Poème du pet
Un pet mal contrôlé peut ruiner une vie
Sauf dans les lieux d’aisance, il nous est interdit !
Imaginez un peu : vous pétez à la messe,
Il faut absolument s’accuser à confesse
D’avoir ainsi troublé cette cérémonie
Qui ne peut supporter que le blanc des surplis !
Vous pétez au bureau ? Alors il faut veiller
Avec grande attention à l’air renouvelé.
Pour ôter les poisons et toute pestilence,
Vaporisez bien vite un doux parfum d’ambiance !
Péter un peu au lit, ce n’est pas interdit,
Mais on ne peut le faire avec n’importe qui.
Il est de gros bougons dont le fier odorat
Décèle illico des parfums scélérats
Qu’un pet incontinent laisse flotter souvent,
Qu’on ne peut supprimer qu’en étant sous le vent !
Vous pensez qu’un long pet est une forfaiture ?
Si vous le modulez bien assis en voiture
En soulevant parfois la fesse, pour changer
Les bruits que fait le vent que vous vous extorquez,
Vous pouvez obtenir des mélodies subtiles
Qui aux yeux des chercheurs de sons sont bien utiles !
N’hésitez pas alors à les enregistrer
Pour peut-être un beau jour, trouver célébrité !
Il est des pets mondains qui se veulent discrets
Mais laissent derrière eux l’ambiance parfumée
De maintes porcheries qui, même bien tenues,
Recèlent des relents qui manquent de vertu.
De ces pets impromptus et qui vous assassinent,
Qu’on affuble chez nous, du doux nom de « bessine » ;
On ne peut alléguer qu’ils viennent du voisin
Et tourner les talons comme ça, mine de rien !
Un parfum très puissant nous suit et nous dénonce
Au courroux général, et bien des nez se froncent
Quand passant auprès d’eux, on laisse s’échapper
Quelques relents d’égouts aux vapeurs sulfurées…
Et ces pets triomphants qui ébranlent les trônes
De ces rois satisfaits qui, par ces bruits couronnent
Un repas trop copieux où ils ont abusé
De vaillants haricots qu’on nomme flageolets.
Oui, ces pets triomphants sortis de culs augustes
Ne sont pas plus glorieux que ceux que l’on déguste
Quand, assis sur le trône en un beau cabinet,
On se donne la joie de péter en secret.
Péter en compagnie demande de l’étude ;
Il ne faut pas non plus en faire une habitude
Et croire que l’on peut péter impunément
Devant de bons amis qui s’offusquent souvent !
Une femme qui pète est mal considérée
Et l’oreille, à l’entendre, est souvent sidérée
Comme si de ce cul qu’on adore et qu’on adule
Il ne devrait sortir que de divines bulles.
On peut gâcher ainsi d’intimes relations
Par un pet impromptu qui sort du cotillon ;
Et il faut bien du temps et de l’intimité
Pour se donner au lit le plaisir de péter !
Parlons un peu des sons et des modulations
Que le pet bien conduit offre à nos émotions.
L’esthétisme du pet n’est pas chanté :
Je m’y efforce ici, pour enfin l’honorer
Il est des pets fameux qui partent en trompette.
Ceux qui sortent soudain alors qu’on s’apprête
À monter à cheval, et, qu’écartant les cuisses,
On permet à ce pet de s’esbigner en Suisse !
Il est des pets flûtés qui sortent, s’éternisent
Et font à tous l’effet d’une petite brise,
Légère et court vêtue, agréable à l’ouïe
Et qui ne choque pas l’oreille de Louis.
Pas plus que les tympans de la chaste Louise,
Puisqu’on appelle ainsi ce pet qui s’éternise.
Il est un pet discret que l’on nomme une perle
Qui ne rappelle pas le chant aigu du merle,
Mais qui survient parfois à un petit effort
Qui ne s’attarde pas et part vite au dehors.
Ces pets-là sont parfaits pour celui qui s’ennuie
Et qui seul au logis entend tomber la pluie.
Il est des pets foireux qui nous couvrent de honte,
Que l’on ne peut nier et qui du doigt nous montrent
Quand, au pantalon blanc on voit une auréole
Ou que la jupe en fleurs a sali sa corolle.
Et le pet qu’on enflamme, y avez-vous songé ?
Ce pet des collégiens dont les yeux révulsés
Voient, de leur postérieur jaillir l’enfer de Dante,
Et rôtissent leurs poils d’une main imprudente.
Joseph Pujol, jadis au temps du Moulin Rouge
Où s’amusait Lautrec, autant que dans les bouges,
Savait avec ses pets faire venir à lui
Toute la société, des plus grands aux petits.
Il emmagasinait, tout comme une baudruche
De l’air qui, mélodieux, évoquait sans embûches
Les plus beaux instruments : la flûte, le tambour,
Contrebasse ou violon… En ses plus beaux atours,
Cet ancien boulanger, un enfant de Marseille,
Venait au cabaret expulser ses merveilles
Vêtu d’un habit rouge à la culotte noire
En satin, découpée à l’endroit de l’histoire
Et qui lui permettait d’éteindre des bougies
À trente centimètres, et de jour comme de nuit !
Qui a pu faire mieux que ce sublime artiste ?
À moins qu’à l’imiter, vous vous mettiez en piste…
Amis de la poésie, bonjour !