Live and let die 3 – De chrysalide à papillon par mlle_helened

Live and let die 3 – De chrysalide à papillon par mlle_helened


Franck se rendit le lendemain matin chez Mélody Dellion qui l’attendait pour dix heures. Elle habitait une grande maison ancienne, et visiblement en travaux, en banlieue ouest, sur les hauteurs de Saint Germain en Laye. Franck descendit au terminus du RER et marcha un long moment avant d’arriver. Il avait avec lui sa valise qu’il étrennait, valise ne contenant que le strict minimum, c’est-à-dire des affaires de toilette. La veille au soir, Franck avait reçu un court appel de Mélody qui lui donna quelques consignes pour arriver chez elle et quoi emmener. D’emblée, elle annonça la couleur : il allait passer la semaine en fille. Il était donc inutile qu’il s’encombre de vêtements qu’il ne mettrait pas.

Il fut surpris en voyant Mélody. Elle ne ressemblait pas du tout à l’image qu’il s’en était faite. Elle était plus jeune qu’Elizabeth, dix ans au moins, pas très grande, blonde aux yeux bleus et loin d’avoir la forte poitrine de son amie. Elle portait une salopette tachée de peinture.

– Bonjour Franck. Bienvenue chez moi.
– Bonjour Mélody.

Spontanément, elle lui fit la bise.
Elle l’invita à entrer et lui proposa un café.

– Je vais me changer. J’en ai pour un petit moment. Fais comme chez toi.
– Merci, dit Franck intimidé.

Mélody revint une heure plus tard, totalement métamorphosée. Chemisier blanc, jupe crayon, talons aiguille, les jambes gainées de nylon noir marqués d’une couture fine, très certainement des bas. Le maquillage était soigné et la faisait ressembler à une pin-up.

– Comment tu me trouves ?
– Très jolie, osa dire Franck
– Sexy ?
– Oui aussi, confirma Franck en rougissant.
– Eh bien dis-toi qu’à la fin de ton stage, car tu dois prendre cette semaine avec moi comme un stage, tu ressembleras à ça.
– Pas possible ! Je suis un homme.
– On prend le pari ? défia Mélody. Un restau.
– D’accord, répondit Franck après hésitation, quasiment sûr de gagner.

Car même si Elizabeth lui avait assuré qu’il pouvait être parfaitement crédible en femme, il n’y avait peu de chance qu’il puisse être aussi sexy que Mélody. Qui pour le coup, portait très bien son prénom.

– Suis-moi.

Franck emboita le pas de la jeune femme, les yeux rivés sur le ballet des jambes nylonnées. Elle le fit entrer dans une pièce improbable. Une grande pièce très lumineuse. Sur un mur, un grand miroir entouré de lampes, sur un autre, des portants débordants de vêtements féminins et posés au sol plusieurs boites de chaussures. Enfin, sur le dernier mur se trouvait un studio photo avec un fond noir et deux flash-parapluie. *

– Bienvenu dans mon studio de féminisation, déclara solennellement Mélody.
– C’est quoi ? demanda Franck.
– Assieds-toi. Un jour, en rentrant du boulot, j’ai trouvé mon copain de l’époque habillé en fille. Une fois ma colère calmée, on a parlé. Il m’a expliqué pourquoi il se travestissait, qu’est-ce qu’il ressentait. Puis, par curiosité, j’ai voulu en savoir plus sur le sujet et peut-être partager des choses avec lui. J’ai donc commencé à l’aider et le conseiller sur sa féminisation, la façon de se maquiller. Mais avec le temps, son côté féminin prenait le pas sur le masculin et un jour, il m’a annoncé qu’il commençait un protocole de transition pour changer de sexe. On a rompu mais on est resté très amies. Avec lui, j’ai côtoyé le milieu transgenre où se mêlaient travestis occasionnels, transgenre et transsexuelles opérées. Et là j’ai compris qu’il y avait une vraie demande de la part de travestis qui souhaitaient le temps d’une journée devenir femme. Du coup, j’ai monté ce studio et moyennant finances, je donne un peu de rêve à ceux qui le souhaitent.

Mélody se leva et attrapa quelques classeurs sur une étagère.

– Regarde ce que ça donne.

Elle fit tourner les pages d’un book contenant des photos avant/après et Franck devait reconnaître que le résultat était bluffant. Il s’inquiéta pour l’issu du pari.

– Pour aujourd’hui, continua Mélody, on va préparer ton corps : ce sera séquence épilation ! Intégrale. Et aussi épilation laser du visage. Mais pour ça, il faudra deux, peut-être trois séances. Autant te le dire, ça va être un peu douloureux. Mais l’avantage, c’est qu’après, tu n’auras plus besoin de te raser.
Franck baissa la tête.

– C’est obligé ?
– L’épilation définitive ? Non, mais c’est mieux. Car sinon, à la fin de la journée, tu vas avoir la barbe qui dépasse et …
– Ok, ok, ok…
– Je vais te montrer ta chambre.

Mélody l’emmena à l’étage.

– Mélody, c’est original comme prénom, dit Franck pour engager la conversation
– Mes parents étaient, et sont toujours d’ailleurs, fan de Serge Gainsbourg. Mélody fait référence à une de ses chansons, l’histoire de Mélody Nelson.
– D’accord. J’avoue que je ne connais pas. Le coaching de travestis, c’est ton métier ?
– Pas du tout ! Voilà ta chambre pour la semaine. J’espère que le bureau sera assez grand. Tu as le code wifi posé dessus. Tu as un placard pour ranger tes affaires. Les toilettes et la salle de bains sont au fond du couloir. Pour le moment, il n’y en a qu’une. Donc il faudra qu’on se la partage. Je te laisse t’installer et je t’attends au salon.

Mélody sortit, laissant Franck à son sort et ses interrogations. Il se demandait ce qu’il faisait là et avait une furieuse envie de partir en courant. Pourquoi tous ces efforts ? Qu’en retirerait-il à la fin ? Et après ?
Malgré tout, il vida ses quelques affaires dans le placard. Des vêtements de femmes s’y trouvaient déjà. Il n’y avait qu’une seule tenue, surement cella qu’il allait porter. Il démarra son ordinateur et se connecta au wifi.

Il retrouva Mélody au salon qui feuilletait un magazine.

– Je me suis rendu compte que je n’avais pas répondu à ta question. Mon travail n’est pas de coacher les travestis. Ça, c’est juste une activité d’appoint. Mon rêve serait de vivre de ma peinture. Sauf que je ne suis pas connue et encore moins reconnue. Alors, comme il faut payer les factures, je travaille dans un service marketing. Le programme de la semaine : aujourd’hui, c’est épilation. Demain, on entre dans le vif du sujet. Cours de maquillage le matin, shopping l’après-midi. Après demain nouvelle leçon de maquillage et cours de maintien. Le soir épilation du visage. Dans la journée, tu travailleras normalement. Et ainsi de suite jusqu’à la fin du stage. Ça te va ?

– J’ai le choix ? demanda Franck connaissant déjà la réponse.
– Non, malheureusement. Ne t’inquiète pas, tout va bien se passer.
– C’est ce que tout le monde me dit.

Mélody se changea une nouvelle fois, pour un ensemble moins clinquant. Un simple jean et des ballerines. Elle prépara un repas léger. Une fois terminé et le café avalé, elle emmena Franck pour sa première épilation. Et comme elle l’avait averti, ce fut long et douloureux. L’esthéticienne lui confirma que deux séances supplémentaires seraient nécessaires pour que son visage soit parfait.

Malgré tout, Mélody n’était pas tout le temps sur son dos et Franck avait du temps pour lui, pour travailler ou regarder la télé installée dans sa chambre.

Mélody l’attendait pour huit heures le lendemain matin et après un petit-déjeuner qui eut du mal à passer pour Franck, elle attaqua le programme du stage.

– Je te laisse mettre cet ensemble, avec les dessous qui vont avec. Et tu mettras ça dans ton soutien-gorge, dit-elle en sortant d’un tiroir une paire de faux seins réalistes. Tu as des escarpins en bas du placard. On verra les collants plus tard. Je t’attends dans la salle de bains.

C’était quasiment le même ensemble qu’il avait porté à Barcelone, sauf que le pantalon était remplacé par une jupe. Il batailla une nouvelle fois avec le soutien-gorge et les faux seins le surprirent par leur poids. Il se demanda si les seins d’une femme étaient aussi lourds.

La jupe lui laissa une impression plutôt agréable. Par chance, ou était-ce volontaire, les escarpins étaient à petit talon. Il souffla de soulagement. Il n’aurait pas à mettre les échasses que sa chef portait au quotidien. Certes, il trouvait les talons hauts sexy mais chez les vraies femmes.

Il retrouva Mélody assise sur le rebord de la baignoire, se limant négligemment les ongles.

– Ah te voilà. Whaaaouh ! C’est prometteur, dit-elle. Te transformer va être assez simple.

Franck ne sut comment prendre ce compliment.

– Commençons, continua Mélody en désignant tous les produits cosmétiques qui s’étalait sur le rebord du lavabo à double vasque.

Le cours dura près de deux heures durant lesquelles elle lui expliqua à quoi ils servaient, quand ils s’utilisaient et comment ils s’appliquaient. Puis la théorie fit place à la pratique. Franck s’appliqua du mieux qu’il put, se disant qu’ainsi son supplice serait plus court.

– Bravo ! félicita Mélody. Tu es plutôt doué. Tu pourrais presque donner des leçons aux travestis qui viennent me voir. Beaucoup ne t’arrive pas à la cheville.
– Merci, dit Franck.
– Bon, Anna, c’est comme ça qu’Elizabeth t’a appelé je crois, il ne te reste plus qu’à apprendre à mettre des collants et des bas. Mais pour ça, je vais t’envoyer quelques liens de vidéos. Cela sera aussi instructif que si c’était moi qui te montrais. Et non, tu ne me verras pas en petite culotte. Je te taquine, termina Mélody en voyant la tête dépitée de son élève. Ensuite je te laisse travailler. Cette après-midi, on ira faire du shopping. Il te faut de quoi partir à Barcelone.
– Je vais sortir comme ça ? s’alarma Anna.
– Bien sûr. Crois-moi, tu passes très bien. Et puis, c’est pas la première fois.
– C’est vrai, capitula Anna

Anna étudia sérieusement les quelques vidéos que Mélody lui avait conseillé puis passa aux travaux pratiques. Finalement, enfiler des collants n’était pas si compliqué.

Mélody entraina son élève au centre commercial de Parly 2, près de Versailles. Elles se rendirent directement au Printemps où Mélody savait qu’elle trouverait tout ce qu’il faut. Des vêtements hauts de gamme jusqu’aux chaussures en passant par les dessous. Elles y restèrent pas moins de trois heures. Les vendeuses, même s’il elles se doutaient de la nature d’Anna, ne firent aucun commentaire. Peu importait le client ou la cliente, du moment qu’elles faisaient leur chiffre de la journée. Mélody fit aussi percer les oreilles d’Anna.

Elles déposèrent les sacs dans la voiture et retournèrent flâner dans les boutiques. Anna semblait détendue.

– Maintenant tu as tout ce qu’il faut pour aller à Barcelone. Comme Elizabeth me l’avait demandé, tu as quatre tailleurs, un par jour, et une robe de soirée. Car à priori, il y a de forte chance que vos hôtes vous invitent pour fêter la signature du contrat. Mais de ça, Elizabeth t’en reparlera.

Si le choix et l’essayage des tailleurs-jupes n’avaient pas posé trop de soucis, celui de la robe de soirée avait été plus compliqué. Anna avait émis un véto catégorique. Mélody insista et menaça si elle n’obéissait pas. Il en fut de même pour le choix des chaussures à talons hauts, indispensables avec une telle robe.

Dès leur retour, Anna se familiarisa avec la marche en talons. Elle rechigna une nouvelle fois pour les talons hauts mais Mélody resta inflexible.

Le lendemain, Anna se contenta de s’habiller en fille et continuer de marcher en talons hauts. Mais pas de maquillage ni de rasage car elle avait une nouvelle séance d’épilation laser le soir.

Pour ce troisième jour, Mélody emmena son élève dans Paris. Anna grogna lorsqu’elle lui imposa une nouvelle fois les talons hauts. Qui peut le plus, peut le moins, scandait Mélody, perchée elle aussi à plus de dix centimètres. Au programme : lèche-vitrine et visite de musée. Le but était qu’Anna se sente à l’aise et évolue comme si de rien n’était. Mais ça, Mélody ne le lui dit pas.

Elles firent une halte au centre commercial de la Défense où Anna eut pour mission d’acheter un nouvel ensemble, une paire de chaussures, un sac à main et aussi un autre manteau. Contrainte : interdiction d’aller dans les magasins de chaine comme H&M ou Zara. Anna souffla mais se résigna à sa mission qu’elle mit presque deux heures à réaliser.

– On vérifiera tes achats une fois rentrées, dit Mélody. Mais sache que je suis très fière de toi. Très, très fière. Je ne suis pas sûre que la plus à l’aise de mes élèves que j’ai pu avoir en aurait fait autant.
Anna se sentit vexée et flattée à la fois.

– C’est vraiment toi qui as choisi ? Ou se sont les vendeuses ?
– Non c’est moi. Sauf pour le manteau pour lequel j’ai demandé un conseil et j’ai pris le premier qu’elle m’a proposé. Pour les chaussures, je voulais des petits talons et la vendeuse m’a dit qu’avec les jambes que j’avais, et dont elle était jalouse, il me fallait un modèle avec des talons fins.
– Et pour le sac ?

Anna baissa la tête.

– J’avoue que j’ai trouvé celui-là plutôt joli.
– Tu t’en es très bien tirée. Vraiment. Bravo. Je crois que tu n’as plus grand-chose à apprendre.
Mélody s’approcha et lui fit une bise appuyée sur la joue.

Anna termina son stage en fille. Elle subit une dernière séance d’épilation du visage qui lui laissa une peau douce de bébé. Ce fut réellement que le lendemain matin et les suivants qu’elle se rendit compte de cet avantage non négligeable : plus besoin de se raser et plus de risque de coupure.

Anna quitta Mélody le dimanche après déjeuner et repartit chez elle en fille, trainant derrière elle sa valise qu’elle eut du mal à fermer.

Franck reprit son travail le lendemain, soulagé de redevenir lui-même. Mais marcher avec des chaussures plates fut bizarre au début.

Elizabeth ne lui fit aucune remarque sur son stage. Mélody avait dû lui faire un compte rendu détaillé jour par jour.

A suivre

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