Professeur Martinov 13 – Professeur Martinov et le gaz de soumission 1 – Des cahiers très convoités par Maud-Anne Amaro


1 – Des cahiers très convoités

Mario Grandbillard était plutôt grand, d’allure sportive, la soixantaine, les cheveux blancs coiffés en brosse, une fine moustache, costume gris clair, chemise blanche, cravate discrète. Tout à fait le genre de bonhomme à ne quitter son costard que pour faire un tennis ou pour aller se coucher.

Prologue : Vendredi 30 septembre

A 20 heures 15, Mario Grandbillard pénétra au Compostelle. Sa hanche, pourrie d’arthrose lui fait aujourd’hui atrocement mal, il y a des jours comme ça ! Sans doute à cause du temps. Il faudra qu’il se décide à se faire opérer.

Comme tous les vendredis soir il a rendez-vous avec les membres de son « cercle » dans ce petit restaurant près de la place Saint-Sulpice. Il salue la patronne, une impressionnante bonne femme coiffée en choucroute et se dirige vers la table du fond. Leur table !

« Tiens, Laurillac n’est pas arrivé ! S’étonne-t-il. »

Il salue deux des trois hommes : Damien de la Tournelle, le plus jeune avec ses lunettes de myope, son teint trop pâle, son front bas, sa suffisance et sa morgue, et le père Tilleul toujours en soutane, le cheveu blanc et rare, droit comme un manche à balai, et maigre comme un sandwich de chômeur. Il embrasse (on devrait écrire, il se force à embrasser) Geneviève, la seule femme du groupe, parée de sa collection portative de bijoux et affublée de repoussantes grappes de verrues au visage. Il s’abstient de saluer Jacques-Marie Enguebert, gros patapouf dégarni, rempli de tics et sentant perpétuellement la sueur, les deux hommes ne s’adressant plus la parole depuis bien longtemps. Il s’assoit, l’ambiance est glaciale, les attablés se regardent les uns les autres sans se risquer à prononcer un seul mot, alors il ose demander :

– Jean Laurillac n’est pas là ?
– Attends-toi à un choc ! Répond le père Tilleul avec des trémolos dans la voix. Jean est mort ce matin.
– Oh ! Non !
– Hélas, si !
– Paix à son âme ! Répond-il machinalement.
– Triste nouvelle ! Reprit le curé.
– Qu’est-ce qui lui est arrivé ?
– C’est sa gouvernante qui a découvert le corps, il y avait une enveloppe d’urgence sur sa table de chevet avec mon numéro, quand je suis arrivé, le docteur état déjà là, mais il était trop tard, il est mort pendant son sommeil. Le cœur a lâché. Nous n’avons pas réussi à te joindre…

Et pour cause… Grandbillard développait une allergie de principe au téléphone portable, son fixe ne possédait pas de répondeur, et il avait été absent de son domicile quasiment toute la journée ainsi que son épouse.

Ceci dit Grandbillard avait déjà l’esprit ailleurs…

– Je ne crois pas que je vais rester ! Dit-il.
– C’est dommage ! Lança Geneviève.
– Si vous avez envie de vous empiffrez, ne vous gênez surtout pas…
– Voyons, Mario ! S’offusqua le père Tilleul. Je mets ces propos sur le compte de ton émotion. Nous nous reverrons la semaine prochaine.

Il s’apprêtait à faire une répartie cinglante, afin de leur dire que sans Laurillac ces bâfreries hebdomadaires n’avaient plus de sens. Mais il se ravisa, il n’avait pas à se justifier devant cette bande d’aigris ! Il ne leur devait rien.

Grandbillard tourna les talons et rentra chez lui.

– Tu rentres déjà ? S’étonna son épouse.

Annette Grandbillard, qui avait quinze ans de moins que son époux, avait été une très belle femme. « Trop belle, même ! » se disait le mari, qui se savait cocu mais le lui rendait bien. Elle s’était un peu empâtée mais restait toujours désirable.

– Je t’expliquerai, je prends un truc et je ressors.

Il descendit dans sa cave, y dénicha un pied-de-biche qu’il enveloppa dans un grand plastique et prit à pied la direction de la rue de Babylone, là où était l’appartement de Jean Laurillac.

À 21 heures 45, Grandbillard composa le digicode de l’immeuble, puis il appela l’ascenseur qui le conduisit au cinquième étage. Le risque était les voisins d’en face, mais Grandbillard savait aussi que dans ces vieilles maisons bourgeoises personne n’entend ce qui se passe sur les paliers.

Avant d’opérer, il poussa la porte de l’appartement, par pur réflexe. Surprise ! Elle s’ouvrit aussitôt, et il y avait de la lumière ! Peu rassuré, il pénétra dans l’entrée à pas feutrés. Se dissimulant au mieux, il s’approcha de l’encoignure de la porte du salon où un spectacle insolite l’intrigua :

Linda, l’accorte gouvernante de feu Jean Laurillac, était occupée à déposer un tas d’objets ayant appartenu au défunt, dans de grands sacs poubelles en plastique.

– Hum, hum ! (ça c’est Grandbillard qui se gratte la gorge)
– Oh ! (ça c’est Linda qui pousse une exclamation de surprise)
– Ne vous gênez surtout pas, continuez à piller les affaires de Monsieur Laurillac !
– Je ne pille rien du tout et d’abord vous êtes qui ? Rétorqua la jolie soubrette.

Jolie ? Oui, jolie brune aux yeux bleus et au sourire mutin ! La trentaine. Un physique qui ne laissa pas Grandbillard indifférent !

– Ah, non ? Et ce que vous entassez dans tous ces sacs, c’est pourquoi faire ? C’est pour donner à manger aux oiseaux ?
– Mais, je vous en pose des questions, moi ? Et d’abord de quoi je me mêle ? Et puis vous êtes qui, vous ? Et qu’est-ce que vous foutez ici ? Et vous êtes rentré comment d’abord ?
– Et bien pour quelqu’un qui ne pose pas de questions vous êtes forte, vous !

Grandbillard pensa alors qu’il était tout de même assez mal placé pour jouer les redresseurs de tort. De plus cette fille pouvait devenir un témoin gênant. Sans doute valait-il mieux essayer de composer avec elle ?

– J’étais l’ami de Monsieur Laurillac, et je m’étonne que vous ne vous souveniez pas de moi. Je lui avais prêté un livre de grande valeur, j’aimerais le récupérer. Mentit Grandbillard avec aplomb.
– Et bien allez-y !

Grandbillard se dirigea vers la bibliothèque, il passa pour ce faire devant l’un des grands sacs en plastique dont la gueule béait. Un D.V.D. à la couverture fort explicite attira son regard, il s’en empara :

– J’ignorais que Laurillac possédait ce genre de choses !
– Et bien, vous aurez appris quelque chose. Le sac en est rempli !

Grandbillard vérifia : c’était vrai : revues et vidéos pornographiques s’y accumulaient à qui-mieux-mieux.

– Ben oui ! Monsieur Laurillac était un vieux coquin !
– On en apprend tous les jours !
– Ça vous choque ?
– Même pas, nous vivons dans la décadence, personne n’y échappe vraiment.
– Monsieur Laurillac m’avait demandé de faire disparaître tout ça, s’il lui arrivait quelque chose.
– Je vois !

Grandbillard s’approcha d’un deuxième sac d’où dépassait un petit bronze genre XVIIIème siècle représentant une Diane chasseresse.

– C’est pas porno, ça ? Et je suppose que ce n’est pas pour la poubelle ?
– Et qu’est-ce que ça peut bien vous faire ?
– Je disais ça comme ça !
– Monsieur Laurillac m’avait dit qu’en cas de décès, je pourrais me servir.
– Ben, voyons, mais dites-moi, vous ne devriez pas avoir fini votre journée à cette heure-ci ?
– Hé, ho ! Vous êtes de la police ou quoi ? Je n’ai pas arrêté de la journée, l’état civil, les pompes funèbres… J’ai fait tout le ménage dans son laboratoire, il ne voulait jamais que je le fasse, vous auriez vu le bordel ! Et puis il y eu le défilé, tous ses amis, enfin ses soi-disant amis… Je me suis juste arrêtée un quart d’heure pour descendre acheter un sandwich, il n’y avait plus de pain frais ici.
– Je vais peut-être embarquer un ou deux D.V.D.
– Servez-vous !

Il plongea dans le sac, Laurillac semblait surtout intéressé par les femmes à l’hypertrophie mammaire. Ce n’était pas son truc, Il y avait aussi des revues de lingeries et des catalogues de marques de bas, ce qui ne l’intéressait pas davantage. Une autre vidéo montrait sur sa jaquette de couverture une blonde à la poitrine considérable sodomisant un homme à l’aide d’un gode ceinture. Amusé, il s’imagina Laurillac ainsi dominé ! Et puis, il découvrit une pochette genre trousse de maquillage, il l’ouvrit et y découvrit un joli gode fort réaliste.

– C’est quoi ? Fit-il mine de demander.
– Vous voulez que je vous fasse un dessin ou vous préférez une démonstration ?
– Vous m’avez l’air bien délurée !
– Délurée ! Vous en avez de ces mots, vous ! Mais bon, vous devez avoir raison, Monsieur Laurillac m’avait aussi embauchée pour ça !
– Pour ça ? Balbutia Grandbillard. Vous étiez sa maîtresse ?
– Qu’est-ce que ça peut bien vous foutre ? Sa maîtresse ! Non, mais, vous m’avez regardée ?
– J’ai dit une bêtise ?
– Sa maîtresse ! Non mais, je vous jure ! Vous me faites rire, tiens !
– J’avais cru entendre que Monsieur Laurillac vous avait embauchée pour votre côté… délurée.
– Mais vous êtes décidément curieux comme un pot de chambre ! Il faut vraiment tout vous expliquer : j’étais non seulement la gouvernante de Monsieur Laurillac, mais aussi son assistante sexuelle.
– Son assistante sexuelle ?
– Oui c’est le mot qu’il employait, quand ça le démangeait, je l’accompagnais dans ses délires sexuels.
– Quel dévouement !
– Ce n’était pas du dévouement, c’était du business. A chaque fois j’avais droit à une petite prime, et je ne suis pas prête de retrouver une place comme celle-ci, conclut-elle avec une pointe d’amertume dans la voix.
– C’était quoi ses délires sexuels ?
– Si on vous le demande…
– Je demandais ça comme ça.
– Et les vôtres ? Rétorqua la soubrette
– Oh, les miens !
– Vous n’allez pas me dire que vous n’en avez pas ! Ne mentez pas, vous me regardez d’une drôle de façon depuis cinq minutes, auriez-vous envie d’une petite fantaisie ?
– J’avoue que je vous flanquerais volontiers une fessée, pour vous faire passer votre impertinence… Je plaisante bien sûr !
– Chiche !
– Vous me laisseriez faire ?
– Du moment que vous ne me brutalisez pas.
– Dans ce cas pourquoi pas ?
– C’est 100 euros !
– Pardon ?
– C’est 100 euros, et pour le prix vous aurez même droit à une pipe. J’accepte les chèques mais pas la carte bleue.
– Ça porte un nom ce que vous faites !
– Oui, je sais et j’assume totalement ! Alors ces 100 euros, ça vient ?
– En principe, je ne paye pas pour faire l’amour !
– Moi, non plus, mais là il ne s’agit que d’une fessée avec un pipe en cadeau ! Vous me les donnez, ces 100 euros ?
– Vous avez réponse à tout !
– Non, pas à tout ! Rétorqua-t-elle en enlevant son pantalon. Je garde la culotte ou pas ?
– Enlevez-là ! Répondit-il en extirpant de son portefeuille la somme demandée.

Mario à la vue de ce joli pubis dont les poils abondaient quelque peu devenait de plus en plus excité.

– On fait ça comment ? Vous, assis et je me couche sur vos cuisses. Proposa-t-elle
– D’accord, vous n’enlevez pas le haut ?
– Je l’enlèverai pour le final. Ne tapez pas trop fort !

Et c’est ainsi que Mario Grandbillard se retrouva avec la belle soubrette couchée sur ses cuisses, le cul à l’air.

– Vous avez de très jolies fesses ! Remarqua l’homme en leur imprimant une caresse. Vous avez la peau douce !
– Mais, c’est pour mieux vous exciter, mon cher monsieur !

La main droite ouverte s’éleva et retomba aussi sec, claquant joliment sur sa fesse gauche. Linda étouffa un cri. Deuxième coup, cette fois ci sur la fesse droite afin qu’elle ne fût point jalouse.

– Houpfff !

Et la fessée continua sur un rythme bien cadencé (normal pour un ancien militaire). Le cul de la belle d’abord devenu rose, puis rougeâtre tournait désormais au cramoisi.

– Houpff ! Whooh !
– Ça va ? Je ne vous fais pas trop mal ?
– Non, mais c’est gentil de vous renseigner, je me demandais si vous alliez le faire ?
– Incorrigible bavarde !
– Houpff ! Whooh ! En fait, ça me plaît bien ! Continue ! Houpff ! Whooh !
– Mais vous faites quoi, ma cuisse est trempée ? C’est… C’est de la pisse ! S’affola soudain Mario Grandbillard.
– C’est pas de la pisse, c’est de la mouille ! Moi aussi, j’ai bien le droit d’être excitée, non ? Répondit-elle en se dégageant, puis en caressant la braguette de l’homme, gonflée et durcie par l’érection.
– Mais mon pantalon ?
– On verra ça après, trois minutes de séchoir à cheveux, et on n’en parlera plus ! Bon retirez le donc ce pantalon, pour la pipe c’est plus pratique.

Grandbillard s’exécuta, et se retrouva la queue à l’air. Linda craignait quelque peu que le sexe qu’elle avait promis de sucer ne soit pas bien net, auquel cas il lui aurait fallu fournir un prétexte pour s’y dérober.

– Humm ! Que voilà une bien belle chose ! Félicitations ! S’exclama-t-elle en découvrant cette jolie bite, bien raide et au gland appétissant.

Linda fut rassurée, le monsieur était bien propre sur lui. Elle le masturba quelques instants.

– Vous m’aviez promis d’enlever le haut !
– Mais je tiens toujours mes promesses, cher monsieur ! Répondit Linda en enlevant ce qui était demandé.
– Humm ! Jolie poitrine !
– Je ne m’en plains pas !

Mario esquissa une caresse sur le sein droit de la belle.

– Vous ne m’avez pas demandé la permission !
– Désolé ! Je peux ?
– Ben non, ça ne fait pas parti du programme du jour, rasseyez-vous, ce sera plus pratique !

Linda masturba de nouveau la bite de Mario, et dès qu’elle fut bien raide emboucha le gland en le serrant de ses lèvres tout en faisant tourbillonner sa langue sur le méat. Le bonhomme qui ne s’attendait pas à une attaque aussi soudaine se pâme de plaisir et une goutte de liqueur pré-séminale ne tarde pas à darder de son membre.

Si elle voulait, Linda pourrait conclure l’affaire en moins de deux minutes. Mais elle n’a aucune intention de bâcler sa fellation, la création d’une certaine intimité avec Mario ne peut que lui profiter. Elle abandonne donc ses titillements diaboliques pour prodiguer à l’homme de grandes léchouilles le long de la verge, puis descend jusqu’aux testicules qu’elle s’amuse à engloutir.

– Qu’est-ce qui vous fait rire ? Demande soudain Mario.
– J’ai un poil de couille dans la bouche ! Mais ne vous laissez pas distraire.

Elle continue son petit manège quelque temps puis entreprend de faire coulisser la verge entre ses lèvres de façon classique, en débutant très lentement pour ensuite accélérer. Mario se crispe, le sexe soubresaute légèrement : la jouissance est toute proche, Linda stoppe sa fellation et termine avec la main droite tandis que la gauche posée en corolle sur le gland recueille le sperme qui s’échappe.

– Alors, ça va ?
– Vous êtes douée !
– N’est-ce pas ! Mais je suis dans un drôle d’état, vous savez ?
– Ah ?
– Ben oui, je ne peux pas rester comme ça. Vous voulez bien me lécher ?
– Vous lécher ? Ah ? Vous voulez que je vous lèche alors ?
– Ben oui, si j’ai une langue à ma disposition, autant que j’en profite.

Le broute-minou n’était vraiment pas la spécialité de Mario, mais il ne se voyait pas refuser. Aussi il s’immisça entre les cuisses de la soubrette qui s’était allongée sur le canapé. Linda mouillait comme une éponge, l’homme alla directement au but, ciblant de la langue le clitoris érigé, pendant que la belle gémissait à qui-mieux-mieux.

Elle eut la jouissance hurlante, à ce point que Grandbillard eut l’idée incongrue de se demander si l’appartement était correctement insonorisé.

Mario s’en alla se rincer la zigounette dans la salle de bain, tandis que Linda se rhabillait avant d’entreprendre de sécher le pantalon de Mario à l’aide d’un sèche-cheveux.

– Il va rester une tache ! Se désola l’homme.
– Personne ne la verra, vous vous changerez en rentrant chez vous… Sinon, vous l’avez toujours pas trouvé votre livre rare ? L’interpella-t-elle.
– Ah oui ! C’est vrai !
– Je ne pensais pas que je vous ferais perdre la tête à ce point ! Se moqua-t-elle.

Il s’approcha de la bibliothèque qui était beaucoup moins intéressante que ce qu’il imaginait. Des bouquins de chimie, d’occultisme et d’histoire y tenaient bonnes places ainsi que quelques livres anciens. Mais Grandbillard ne trouva pas celui qu’il cherchait : « La chimie du Diable ».

« Quelqu’un s’est servi, à moins qu’il soit ailleurs ! » constata-t-il avec agacement, « Bah, j’irais le consulter à la Bibliothèque Nationale ».

Il fit semblant de chercher un volume, fixa son choix sur une édition originale d’un Jules Verne qui devait valoir son pesant de roros, et l’enfouit dans sa sacoche.

– Mauvaise pioche ! Se moqua Linda.
– Pardon ?
– Ce bouquin n’était pas à vous, Monsieur Laurillac l’a acheté il y a deux ou trois mois, et il n’a pas arrêté de m’en parler pendant près d’une semaine, mais je comprends qu’il puisse vous intéresser.

Grandbillard se mit à rougir comme un gamin. Il ressortit le bouquin de sa sacoche et le replaça dans le rayon. Il le regretta aussitôt, Linda qui semblait connaître son prix se chargerait de le négocier pour son propre compte.

– Non, à vrai dire, c’est autre chose qui m’intéresse ! Lâcha-t-il avant de se diriger vers le laboratoire.

Il savait que Laurillac n’était pas équipé d’ordinateur et qu’il prenait des quantités de notes sur des tas de cahiers. Il ouvrit les tiroirs d’un petit bureau sans rien trouver d’intéressant. Son regard fut ensuite attiré par ce qui avait dû être un vieux buffet de cuisine, manifestement il avait bénéficié du ménage de Linda et il ne subsistait à l’intérieur qu’une série de cahiers d’écolier. Ça tombait très bien, c’était principalement pour ça qu’il était venu !

Chaque cahier portait une étiquette indiquant l’année et un numéro d’ordre. Ça commençait en 1981 et ça se terminait en 2005. Mais où était donc la suite ?

Il fouilla dans les coins et les recoins : en vain, et en profita pour rechercher (en vain) le « grand mélangeur », une invention de Laurillac. Il revint dans le salon.

– Il manque toute la collection de ses cahiers de 2006 jusqu’à aujourd’hui !
– Ben, c’est qu’ils sont ailleurs !
– Et vous ne savez pas où ?
– Ben non !
– Vous avez jeté des trucs ?
– J’ai jeté des trucs, mais rien qui ressemble à des cahiers.
– Ça ne pourrait pas être dans les sacs en plastique ?
– Non, mais si vous avez envie de vérifier, ne vous gênez surtout pas.

Coup de bluff ou pas ? Il n’avait aucune raison d’avoir confiance en cette femme. Il commença à vider de son contenu le premier sac.

– Vous remettrez tout en ordre, après, n’est-ce pas ?
– Mais oui, mais oui !

Il ne trouva rien.

– Il avait une cachette, Laurillac ?
– Pas que je sache.
– Une cave, un grenier, un garage ?
– Pas de grenier, ni voiture ni garage, mais une bonne cave.
– On peut y aller ?
– Si ça vous amuse.

La cave bien agencée contenait une jolie collection de bons crus millésimés, et plusieurs sacs de pommes de terre. Rien n’était susceptible de constituer une cachette. Ils remontèrent.

– Il avait une résidence secondaire, Laurillac ?
– Non !
– Un coffre à la banque ?
– J’en sais rien.
– Il sentait sa fin proche ?
– Oui !

Il refit un tour complet, pièce par pièce, les tiroirs, les placards, les armoires, les boites, les valises… Mais toujours aucune trace des cahiers manquants, ni du « grand mélangeur ».

– Il les tenait toujours à jour ses cahiers ?
– Oui, parfois le matin, je retrouvais celui en cours sur la table du salon ou ailleurs, alors j’allais le ranger avec les autres.
– Alors quelqu’un les a piqués ! Les amis de Laurillac quand ils sont venus se recueillir vous les avez vu aller dans le laboratoire ?
– Oui, ça m’a un peu choquée d’ailleurs, on aurait dit qu’ils avaient tous la bougeotte, ils se baladaient dans l’appartement apparemment sans raison, mais j’ai bien deviné qu’ils cherchaient quelque chose.
– Et vous les avez vus emporter quelque chose ?
– J’avoue que je n’ai pas fait attention.
– O.K. J’ai compris, on échange nos coordonnées ?
– Si vous voulez, au bout de dix pipes, vous en aurez une gratuite !

« L’un des quatre connards m’a précédé, mais lequel ? Il n’imaginait pas Geneviève capable de ce genre de choses quoiqu’elle puisse avoir un complice ? Enguebert, ce gros con ? Tilleul et son inévitable filleul ? »

Il ne se voyait tout de même pas aller cambrioler chez eux. Il faudrait donc qu’il se débrouille tout seul.

Le même jour, un peu avant minuit

L’abbé Tilleul possédait depuis trois ans les clés de l’appartement de Jean Laurillac. Ce dernier les lui avait confiées avant un séjour au Japon, et il n’avait pas hésité à en faire des copies, se disant « que ça pourrait servir un jour ». Au cours de la conversation au restaurant, personne n’avait évoqué les cahiers de Jean Laurillac, l’ambiance était restée lourde et le repas s’était terminé bien plus tôt que les fois précédentes.

– Je n’y crois pas une seconde ! Quel imbécile j’ai été de ne pas avoir fait le forcing ce matin pour embarquer les cahiers. Tout ça à cause de cette pute qu’il avait pris pour gouvernante ! Grommela l’abbé avant de s’engouffrer dans l’ascenseur en compagnie de Damien de la Tournelle.

Mais les clés refusèrent d’entrer dans la serrure !

– Bordel de pute ! Jura l’ecclésiastique, la serrure a été changée !
– On fait quoi ?
– On s’en va ! On ne va pas forcer la porte !
– Mais les cahiers ?
– Il va falloir qu’on voie avec cette Linda, je suppose qu’il lui reste des choses à faire dans l’appartement, on va la guetter demain !
– Et si elle ne vient pas ?
– On reviendra lundi !

Samedi 1er octobre

L’abbé Tilleul et Damien de la Tournelle font le pied de grue devant l’immeuble de Jean Laurillac (ou plus précisément sur le trottoir d’en face) depuis 8 heures. Ils commencent à fatiguer et à désespérer. Vers 13 heures Damien partit acheter des sandwichs. Cinq minutes plus tard, Linda composait le code digital et pénétrait les lieux.

– Allo Damien, rejoins-moi, elle vient d’arriver.
– Il y a une de ces queues chez le boulanger…
– On s’en fout, rejoins-moi !
– On n’est pas à 5 minutes !
– Rejoins-moi je te dis !
– J’achète les sandwichs et j’arrive !
– Mais, bon sang ! Elle ne va peut-être pas rester longtemps, viens et monte, moi je reste planqué en bas.

Linda ouvre la porte et découvre Damien.

– Je suis Damien de la Tournelle, j’étais un ami de Jean Laurillac, je n’ai été prévenu de son décès que tout à l’heure, j’aurais désiré me recueillir…!

– Le corps a été transporté à la morgue.
– Puis-je entrer juste cinq minutes.
– Je n’en vois pas bien l’utilité, mais…

Linda l’aurais sans doute laissé entrer cinq minutes, mais Damien est un impulsif.

– Bon, ce n’est pas les boniches qui font la loi dans ce pays ! Vous ne m’empêcherez pas de rentrer !

Et il la bouscule, entre en force et se dirige tout droit vers le laboratoire de Laurillac

Linda cherche son sac à main, en extrait une bombe lacrymogène et va pour rejoindre son agresseur, lequel ressort du laboratoire en vociférant :

– Il manque la moitié des cahiers, ils sont où ?
– C’est quelqu’un s’est servi, connard, et maintenant dehors !
– Juste une question !
– Dehors ou j’te brûle les yeux !
– Savez-vous qui les a embarqués ?
– Tu régleras tes problèmes toi-même avec tes acolytes ! Je compte jusqu’à cinq : un, deux…

Damien n’insista pas. En bas de l’immeuble il retrouva Tilleul avec ses deux sandwich dans la main.

– Alors ?
– Alors quelqu’un nous a doublé ! Donne-moi les sandwichs.
– Il y en au gruyère et un autre aux rillettes, tu veux lequel ?
– J’ai pas faim !

Les jours suivants

Mario Grandbillard occupa sa semaine, après avoir photocopié les pages de « La chimie du diable » qui l’intéressait à la Bibliothèque Nationale, à réunir les éléments nécessaires à la production du « gaz de soumission ». La chose n’était pas si difficile, en tout cas bien plus aisée qu’elle ne devait l’être à l’époque de la publication du bouquin.

Le problème était de trouver l’équivalent du « grand mélangeur ». Piètre bricoleur, il se savait incapable d’en réaliser une copie. Il consulta les pages jaunes, tomba sur les coordonnées d’un certain professeur Martinov qu’il contacta et avec lequel il prit rendez-vous. Il découvrit du coup qu’il travaillait avec une assistante chimiste ! Super, elle l’aiderait à améliorer le produit, dont l’inconvénient majeur était son instabilité, ce qui en réduisait considérablement le potentiel. Il ferait ainsi d’une pierre deux coups.

Il eut ensuite l’idée de confondre celui qui avait eu la mauvaise idée d’avoir la même que lui en piquant les cahiers de notes de Laurillac.

Vendredi suivant (le 7 octobre)

Vendredi c’est le jour de la réunion du cercle. Tilleul est particulièrement remonté, il a préparé une tirade vengeresse dans laquelle, il rappellerait aux autres que les cahiers de Laurillac devaient constituer un héritage collectif du groupe, et que celui qui s’est autorisé à se les approprier vient de commettre une faute grave etc… etc… Celui-ci serait bien évidemment pardonné s’il les restituait etc… etc…

A 19 h 30, Mario Grandbillard et Geneviève Baur n’étaient toujours pas arrivés. Tilleul énervé sait qu’il ne peut joindre Mario Grandbillard. En revanche Geneviève…

– Ça ne répond pas ! J’espère qu’il ne lui est rien arrivé.

Il tente de nouveau de la joindre dix minutes plus tard, puis plusieurs fois de suite, toujours sans résultat.

La sonnerie du portable de Geneviève Baur retentit une nouvelle fois.

– Putain ! Mais qui c’est ce con qui n’est pas capable de comprendre que je n’ai pas envie de répondre ! Je ne vais jamais arriver à prendre mon pied dans ces conditions. Allez, continuez à me bourrer les mecs !

C’est qu’elle est, vous venez de le comprendre, dans une drôle de situation, la Geneviève, elle chevauche un gigolo empalée sur sa bite tandis qu’un second larron la sodomise hardiment. Pas vraiment une position propice aux échanges téléphoniques. Les trois protagonistes parviennent à coordonner de nouveau leurs mouvements. Geneviève sent son plaisir monter… et ça sonne de nouveau !

– Bon c’est peut-être grave ! Je vais quand même aller voir, je reviens.

Elle rejoint le salon, le téléphone est sur la table.

« Tilleul ! Mais qu’est-ce qu’il me veut Tilleul ? Ah ! Oui ! Sa réunion du vendredi ! Mais j’en ai plus rien à foutre de ses réunions à la con maintenant ! »

Elle décroche malgré tout, se disant qu’il se passe peut-être autre chose…

– Allo !
– Ah ! Geneviève, Dieu soit loué, j’avais peur qu’il vous soit arrivé quelque chose !
– Je vais bien merci ! Répliqua-t-elle très sèchement.
– Nous vous attendions pour la réunion…
– J’ai d’autres préoccupations en ce moment…
– Rien de grave !
– Sauf que j’ai été cambriolée cette nuit… alors votre réunion…
– Excusez-moi !
– Non, je vous laisse, je suis débordée.
– Excusez-moi !

Elle revint dans la chambre, se demanda pourquoi elle avait inventé un mensonge aussi farfelu. Elle se regarda un moment dans le miroir de l’armoire, elle s’était revêtue d’une guêpière noire, de bas résilles et d’escarpins vertigineux. Elle avait tout d’une caricature de vieille cocotte, mais ne se trouvait pas si mal que ça !

– Bon ! Alors les hommes, on débande ?
– Ça va repartir dit le premier.
– Excusez-moi ! Intervint le second, j’ai entendu malgré moi, vous avez été cambriolée cette nuit.
– Mais pas du tout ! J’ai dit ça pour… Et puis dis donc, ça ne te regarde pas… donne-moi donc ta bite.

L’étalon ferma les yeux s’imaginant une toute autre partenaire pendant que Geneviève le suçait. Avec l’âge et l’expérience la vieille bourgeoise était devenue une experte en pipe. Elle aimait les bites et elle aimait les sucer, longuement patiemment, goulûment, mais ce plaisir pervers était pour elle surtout psychologique, alors que la baise et la sodomie…

– Bon ça y est on peut repartir. On va changer je me mets sur toi et toi tu viens derrière !

La pyramide se mit en place, mais Geneviève beaucoup plus perturbée qu’elle ne voulait se le dire par toutes ses interruptions téléphoniques finit par déclarer forfait et libérer ses deux prestataires de services sexuels.

– On fait une pause ! Déclara-t-elle.

L’un des deux gigolos prit alors le chemin de la salle de bain :

– Tu vas où, toi ?
– Ben je vais pisser !
– Non ! Attends !

Geneviève, débarrassée de sa guêpière rejoignit le bellâtre et s’assit sur le vieux bidet.

– Pisse-moi dessus !
– Non je ne veux pas faire ça ! Protesta le premier gigolo qui répondait au nom de Steve
– Je te signale que je te paie !
– Oui, mais ça je ne fais pas !
– Tu as tort, c’est rigolo ! Intervint alors le second gigolo qui lui se faisait appeler Enrique
– Vas-y !

Quelques secondes de concentration et le jet de son pipi fut dirigé vers le corps de Geneviève, qui s’en badigeonnait les seins, le ventre, les cuisses. Puis, elle ouvrit la bouche afin de recueillir les dernière gouttes et de les avaler en se pourléchant les babines.

– Bon les gars, j’aimerais bien un petit spectacle, ça va peut-être me décoincer. Est-ce vous êtes bi ?
– Bi ? Bisexuel ? demanda Steve !
– Ben, oui, bisexuel, pas bissextile !
– Ça m’arrive, mais dans ce cas je suis uniquement passif !
– Et toi Enrique !
– Non pas du tout, mais ça ne me pose pas de problème d’enculer un homme, je l’ai déjà fait !
– Alors dans ce cas, vous savez ce qu’il vous reste à faire ! Steve commence par lui sucer la bite !

Le Steve ne se le fit pas dire deux fois ! Pour lui, si faire l’amour avec Geneviève avait été une corvée, (certes rémunérée mais néanmoins une corvée) sucer une bite n’en était pas une, d’autant que la grosse queue d’Enrique était tout à fait à son goût. Un joli cylindre plutôt mat parcouru d’une veine insolente et terminé d’un gland mauve foncé. Les circonvolutions savantes de la langue et des lèvres sur la bite de son complice eurent tôt fait de faire apparaître à la sortie du méat une goutte de pré-jouissance visqueuse et salée. Aussi ensacha-t-il la queue d’un condom, non pas pour continuer à la sucer, mais pour la recevoir dans son troufignon dans lequel elle s’enfonça avec une facilité déconcertante.

Le spectacle captivait Geneviève qui s’excitait de la main, mais cela ne lui suffisait pas.

– Steve tu vas m’enculer pendant qu’il t’encule ! On va faire le petit train.

Le petit train en question eut quelques problèmes pour se mettre en place, et l’essai en position couché fut un échec. Enrique s’assit alors sur le fauteuil, Steve s’assit sur Enrique et Geneviève s’assit sur Steve. Et miracle de la nature, en dirigeant ainsi elle-même sa propre sodomie, elle ne tarda pas à jouir comme une folle, bien avant ses petits camarades de jeu, qu’elle laissa carrément en plan.

Tilleul se posait des tas de questions mais n’eut pas trop le temps de les creuser. Grandbillard arrivant volontairement une demi-heure après l’heure habituelle du rendez-vous était devant lui. Il se leva pour le saluer, mais Mario refusa la main tendue.

– Je vous serrerai la main quand je connaîtrais le nom du salopard qui a piqué les cahiers de Laurillac. Déclara-t-il
– Ah ! Vous êtes au courant ? Rétorqua l’abbé.
– Vous savez qui c’est ?
– Fichtre non, je pensais les emprunter pour que nous en parlions ensemble, mais quand j’ai voulu les récupérer, ils avaient disparus.
– Ben voyons ! A ce que je sache vous avez été le premier à vous rendre au chevet de Laurillac et les cahiers avaient disparus ! Vous vous foutez de ma gueule !
– Changez de ton, Grandbillard, quand je suis venu la première fois, je me suis contenté de faire mon devoir de prêtre. C’est en revenant le lendemain que j’ai constaté que les cahiers avaient disparus.
– C’est forcément l’un d’entre vous. A moins que ce soit Geneviève, et d’ailleurs, elle est où, Geneviève ?
– Elle n’avait pas envie de venir, son appartement a été cambriolé l’autre nuit.
– D’accord, je me casse, vous me donnez envie de gerber !
– Connard ! Ne put s’empêcher de rétorquer Enguebert

Le sang de Grandbillard ne fit qu’un tour, il écrasa son poing sur le nez de l’insulteur qui se mit à pisser le sang. Puis il quitta les lieux prestement.

Pour Grandbillard, satisfait de son esclandre, il ne faisait aucun doute que le cambriolage chez Geneviève était lié à la disparition des cahiers de Laurillac. Mais quel imbroglio ! Pour Mario le suspect n°1 était Tilleul, dans ce cas seul Enguebert pouvait avoir cambriolé Geneviève, mais pour rien ! En revanche si Geneviève était la voleuse des cahiers, Tilleul pouvait alors avoir fait le coup ! Pas très simple tout ça !

Lundi 10 octobre

Lundi matin, boulevard Montparnasse à Paris. Il fait beau, mais le fond de l’air est frais.

Il était rare que le professeur Martinov et Béatrice se déplacent chez le client, mais celui-ci avait déclaré avoir du mal à se déplacer à cause de son arthrose.

– Ça m’étonnerait qu’on fasse affaire, avait indiqué Martinov à sa collaboratrice, mais j’aimerais bien voir ses travaux.

Ils furent accueillis par une femme légèrement potelée, une fausse blonde avec – comme on dit – de « beaux restes » qui les conduisit au salon du maître des lieux.

– Asseyez-vous, je vous offre un café ? Un thé ?
– Je veux bien un thé ! Répondit Béatrice.
– Pareil pour moi, ajouta Martinov. Nous avons lu attentivement votre documentation, vous ne donnez pas vos références mais vos connaissances en chimie sont véritablement remarquables. Nous avons quand même remarqué que vos démonstrations sont incomplètes…
– Je ne vais pas vous dévoiler tous mes secrets avant que nous ayons fait affaire, coupa Grandbillard.
– Certes, mais qu’attendez-vous de nous ?
– Comme je l’ai précisé dans mon rapport, mon produit que j’ai modestement surnommé le Grandbillardium, est instable, sa durée de vie n’excède pas 50 secondes, il est composé de trois composants A, B et C. Il faut mélanger A et B, chauffer à 80°, attendre quarante secondes puis ajouter C. Vous comprendrez qu’avec de telles contraintes je ne peux aller plus loin. J’ai donc besoin d’un bricolage, d’un appareil qui contiendrait les trois composants séparément et qui les mélangerait à la demande pour une utilisation immédiate. Euh, cet appareil devrait être portatif et d’un encombrement minimum. Sachant que…
– Oui, j’ai compris intervint Martinov, jusque-là, c’est dans mes cordes et je saurais faire, mais votre machinium…
– Grandbillardium, si vous permettez !
– Je ne souvenais plus du nom. Vous avez trouvé ça comment ?
– Par hasard ! Mentit-il.
– Mais ça sert à quoi ?
– C’est un neutralisateur de conscience.
– Oui, c’est ce que vous indiquez dans votre rapport, mais donnez-moi un exemple d’utilisation.

Grandbillard leva les yeux au ciel, écarta les mains dans un geste théâtral avant de répondre :

– Mais enfin professeur, ne me dites pas que vous ne comprenez pas ce que je veux en faire !
– Nous ne sommes pas là pour jouer aux devinettes. J’aimerais que vous me répondiez clairement.
– Admettons que vous m’ayez bricolé un système sous forme de pulvérisateur, je vois une belle fille dans la rue, au lieu de perdre mon temps avec l’invitation à boire un verre, puis le restaurant, puis un dernier verre, là une petite pulvérisation de Grandbillardium et hop dans mon lit. Plus de formalités, plus de refus.
– Ça s’appelle du viol ! Intervint Béatrice, je m’en voudrais de me rendre complice de ce genre de choses.
– Il ne lui sera fait aucun mal, et elle n’en gardera aucun souvenir. Rétorqua Grandbillard.
– Même si elle se réveille le lendemain au fond de la cale d’un bateau pour Tanger. Je suis désolée mais tout cela ne me parait pas vraiment honnête.

Elle se lève, invitant du geste Martinov à l’imiter.

L’homme s’énerve :

– Je ne vois pas ce qu’il y a de malhonnête là-dedans ! Mon exemple n’était qu’une boutade. Vous savez comment se prennent parfois les décisions en affaires lorsqu’il y a un appel d’offres ? On sort le client au restau ou au cabaret, on lui paie une fille. Avec mon produit on ne fait que gagner du temps.
– C’est une façon de voir les choses, répondit le professeur Martinov, ce n’est pas la notre
– Et puis imaginez ce qu’on peut faire avec ça sur le plan politique ou militaire. Celui qui utiliserait ce produit avec intelligence pourrait devenir le maître du monde !
– Et c’est votre ambition ?
– Et bien pourquoi pas ?
– Vous avez raison, il faut viser haut dans la vie ! Répondit le professeur sans que Grandbillard ne perçoive le second degré de cette réplique. Et, vous l’avez expérimenté, votre produit ?
– Absolument, les résultats sont spectaculaires, mais l’effet reste, hélas limité dans le temps. C’est aussi sur ce point que je compte, Mademoiselle, sur vos talents de chimiste, ajouta-t-il à l’attention de Béatrice.
– Et l’expérimentation s’est faite comment ?
– Vous saurez tout si vous acceptez de collaborer, professeur, mais vous ne m’avez toujours pas répondu sur ce point.

C’est à ce stade de la conversation qu’Annette Grandbillard fit son entrée en apportant sur un plateau une théière et des tasses qu’elle remplit avec cérémonie. En passant devant Martinov, elle exhiba discrètement la paume de sa main gauche sur laquelle étaient inscrits au feutre noir ces quelques mots :

« Faites semblant d’accepter, je vous expliquerai »

Martinov, surpris engrangea l’information puis l’air de rien reprit la conversation :

– Certes, mais il faut que nous nous concertions. Répondit Martinov en se levant. Vous aurez une réponse d’ici une demi-heure. Si c’est un refus je vous téléphone, si nous acceptons, nous revenons. Humm, excellent ce thé !
– Oui nous le faisons venir directement du Sri Lanka !

Dès qu’ils furent dans la rue, Béatrice manifesta son agacement :

– Je ne comprends pas tes atermoiements ! On pouvait refuser de suite, non ? Protesta Béatrice.

Martinov lui expliqua alors la « manœuvre » de Madame Grandbillard.

– On perd notre temps, cette affaire est louche et elle ne nous rapportera rien du tout.
– Si on refuse, il ira voir ailleurs, il finira par trouver un mec qui lui fera son bricolage…
– Pfff, ça ne marchera jamais son truc !
– Justement ! On pourrait prendre le contrat, le faire poireauter et à la fin, lui dire que ça ne fonctionne pas.
– Et s’il refuse de payer ?
– On va lui demander de payer d’avance. De toute façon, s’il y a quelque chose de dangereux là-dessous il n’ira pas attaquer le contrat.
– Mwais ! Fit-elle manifestement peu emballée.
– Et puis on verra ce qu’il a dans le ventre, ou bien c’est un doux dingue inoffensif, ou bien il est réellement dangereux, dans ce cas on avisera.
– Mwais !
– Mais si tu n’es pas d’accord, on laisse tomber.
– Non, si tu sens bien cette affaire, on va prendre, tu as toujours eu de bonnes intuitions. On verra bien !

Bien sûr, Grandbillard fut ravi et le paiement d’avance ne lui posait aucun problème :

– Je vais vois confier une copie du guide de fabrication de chaque produit, vous verrez, ce n’est pas si compliqué, et je pense que vous n’aurez aucun souci pour trouver les éléments de base…
– Oui, mais reprenons cette conversation sur l’expérimentation.
– J’ai d’abord essayé sur des animaux uniquement pour savoir si le produit était nocif, et puis je l’ai testé sur ma femme.
– Ah ! Et vous lui avez fait faire quoi à votre épouse ?
– C’est que je crains de choquer Mademoiselle.
– Pfoou, ne vous gênez surtout pas pour moi, je sors de l’école de chimie, pas du couvent des oiseaux. Je suis prête à parier que vous vous êtes livré à des fantaisies à caractère sexuel. Alors trêve de fausse pudeur, racontez-nous, on vous écoute.

Grandbillard parait soudain gêné, il appelle sa femme :

– Annette, est-ce que je peux expliquer à ces messieurs-dames ce que je t’ai fait faire quand tu as respiré le gaz ?
– A condition que tu restes évasif et que tu évites les détails scabreux.
– Alors disons que j’ai fait faire à ma femme une fantaisie qu’elle m’avait toujours refusée en trente-cinq ans de mariage. L’effet a duré 20 minutes pas plus.
– Je vois, et bien évidemment, Madame, vous ne vous souvenez de rien.
– De rien du tout, mais mon mari avait pris soin de filmer la scène…
– Mais vous comprendrez que je ne vous la montre pas ! Reprit Grandbillard.
– Bon on a un contrat type, on va le compléter et le signer…

Martinov et Béatrice rejoignirent la gare Saint-Lazare, en prenant la ligne 28 du Bus, d’où ils prirent le train pour cette petite ville de banlieue, siège de leur laboratoire.

– Bon on n’a plus qu’à attendre les explications de la mère Grandbillard ! Soupira le professeur.
– Elle va faire comment ? Elle a nos coordonnées ?
– Je n’en sais rien ! On verra bien !
– Je ne la sens vraiment pas cette affaire-là ! Ronchonna Béatrice.
– J’avais compris !
– Et puis il ne m’avait pas l’air trop handicapé, ce mec ! Remarqua Béatrice.
– Ouais, je me suis fait la remarque, pas bien grave, tu lui as facturé notre déplacement ?
– Ah, zut, j’ai dû oublier, je regarde.

Et c’est en ouvrant son sac qu’elle découvrit cette feuille pliée en quatre : une simple phrase y était inscrite : « téléphonez-moi d’urgence, Annette Grandbillard », suivait un numéro de portable.

– Attention les complications commencent ! Commenta-t-elle en montrant le papelard à Martinov qui s’empressa de composer le numéro sur son téléphone portable.

En fait la dame ne désirait pas s’expliquer au téléphone mais sollicitait un rendez-vous. Elle aurait souhaité que cela ait lieu dans un bistrot parisien, mais le professeur ne souhaitant pas perdre une nouvelle demi-journée lui proposa de la rencontrer au laboratoire en fin d’après midi

(à suivre bien sûr)

Ce contenu a été publié dans Histoires, Récits, avec comme mot(s)-clé(s) , , , , , , , , , , . Vous pouvez le mettre en favoris avec ce permalien.

6 réponses à Professeur Martinov 13 – Professeur Martinov et le gaz de soumission 1 – Des cahiers très convoités par Maud-Anne Amaro

  1. Elisabeth Ferrier dit :

    Une soubrette délurée, deux gigolos en plein tafs… et une énigme fort curisues ! Que du bon

  2. Rominet dit :

    Délicieusement pervers et bien écrit

  3. Nina dit :

    Payer deux gigolos pour qu’ils me pissent dessus et s’enculent devant moi, en voilà un fantasme que j’aime bien

  4. Werber dit :

    Palpitant et excitant, j’adore cette écriture

  5. Vilain dit :

    ça commence fort et bien

  6. Enzo Cagliari dit :

    On ne juge pas une histoire à suivre sur son premier épisode ! Mais on peut quand même estimer cet épisode. On ne sait pas où ça va nous mener, l’intrigue n’est pas complétement dévoilée, quant à Martinov et Béatrice, ils sont pour l’instant sages comme des images, mais on a droit à deux longues scènes hot assez originales avec des personnages (secondaires ?) qui ne m’ont pas laissé indifférents. Et puis il y a ce style chez Maud Anne qui rend la lecture jouissive même quand ça ne parle pas de cul. Si les autres épisodes restent à ce niveau, on va se régaler !

Répondre à Vilain Annuler la réponse

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *