un peu frustrée, je tenterais bien de placer mon doigt dans ce jet pour le goûter, mais m’embrassera-t-elle après ? Je me sens bizarrement godiche avec cette fille.
– Je m’essuie ou pas ?
– Peut-être pas ! Si tu veux bien que je m’en occupe…
– O.K., mais pour l’instant remonte un peu, on ne s’est pas embrassées beaucoup !
O.K. juste un peu de difficultés pour trouver une position ad hoc et de nouveau nos bouches se soudent. C’est différent de la première fois, le plaisir de la découverte et celui du fruit défendu ont disparu. Par contre nous n’avons plus de raisons de faire dans le furtif. On se bécote à qui mieux mieux à s’en décrocher la mâchoire. Je me régale et ne veux plus lâcher ce long et tendre baiser baveux… Quant à l’état de ma culotte… Je finis par me reculer, son visage est radieux… On repart, mais cette fois nos mains se mettent de la partie, se faufilant sous les hauts, s’infiltrant dans les bonnets des soutien-gorge, caressant les globes, cherchant les pointes durcies d’excitation. J’adore le contact de sa peau, elle est douce, très douce. Nous commençons à être pas mal débraillées et sans me souvenir de quelle façon elle s’est débrouillée pour le faire, la voici sa bouche sur mon sein droit en train de me gober le téton, ça devient complètement dingue ce truc là ! Je brûle d’envie d’inverser les rôles, mais voilà qu’elle m’attrape les fesses, me fait avancer vers elle, son visage est devant mon pubis encore protégé par mon pantalon.
– Tu le baisses ?
Ben oui, je le baisse, le string aussi, me voici la chatte à l’air devant une mystérieuse inconnue dans les toilettes d’un train à grande vitesse !
Elle me fait quelques « chastes » baisers sur le ventre, puis descend rapidement vers ma toison, puis plus bas encore, ouvrant mon intimité de sa seule langue :
– Qu’est-ce que tu mouilles ! Dira-t-elle simplement !
Quelques grandes lapées entre mes lèvres avant de se concentrer sur mon clito tout dur, je ne tarde pas à exploser, regrettant simplement d’être obligée d’étouffer mon cri de jouissance.
– Viens ! Dit-elle, en écartant son sexe de ses doigts.
Je suis à peine apaisée, et j’aurais volontiers prolongé ce contact charnel en l’embrassant goulûment de nouveau, mais quelque chose me dit qu’elle n’a pas l’intention de s’éterniser dans cet espace exigu.
– Tu veux que j’m’essuie ? Demande-t-elle pour la seconde fois.
Je lui fais, de la tête, signe que ce n’est pas la peine et m’approche de son fouillis, ses grandes lèvres, qu’elle a justement plutôt grandes sont gonflées d’excitation, je caresse tout cela d’un doigt fureteur, l’y enfonce, le porte à ma bouche, j’adore ça le jus de minette !
– Lèche !
Elle est pressée ou quoi ? Mais de toute façon la chose était dans mes intentions. J’écarte les chairs pour accéder facilement, elle possède un clitoris très développé, et en pleine forme, c’est la première fois que j’en découvre un aussi gros, une véritable mini bite dont le gland est déjà sorti de son capuchon. Je passe une première fois ma langue dessus, voilà une action qui fait frétiller mon inconnue, du coup j’accélère mes mouvements, je sens son corps se raidir, elle s’agrippe à mes bras, me les serre, elle va me faire mal cette conne, sa respiration devient haletante, j’essaie d’accélérer davantage mais cela m’est humainement impossible. Un cri étouffé, un soupir ! Elle a joui, je remonte vers son visage, on s’embrasse assez longtemps, mais je fini par avoir l’impression que j’en veux plus qu’elle, d’ailleurs c’est elle qui se dégage. On réajuste nos tenues, elle ne dit rien et moi je ne sais pas quoi dire non plus. Elle ouvre la porte, sort, je la suis, un type attendait dehors, il nous dévisage curieusement, la nana se dirige vers le bar, je lui emboîte le pas par automatisme.
– Bon c’était super, mais maintenant faut que je te laisse !
Et la voici qui sort son téléphone portable, histoire sans doute de me signifier qu’elle est réellement occupée et qu’elle a besoin d’intimité. J’essaie de dire quelque chose mais les mots ont du mal à sortir :
– On ne pourrait pas…
– Non, c’était un coup de folie, et je ne regrette rien, mais je ne suis pas libre, je suis avec une copine et tous les week-ends je vais la rejoindre à Lyon. Allez, bonne route !
Quelque chose s’écroule, après ces moments de bonheur intense porteurs d’espoirs de projets fous, j’ai l’impression de recevoir une douche froide. Je balbutie un :
– O.K, bon week-end !
Et je regagne ma place. Après cette rencontre, la perspective de me rendre chez Luc me parait encore plus contraignante.
Pierre
Luc ne s’appelle pas Luc mais Pierre. Il s’est réveillé de bonne heure ce samedi matin, si tout se passe bien, ce week-end devrait être grandiose, grandiose mais aussi comme devant marquer sa vie d’une pierre blanche. Après sa douche et son petit déjeuner, il s’est tout de suite habillé, choisissant sa cravate de façon méticuleuse… Une cravate, un samedi matin ? Et oui, c’est qu’il a des principes, Pierre, des principes et des manies, sauf quand il ne peut vraiment faire autrement, il est toujours en veston cravate ! C’est pour lui comme une extériorisation permanente de sa réussite. Il regrette ce temps pas si lointain où les puissants de ce monde ne se montraient jamais en « débraillé », voir un chef d’état à la télé en chemisette ouverte le met hors de lui, et il ne cesse de pester contre cette nouvelle mode consistant à décontracter sa tenue dès le vendredi, ou après ces jeunes cadres qui confondant costume et livrée, s’habillent sans aucune personnalité, et chiffonne leur cravate dans leur poche dès la sortie de l’entreprise franchie.
Pierre ne tient pas en place, il piaffe d’impatience de voir arriver son invitée. Il ne se fait pas trop de soucis sur le fait de savoir si elle viendra ou pas. Non, il s’est persuadé que sauf en cas d’empêchement majeur, elle sera bientôt là, sinon elle a son numéro de portable pour prévenir ! Son souci c’est plutôt la suite, il se dit qu’il a confiance, que son sens de la négociation devrait encore une fois faire ses preuves afin que son plan fonctionne. Un plan où interviennent trois personnages, il est sûr de lui, il est presque sûr de son épouse auprès de laquelle le terrain a été préparé depuis plusieurs semaines. Reste Chanette, elle-même, c’est vrai qu’il ne la connaît que sous son jour de dominatrice, mais son intuition lui souffle que tout se passera comme il l’a prévu !
Il s’est installé dans son bureau et quand Chanette arrivera, il attendra une dizaine de minutes avant de montrer le bout de son nez, cela pour deux raisons, la première c’est qu’il veut absolument présenter l’image d’un homme débordé, y compris chez lui. Apparaître, le portable à la main et le fermer devant elle en déclarant que ce week-end sera exceptionnel, entièrement consacré à son invitée et sans digressions professionnelles possibles devrait être du meilleur effet ! L’autre raison est pour Pierre plus stratégique, il ne faut pas que les deux femmes se regardent en chiens de faïence. En bon macho, il fait sienne cette théorie qui dit « mettez deux femmes ensemble de n’importe quelle conditions et qui ne se connaissent pas, au bout de deux minutes, elles discuteront ensemble de tout et de rien comme de vraies pies, et au bout d’un quart d’heure, elles en seront déjà aux confidences… »… De quoi allumer le dispositif clé de son plan !
Chanette
A la gare de Lyon-Perrache, après avoir fait un tout petit peu de shopping et ne voulant pas arriver les mains vides, j’achetais un joli bouquet et me fit conduire en taxi non pas à l’adresse indiquée, mais quelques numéros plus loin. On n’est jamais trop prudente !
Une grille, un interphone, des chiens qui aboient, je me fais reconnaître. C’est une domestique qui vient me chercher, je découvre alors la propriété jusque-là cachée par les grilles et les haies. C’est grand, c’est propre, c’est carré, ça sent le trop plein de fric. Un court instant, tandis que nous cheminons dans l’allée, je pense à m’enfuir, il sera, si c’est un piège, trop tard après, et les chiens seront un obstacle insurmontable ! J’ai bien apporté une bombe de lacrymogène, mais bon…
Une femme m’attend en haut du perron, blonde, un très joli visage, quoique classique. Jolie silhouette, elle est habillée d’un petit haut jaune pâle qui lui découvre les épaules et d’un pantalon en toile dans les marrons clairs. Elle fait assez frêle, et son sourire me parait bien crispé.
Viviane
» La voilà donc cette pétasse ! Je ne la voyais pas du tout comme ça ! Je me l’imaginais plus grande, plus blonde, plus vamp ! » se dit-elle. Voilà plusieurs semaines que son mari lui casse les pieds avec cette Christelle. Viviane ne voit son mari que le week-end et les moments d’intimités sont rares, Pierre emporte systématiquement du travail à la maison et passe d’interminables coups de fils. On ne peut décemment parler de couple libertin en évoquant Pierre et Viviane, par contre il s’agit d’un couple libre, très libre, chacun a trompé l’autre, chacun à sa manière et chacun le sait, Pierre poussant même le vice jusqu’à évoquer ses frasques devant son épouse (la bonne vieille méthode qui consiste à en dire un maximum pour éviter de TOUT dire) ! Viviane a payé de son corps pour faciliter la carrière de son mari, et elle le fait encore, maintenant que Pierre est responsable des contrats internationaux, il n’est pas rare, que certains samedi soir quelques-uns de ses clients soient invités ici, et souvent l’affaire se conclut après que ceux-ci aient goûtés à ses charmes. Elle s’en est longtemps foutue ! Les contreparties au fil du temps se sont avérées considérables : cette maison richement meublée et décorée, leur deux résidences secondaires, le bateau, les voitures, les bijoux, le train de vie.
Le couple n’a presque pas de famille, à l’exception de la sœur de Viviane, mais celle-ci ne supporte pas Pierre et ils n’ont pas d’amis communs dignes de ce nom. Les week-ends étaient pour elle souvent terriblement ennuyeux, et accepter les sauteries de son mari était pour elle un jeu, de plus quel honneur pour elle de se savoir encore désirable à l’aube de la quarantaine ! La seule chose qu’elle n’était pas prête à accepter c’est que son mari puisse se moquer d’elle ! Or justement l’invitation de cette secrétaire lui paraissait suspecte à bien des égards. D’abord la façon dont il lui avait parlé de cette femme était inhabituelle, il lui trouvait toutes les qualités possibles et imaginables, la plaçait sur un véritable piédestal sans aucune de ses allusions machos dont il est d’ordinaire si friand ! Et puis, l’inviter un week-end entier, pour quoi faire ? Pierre lui a sorti son vieux fantasme de la voir faire l’amour avec une autre femme, « Christelle n’est pas contre, mais il faudra peut-être un peu de temps… » avait précisé Pierre. Ben voyons…
Viviane avait téléphoné anonymement à l’entreprise de son mari, il n’y avait aucune Christelle ni dans ses collaboratrices, ni dans celles du dénommé Berthier ! Bizarre ! Ce n’était donc pas son vrai prénom ou bien, il s’agissait d’une fille d’un autre service ou rencontrée ailleurs ? Mais alors, pourquoi ce mensonge ? En fait, elle soupçonnait son mari de s’être amourachée de cette nana ! Cette perspective d’un ménage à trois serait sans doute la goutte d’eau qui ferait déborder le vase de ses ressentiments. Sa valise était prête depuis longtemps, dans le coffre de sa voiture, sa sœur pourrait l’héberger quelques temps à Paris… Son avocat l’avait conseillé, mais avant, elle voulait savoir…
Contact
– Je suis Viviane D. L’épouse de votre patron, soyez la bienvenue !
Je me souviens devoir jouer le rôle de l’une de ses secrétaires ! On entre, je lui offre les fleurs qu’elle dépose sur une table avec un sourire de remerciement réduit au minimum et en les regardant à peine, manifestement, elle n’en a rien à foutre, ça fait toujours plaisir !
– Il est au téléphone ! Me précise-t-elle, il est tout le temps au téléphone, il se croit indispensable !
Je n’aime pas son attitude, elle m’a presque vexée avec mon bouquet et maintenant elle me sort des réflexions auxquelles je ne peux répondre. Par contre l’absence momentanée de Luc est une aubaine, cela va me permettre de savoir quel sera le rôle de son épouse durant ce week-end. Je prends une profonde inspiration et me lance :
– Je souhaiterais qu’il n’y ait aucune ambiguïté, savez-vous vraiment pourquoi je suis là ?
Regard étonné de Viviane qui ne s’attendait vraiment pas à ce genre d’interpellation :
– Me prendriez-vous pour une andouille, mademoiselle ? Me demande-t-elle, un étrange sourire en coin.
Si ça démarre sur ce registre là, je sens que je ne vais pas faire de vieux os ici, mais je fais néanmoins l’effort de reformuler ma question :
– Je ne vous connais pas, mais ça m’embêterait que votre époux vous ait caché quelque chose !
– Vous l’en croyez donc capable ? Répond ironiquement Viviane qui comprend de moins en moins
– Je n’en sais rien, mais je préfère savoir, si vous ne me répondez pas, je préfère m’éclipser !
– Vous êtes amusante, vous ! C’est peut-être à vous qu’il n’a pas tout dit, ce serait bien dans son style !
Pas très rassurant ! Et sans doute vrai ! Cela ajouté à la façon dont m’accueille cette bonne femme, je me demande ce que je viens faire ici !
– Bien, je crois que je ne vais pas m’éterniser, au revoir madame…
– Vous allez vraiment partir ?
Ses yeux expriment l’incompréhension la plus totale ! Je me demande bien pourquoi ça l’étonne à ce point, elle devrait être ravie de me voir partir pourtant ?
Et j’allais pousser le culot jusqu’à lui demander de récupérer mes fleurs, quand j’aperçois les chiens dans l’allée. Pourvu qu’ils me laissent tranquille.
– Absolument…
Mais elle me coupe la parole, énervée.
– Pas de mélodrame s’il vous plaît, mon mari a sans doute dû vous dire que j’étais enchantée, ravie de participer à une partouse avec une de ses secrétaires, c’est bien ça ?
– Entre autre ! Vous êtes sur la bonne voie !
– Pourquoi entre autre, il y a autre chose ?
– Je crois qu’il ne vous a pas tout dit….
Je devrais déjà avoir franchi la porte, c’est les chiens qui me font hésiter…
– Ah, oui je sais, il veut que nous ayons des rapports toutes les deux, c’est une de ses obsessions de voir deux femmes ensembles, ça ne me gêne pas plus que ça, remarquez ! Vous n’êtes pas du tout mon genre, mais on pourra toujours faire semblant !
Elle m’énerve !
– Est-ce qu’il vous a parlé de domination ?
– Domination de quoi ?
– Des fessées, des positions attachées….
– Hein, non il ne m’a pas dressé de catalogue, pourquoi ? Vous avez amené le vôtre ? Mais qu’est-ce que vous avez dit, c’est quoi des positions attachées ?
– Ben si on veut dominer quelqu’un, souvent on l’attache… Vous ne saviez pas ? Répondis-je, en mettant le maximum d’ironie dans le ton de ma voix.
– Il vous a dit qu’il voulait m’attacher ?
– Oui !
– Mais il est malade, il sait très bien que j’ai horreur de ça, une fois, il m’a proposé ça, une fois, une seule fois, je l’ai envoyé bouler et il est resté des années sans recommencer, et dernièrement j’ai failli partir à cause de ça !
– C’est tout à fait ce que je craignais. Je vais m’en aller, vous direz à votre mari qu’il n’a pas respecté sa part du contrat !
– Quel contrat ?
– Vous lui demanderez !
– Euh… Juste une question !
J’aurais dû partir sans l’écouter, mais je suis curieuse comme une chatte !
– Ça n’a rien à voir, c’est juste de la curiosité, mais j’aimerais l’avis d’une femme ! Me lance-t-elle.
– Pardon ?
– Oui juste comme ça pour avoir votre avis ?
– Mon avis sur quoi ?
– Sur son bureau !
– Son bureau ?
– Vous trouvez ça joli d’avoir tout refait comme ça dans ces tons bleus ? Comme design dans une salle de réception je ne dis pas, mais dans le bureau d’un responsable, ça ne vous choque pas, vous ?
Qu’est ce qui lui prend de me parler de ça ? Elle ne doit pas être nette ! C’est cela, elle pète les plombs, pas envie de la contrarier !
– Accompagnez-moi jusqu’à la sortie, vos chiens me font peur !
– D’accord, mais répondez moi !
Luc ne m’a pas dû briefé là-dessus, il ne m’a pas décrit son bureau, je balbutie un machin du genre :
– Oh, ça surprend au début, et après on n’y fait plus attention…
– Et puis franchement cet ascenseur ils auraient pu le remplacer, ça fait ringard !
– Je ne le prends pas je monte toujours à pied !
– Six étages vous êtes courageuse !
– Ça me fait faire un peu d’exercice !
– O.K., autant que vous sachiez que je suis ravie de vous voir partir, mais mon mari risque de me reprocher de vous avoir mis à la porte, ça ne vous dérangerait pas de l’attendre avant de vous en aller ?
– Si, justement !
Je me retourne ! Et à ce moment-là rapide comme l’éclair Viviane se met en travers de la porte ! Je ne peux pas sortir sans l’écarter physiquement ! C’est quoi ce cirque ?
– Madeleine ! Hurle-t-elle !
La bonne qui se radine ! Je fouille dans mon sac, pourvu que je ne sois pas obligée de sortir ma bombe de gaz lacrymogène.
– Allez chercher Monsieur, qu’il vienne ici, dites-lui qu’il y a urgence, et tant pis pour son téléphone !
– Je cours madame !
Je ne sais pas quoi faire, je ne vais quand même pas la bousculer !
– Mais qu’est ce qui se passe ? Demande Luc, arrivant à grandes enjambées !
Je parle, Viviane parle, tout le monde parle en même temps, on n’y comprend rien ! Je prends donc le parti de me taire !
– Ta charmante secrétaire croit que tu as un bureau peint en bleu et elle grimpe six étages pour y aller, amusant non ? C’est qui cette nana ?
Luc fait une drôle de tête
Bon à ce stade autant jouer carte sur table !
– Je suis une prostituée, madame, louée pour le week-end par votre mari, j’ai demandé des garanties et….
– Taisez-vous vous racontez n’importe quoi !
Viviane ne me croit pas, mais Luc devient de plus en plus blême !
– Et voilà ! J’en ai accepté de tes fantaisies, je t’ai servi d’objet pour négocier tes contrats, tu m’as fait coucher avec des mecs infects, j’ai accepté parce que c’était pour ta carrière et que finalement j’en profitais bien ! Il y a une seule chose que je n’accepterais jamais et tu le sais très bien, c’est que tu te foutes de ma gueule !
– Mais…
– Que tu amènes une pétasse pour le week-end, après tout je m’en fous, j’en ai vu d’autres, mais pourquoi inventer cette histoire de secrétaire, et en plus j’apprends que tu voulais m’attacher ! T’es vraiment devenu cinglé ! Ça cache quoi tout ça ? Vous le savez-vous ? demande-t-elle en s’adressant à moi !
– Moi ce que je voudrais, c’est partir d’ici !
– Mais attendez, on va s’expliquer ! Propose Luc sans y croire.
Viviane libère la porte, disparaît dans une pièce adjacente. Me voici seule avec Luc ! Ça ne me plaît pas du tout !
– Mais enfin que s’est-il passé ? Tente-t-il, en retrouvant son sourire de façon complètement incongrue.
– Je n’en sais rien, mais ma présence n’a plus aucun sens ! Je vous donne huit jours pour récupérer votre fric et votre collier dont je ne veux plus, je prélèverais juste un forfait pour le temps que j’ai perdu en venant ici mais au tarif syndical.
– C’est un terrible malentendu, Chanette, je vous en prie, entrez dans le salon, je vais tout vous expliquer…
– M’expliquer quoi ? Vous m’aviez donné votre parole que votre femme saurait ce qu’on allait faire et qu’elle serait d’accord !
– Mais je vous répète qu’il s’agit d’un malentendu…
Il me tient le bras, je vais pour me dégager, mais c’est alors qu’il me vient une idée lumineuse…
– Maintenant je vais vous dire un truc, je me méfie toujours et je suis venue avec mon protecteur, il m’attend à une centaine de mètres de votre entrée, je lui ai envoyé un message pendant que votre femme hurlait, si je suis pas dehors dans cinq minutes, il vient me récupérer et n’hésitera pas à tirer sur vos chiens s’ils nous emmerdent. Donc vous les rappelez et vous me laissez sortir.
J’ai fait mouche ! Luc est blanc comme un linge ! Quelque chose est en train de s’écrouler de façon sérieuse dans ses plans…
– Vous n’êtes pas venue seule ?
– Raccompagnez-moi à la grille et faites coucher vos chiens !
– Si quelqu’un vous rackette, je peux m’en occuper, j’ai des amis bien placés…
Je ne réponds pas, je sors mon portable, fais un numéro bidon et je parle dans le vide :
– Attends deux ou trois minutes de plus, je vais sortir, attends-moi à l’angle de la première rue à droite, j’ai pas envie qu’on voie les plaques !
– Vous ne pouvez pas savoir à quel point je suis déçu, Chanette ! Quelque part vous êtes en train de briser mes rêves, et peut-être plus !
– Bon, alors on y va, oui ou non ?
Livide, il accepte, je suis assez contente de mon gros mensonge ! On sort, alors que juste devant nous la grille s’ouvre, laissant le passage à une voiture qui quitte nerveusement la somptueuse propriété ! Mais le départ de sa femme n’inspire aucun commentaire au maître de ces lieux.
Je sors de là-dedans, je file sur la droite pour donner le change s’il me regarde m’en aller. J’espère qu’il ne va pas avoir l’idée de me suivre… du coup je me retourne. Non il est rentré, je traverse la rue, et part dans l’autre sens, le trottoir est garni d’immenses marronniers, s’il déboule je pourrais toujours me cacher derrière !
Pierre (ou Luc, puisque c’est le même)
Il ne comprend pas ! Il comprend d’autant moins que ses échecs quelque soient les domaines ont toujours été rarissimes ! Reprendre l’initiative ! Vite ! Mais que faire ? Et puis l’idée, cette fille est sous l’emprise de son maquereau, il peut essayer de l’en libérer, repérer la bagnole, faire agir un de ses amis dans la police. La première rue à droite est à quatre cent mètres, elle ne va pas y arriver tout de suite ! En fonçant il peut avoir le temps de repérer le numéro d’immatriculation. Si ça pouvait marcher… Il fonce prendre les clés de la voiture, ressort sans s’être chaussé, commande l’ouverture de la grille, fonce à gauche pour contourner la zone d’habitations, n’aperçoit pas cette forme furtive qui vient de se cacher derrière un marronnier… Pierre fait le tour complet, il n’a croisé aucun véhicule susceptible d’avoir Chanette à son bord ou de l’attendre ! Une fois sortie, elle a dû l’appeler pour qu’il se rapproche ! La salope ! La salope !
Il rentre dans la demeure, croise Madeleine la bonne !
– Monsieur pour midi…
– On annule tout ! Rentrez chez vous, s’il y a quelque chose qui vous intéresse dans la bouffe, prenez-le…
– Oh, merci Monsieur ! Mais je ne serais pas payée pour le week-end comme convenu alors ?
– Si, vous serez payée, mais faites-moi plaisir, disparaissez, j’ai besoin d’être seul !
Se réfugier dans le travail, voilà la solution ! Il monte dans son bureau ! Il a ce délicat remaniement du contrat avec les polonais à étudier ! Pas faciles ces mecs et peu ouverts à l’esprit de négociation. Il prend une feuille, commence à jeter quelques idées, mais il arrive mal à fixer son attention. Qu’est-ce qu’ils ont pu se dire pour qu’elles réagissent comme ça, ces deux bonnes femmes ? Sans doute avait-il fait une erreur avec Viviane, mais ce n’était pas là son principal souci, son principal souci c’était Chanette ? Qu’est-ce qu’elle lui reprochait au juste ? De ne pas avoir respecté sa part de contrat ? Mais pourquoi aurait-il été convaincre sa femme d’accepter de faire de la domination alors que cela n’était absolument pas dans ses intentions ? Mais elle ne lui avait même pas laissé la possibilité de s’expliquer ? Alors il fit ce qu’il n’avait jamais fait : il alla vers le bar, sortit une bouteille de whisky, la déboucha et s’en servit une longue rasade à même le goulot, puis une seconde, puis une troisième… quand la tête commença à lui tourner il s’affala sur le canapé… ivre !
Chanette
J’ai pas mal tourné, j’ai demandé, puis j’ai trouvé un arrêt de bus et suis retournée à Perrache ! La gare est noire de monde ! Des hauts parleurs précisent que suite à un problème, la circulation des trains pour Paris est momentanément interrompue, et que les trains subiront un retard d’environ deux heures ! Il y a des jours où rien ne va ! J’ai donc le choix, prendre mon mal en patience et attendre ou alors aller faire un tour dans Lyon et revenir à la gare plus tard dans l’après-midi ! Je choisis d’attendre ! Au bout d’une heure, le haut-parleur annonce quelque chose mais c’est à peine audible, s’en suit un mouvement de foule, des gens vont sur la droite, d’autre vers la gauche, je suis entraînée malgré moi, le haut-parleur résonne de nouveau, les gens reviennent sur leurs pas ! Ça commence à me « plaire » ! Nouveau mouvement de foule, un train est entré en gare, il est annoncé pour Paris, mais vu le monde, je me dis qu’il y en aura bien un autre après et tant pis pour la réservation, je me débrouillerais, c’est un peu le bordel, le gens se télescopent, un type va pour me rentrer dedans, je l’évite de justesse, tout cela pour me télescoper dans une bonne femme !
– Vous !
– Je pensais bien ne jamais vous revoir !
Je viens de me tamponner Viviane !
– Je suis désolée pour tout à l’heure, mais je tenais à ce que vous soyez là pendant l’explication que j’ai eue avec mon mari !
Je réponds par un sourire crispé, je n’ai pas l’intention de répondre, et vais pour m’éloigner, mais la densité de la foule étant ce qu’elle est, j’ai du mal à bouger.
– Je n’ai rien contre vous ! Reprend-elle.
– Ça ne vous a pas empêché de me traiter de pétasse, mais restons-en là !
– Je retire ce que j’ai dit, quand on est en colère on dit un peu n’importe quoi.
Je détourne la tête, essaie de m’éloigner d’elle, pas évident avec cette foule, mais il y a désormais une autre personne entre elle et moi, elle ne pourra plus me casser les pieds.
Haut-parleur : » le T.G.V. en direction de Lille entre en gare ». On s’en fout, « il desservira les gares de Marne la Vallée… » Pourquoi pas ?
Léger mouvement de foule, ça n’intéresse pas grand monde…
– Il ne s’arrête pas à Paris, alors ?
Au secours ! La Viviane qui est de nouveau dans mes pattes ! Et moi comme la reine des connes qui lui répond :
– Il suffit de descendre à Marne et de pendre le R.E.R… Ou un taxi !
– Vous y allez alors ?
– Ouais…
– Alors je vous suis…
Ah, non ! Mais que faire, je ne vais pas l’empêcher de prendre le train ! Et d’ailleurs qu’est-ce qu’elle fabrique ici à attendre un train un jour de perturbation. Si elle veut gagner Paris pourquoi n’a-t-elle pas pris l’autoroute avec sa bagnole ?
L’idée de prendre ce train est bonne puisque peu de gens y montent. Pour le billet, je m’expliquerais avec le contrôleur… S’il passe…
Je monte, Viviane me suit :
– Allez donc par là, il y a plein de places ! Lui dis-je peu aimablement.
Elle y va ! Me voilà débarrassée de cette emmerdeuse. Le train part, je suis énervée, en colère contre cet abruti de « Luc » qui n’a pas respecté sa parole et m’a attiré dans une embrouille, en colère après moi, parce que j’avais bien senti que cette affaire n’était pas nette et que malgré cela, je sois tout de même venue, en colère contre Viviane qui n’a pas aimé mes fleurs, qui m’a empêché de sortir et qui m’a cassé les pieds dans le hall de la gare ! Au moins, je m’en suis débarrassée à présent !
Et bien, non, la revoilà ! Elle s’assoit carrément en face de moi ! J’éclate !
– Bon, vous allez me foutre la paix, maintenant ! Il y a des tas de places ailleurs !
Et elle, pas du tout impressionnée par mes protestations ni par la hauteur de ma voix qui a pourtant fait sursauter les autres voyageurs, me répond le plus calmement du monde :
– Je croyais que vous seriez capable de comprendre que dans ces circonstances, j’ai tout simplement envie de parler à quelqu’un !
– Et vous ne m’auriez pas rencontré, vous auriez parlé à qui ?
– A ma sœur à Paris, c’est chez elle que je vais !
– Et bien voilà, il ne vous reste plus qu’à attendre un petit peu, moi je n’ai rien à vous dire !
– Je ne vous pensais pas si cruelle, vous pourriez pourtant m’apprendre beaucoup de choses !
Voilà que je suis cruelle à présent !
– Je ne pense pas, non !
– Qui êtes-vous exactement ? Que voulez-vous faire avec mon mari ? Et pourquoi faire tout ce voyage pour vous sauver aussitôt ?
Elle m’agace, je n’arriverais pas à m’en débarrasser si facilement, à moins de faire un esclandre… Et encore…
– En posant une question à la fois, ce serait peut-être plus pratique, non ?
– C’était quoi le programme du week-end ?
– Le vrai programme, je n’en sais rien, Luc m’a simplement dit…
– C’est qui Luc ?
Ben oui c’est pas son vrai prénom, et son vrai prénom je ne le connais que depuis fort peu de temps.
– Votre mari !
– Il vous a dit qu’il s’appelait Luc ?
– Ben, oui…
– Mais vous veniez pourquoi ?
– Il m’a juste dit qu’il souhaitait que je vous domine devant lui, que je le domine devant vous et que je fasse l’amour avec vous !
– Il voulait partouzer ?
– Sans doute aussi !
– Et le reste du programme ?
– Il ne m’en a pas parlé ! Mais par contre il vous a peut-être mis au courant ?
– Il m’a simplement dit, plutôt lourdement, qu’il hébergeait une nouvelle secrétaire pour le week-end, qu’elle était très délurée et qu’elle aimait aussi bien les hommes que les femmes. Et qui si l’occasion se présentait, on ferait peut-être des trucs tous les trois. Vous savez j’ai l’habitude, il m’a fait coucher avec des tas de gens… mais là où je n’ai pas compris c’est que d’habitude c’était intéressé, il me demandait de baiser avec ses clients, une fois j’ai dû me farcir cinq japonais, il fallait voir comme ils étaient polis, obséquieux, courtois, de vrais modèles de savoir vivre… par contre au plumard ils ont été odieux… Mais bon ça ne vous embête pas que je vous raconte ma vie…
Elle a à ce moment là quelque chose de pathétique dans le regard, je n’ose pas dire non, mais quelle casse-pieds, je m’en souviendrais de cette escapade lyonnaise !
à suivre
Chanette (Christine D’Esde) 3/2005 – reproduction interdite sans autorisation de l’auteur
Encore un petit bijou concocté par notre dominatrice préférée
Excellent récit passionnant et excitant
Du Chanette pur jus, toujours au top
Chanette a vraiment un don de raconteuse d’histoires, c »est bien écrit, passionnant et émaillé de réflexion intelligentes. Tous les fantasmes que nous aimons bien nous sont servis comme s’ils coulaient de source