Eugénie Guillou, religieuse et putain
(une page proposée par Sonia Kubler)
Eugénie Guillou est née en 1861 sous le règne de Napoléon III.
Si son père n’avait pas fait d’aussi mauvais placements, Eugénie Guillou aurait certainement coulé de beaux jours dans son château de Louvières, toute sa vie durant. Pauvre et sans dot, la jeune fille de bonne famille et éduquée – ce qui n’est pas encore si courant à l’époque – doit pourtant abandonner ses rêves de mariage prospère. Elle devient sous-maîtresse dans une école à Vincennes, avant de se résoudre à prendre l’habit. Elle choisit donc d’entrer dans la congrégation des sœurs de Sion. Un ordre particulier puisqu’il a été créé par deux frères banquiers et juifs, issus d’une famille anoblie par Louis XVI. Elle a vingt ans quand elle franchit la porte du cloître, mais très rapidement ne s’y sent pas à sa place. Elle y retrouve tous les vices du monde extérieur, enrobés dans une hypocrisie qu’elle ne supporte pas. Elle restera tout de même douze ans, comme dans une sorte de défi lancé à elle-même. Ainsi, quand la mère supérieure lui refuse de prêter serment pour devenir religieuse, Eugénie Guillou prend sa plume pour se plaindre auprès du pape. Non pas parce qu’elle a enfin eu la révélation divine, mais simplement pour ne pas se soumettre à ses supérieures. Après un long procès, elle capitule pourtant, et accepte enfin de quitter le couvent.
Une question s’impose alors : pourquoi Eugénie Guillou n’était-elle pas appréciée dans la congrégation ? Dérangeait-elle ? Avait-on déjà décelé chez elle quelques déviances ? On en sait peu sur sa vie au couvent, mais selon Daniel Grojnowski, seul historien à s’être intéressé à ce destin, c’est dans ce lieu saint qu’elle aurait découvert les plaisirs du fouet. Ce châtiment corporel était alors plus que courant pour éduquer les jeunes filles. Mais plutôt que de retenir la leçon, Eugénie Guillou, elle, appréciait de se faire fesser.
De retour à Paris, l’héroïne de cette drôle d’histoire enchaîne les petits boulots, dont un de gouvernante chez un proxénète. On n’en saura pas plus sur cette période de sa vie, jusqu’à ce que la police s’intéresse à son cas, en tombant sur une petite annonce parue dans le Journal, quotidien de la Belle Époque : « Recevoir le fouet est chez moi une passion, un besoin. Si vous pouvez me trouver un monsieur aisé aimant fesser la femme, je vous dédommagerai généreusement. » Eugénie Guillou n’est pas une prostituée comme les autres, et attire, de ce fait, une clientèle particulière. Ses prix sont d’ailleurs bien plus élevés que ceux des belles-de-jour qui peuplent les maisons closes. Se déplaçant le plus souvent à domicile, Eugénie Guillou se grime toujours avec son ancien costume – celui de sœur – pour effectuer la bagatelle. Elle se dit pucelle – mais prête à se faire déflorer pour une somme rondelette – et préfère se faire fouetter – voire fouetter elle-même – pour donner du plaisir à ses riches partenaires. Eugénie Guillou est la reine des jeux de rôles. Ainsi, durant toute sa carrière, elle a emprunté des dizaines de pseudonymes, tour à tour Sœur Raphaëlle, Madame Delaunay, Madame du Lac, Madame de Florainvalle, etc. Selon Daniel Grojnowski, elle était d’ailleurs plus une actrice qu’une putain : « la mise en scène du scénario » lui apparaît comme « condition sine qua non de l’orgasme. »
Hors des sentiers battus, Eugénie Guillou dérange les forces de l’ordre, qui font régulièrement des descentes chez elle, lui confisquant martinets et autres objets sexuels. La police ne comprend surtout pas l’attraction que suscite cette fausse religieuse, décrite dans les dossiers comme « petite, brune, pas belle », bien loin des fantasmes habituels.
Se voyant vieillir, la bonne sœur de pacotille se lance, à son tour, dans le proxénétisme. Elle ouvre quelques « maisons de rendez-vous » où elle a sous ses ordres plusieurs jeunes filles. Pour plus de discrétion, elle acquiert également un « Beauty Salon », rue de Turbigo, où elle propose des services qui dépassent le simple massage et vont des « plaisirs lesbiens au voyeurisme ». Pour que rien ne vienne impacter sa petite entreprise, Eugénie fraye avec les policiers, qui ne sont plus très regardants sur ses petites affaires.
Elle s’est ensuite mariée avec un irlandais de 30 ans son cadet. En 1933 elle se suicide à l’âge de 71 ans
Pour en savoir plus :**Eugénie Guillou, religieuse et putain – textes, lettres et dossier de police, par Daniel Grojnowski, Pauvert, 2013
La photo en noir et blanc est un véritable portrait d’Eugénie Guillou
Les religieuses, je les préfère au chocolat !
Sympa la cornette !
Le fait que ce soit une histoire vraie rend la chose encore plus excitante
Intéressant, ce n’est n’est pas de seul cas de religieuse lubrique que l’histoire à retenue, je pense notamment à Marie-Madeleine de Pazzi la sainte patronne de Florence qui se faisait passer pour une sainte en se faisant couler de la cire de bougie sur le corps. alors qu’il ne s’agit que d’une pratique masochiste douce)