Célia et le vampire (version de concours) par Nicolas Solovionni

Célia et le vampire (version de concours) par Nicolas Solovionni

A la  » vraie  » Célia, ce récit très soft…

Célia n’a pas encore trente ans. Grande, des formes évidentes, des yeux
bleus et des cheveux blonds cendrés, coupés mi-longs. C’est ce qu’il est
convenu d’appeler un beau brin de fille, cela ne l’empêche pas de se trouver
un peu trop large d’épaules, quelques kilos de trop et un visage pas assez
fin… Jamais contentes…

– Mais ça pèse des tonnes, ce truc !

Pour la troisième fois, Célia, reposa sur le sol ces deux lourdes valises !

– Et si ce connard n’en veut pas, je flanque tout dans une poubelle !

Célia finissait de liquider l’héritage de sa vieille tante décédée. De la
bibliothèque, il n’y avait pas grand chose à récupérer. Malgré tout,
certains bouquins étaient fort anciens et Célia avait d’abord pensé les
garder, mais en en découvrant le sujet, elle y renonça, tout cela avait
trait à l’ésotérisme, et ce n’était vraiment pas son truc !

Ce matin, elle avait donc entassé une bonne trentaine d’ouvrages dans deux
valises, et était partie les proposer à un libraire d’occasion. Le type
refusa de faire affaire avec une moue de mépris. Elle en chercha un second
qui fut aussi mal aimable que le premier. Sa troisième tentative ne fut pas
meilleure mais le commerçant eut la gentillesse de lui conseiller de
s’adresser carrément à une échoppe d’ésotérisme en allant même jusqu’à lui
en indiquer l’adresse.

– N’empêche bientôt 3 heures que ça dure ce cirque !

Enfin, elle arriva dans la boutique, un personnage de caricature
l’accueillit, de longs cheveux blancs, maintenu en queue de cheval par un
élastique, un catogan, que ça s’appelle, il paraît.

– J’ai tout ça à vendre !
– Ah oui ? Et pourquoi vendez vous tout cela ?

Ne pas lui dire surtout qu’on en a rien à foutre, ne pas le vexer… surtout
ne pas le vexer…

– Je suis en ménage avec un type, on a des trucs en double !

Elle se rendit compte à la mine amusée du type que son explication frisait
le ridicule.

– En double ! Et ben dites-donc ? Bon voyons tout cela, intéressant…

Le type semblait réellement alléché par tout ce bazar, il prenait les livres
un à un et les mettait de côté, puis se reprit et recommença tout en notant
des indications sur une feuille de papier !

– 4000 francs, ça va ?

Bien sûr que ça allait ! C’était même inespéré ! Le type alla chercher des
billets dans l’arrière boutique et les tendit à Célia.

– Voilà ! Mais ce bouquin-là, je vous le rends, vous ne pouvez pas l’avoir
en double !

Pourquoi était-il si affirmatif ?

– Gardez-le… ce n’est pas grave !
– Non, je ne peux pas !
– Bon c’est pas un problème, je le fouterais à la poubelle !
– N’en faites rien, il vous est destiné !
– Bon, je vais y aller, donnez-moi donc ces billets, et…
– Non, si vous ne me promettez pas de lire ce bouquin, je ne fais pas
affaire avec vous !
– D’accord je vous promets de le lire !
– Vous mentez ! Ouvrez-le !

Le type s’énervait, Célia commençait à se demander si elle n’allait pas
passer à côté des 4000 francs. Elle avait cru l’affaire conclue, il fallait
qu’elle se ressaisisse.

– Non, je ne mens pas !

Machinalement elle ouvrit le livre, l’écriture y était incompréhensible.

– Mais en quelle langue est-ce écrit ?
– En français, simplement il s’agit d’un exemplaire unique publié en compte
d’auteur, celui-ci a utilisé un code, mais vous le trouverez, ils ne sont
jamais difficiles à déchiffrer… ceux qui font cela ne veulent pas que leurs
écrits soient directement accessibles mais c’est tout…

Célia se résolut à ne pas contrarier le type d’autant qu’il ne lui avait pas
encore donné les billets !

– Bon d’accord, je vais le garder !

Elle empocha enfin le produit de la vente, disparut de la boutique, se
rendit compte que son estomac criait famine et acheta un pain aux raisins
dans la boulangerie mitoyenne, puis s’engagea vers le métro ! Sur le quai,
elle déposa le livre dans une poubelle, puis entreprit de regagner son
domicile dans le 11e arrondissement, après avoir fait quelques courses
qu’elle rangea dans une des valises. Arrivée à la maison, elle les déballa
sur la table sans trop faire attention.

Il restait un objet au fond !
… Le livre !
… Non ce n’était pas possible ! Elle était certaine de l’avoir jetée !

Cet évènement la perturbait bien plus qu’elle ne voulait l’admettre. On se
persuade parfois que l’on a fait des choses que l’on n’a point faites. Mais
quand même, elle se revoyait le jeter, se remémorant y compris sa chute
jusqu’au fond de la poubelle où il était allé rejoindre une canette de bière
et un emballage de gâteaux secs. Mais, bon, sans doute était-elle victime de
cet étrange climat un instant ressenti chez cet occultiste ? Elle n’avait
jamais été bien à l’aise face à ces gens-là et avait en fait du mal à
assurer la contradiction entre le fait qu’elle affirmait haut et clair ne
pas croire à une seule goutte de leurs élucubrations, et celui qui quelque
part caché dans les recoins de son subconscient lui faisait peur.

Elle s’empara du bouquin, sortit sur le palier, le jeta dans le vide-ordures
et rentra ranger ses achats.

Bon, qu’est ce qui se passait encore ? Qu’avait fabriqué cet imbécile de
gérant de supérette ? Il avait mélangé ses propres courses avec celles d’un
autre client. Le chapelet d’ail qu’elle se souvenait avoir choisi n’était
plus là et était remplacé par un concombre. Elle ne consommait jamais de
concombre, ne le digérant pas !

– Mais merde !

Elle s’apprêtait à redescendre dans ce magasin et engueuler ce gros nul qui
ne pensait qu’à lui mater les nichons quand elle se souvint qu’au moment de
régler ses achats, elle y était seule. Comment une telle confusion
avait-elle pu alors se produire ? Si elle ne savait plus ce qu’elle faisait,
ça devenait grave ! Il faudrait, se dit-elle, qu’elle se dépêche d’aller
consulter tant qu’elle avait conscience de son état ! Pour l’instant, elle
décida de se faire un petit en-cas, mais après avoir toutefois effectué un
petit crochet à l’autre bout de l’appartement afin d’y accomplir un petit et
nécessaire besoin naturel.

Et quand elle revint dans la cuisine… le livre avait à nouveau réapparu !

– Non !

Cette fois-ci c’était la panique ! Plus d’ailleurs par crainte de la folie,
que pour d’autres raisons.

– Calme-toi, Célia ! Calme-toi !

Lentement, elle s’approcha du livre. Elle eut alors l’impression qu’il
venait de s’ouvrir tout seul ! Non ! Un livre ne s’ouvre pas tout seul !
N’empêche qu’il était bel et bien ouvert ! D’un mouvement involontaire ! Ce
ne pouvait être autre chose ! Elle le referma puis alla chercher une feuille
de papier et un stylo bille puis écrivit :  » il est 12 h 55, je vais jeter
ce livre « . Elle l’enferma dans un sac en plastique après y avoir rajouté
les informes saloperies qui gisaient dans la poubelle de sa salle de bain.
Elle jeta le tout au vide-ordures sur le palier et consigna la chose sur son
bout de papier :  » A 13 h, je l’ai entendu tomber dans le conduit « . Elle
punaisa ensuite la feuille sur le petit panneau qui lui faisait office de
pense-bête.

Du coup, elle n’avait plus faim. Elle avait peur, peur de voir réapparaître
ce satané bouquin. Et puis que faire ? Face à l’adversité, pour ne pas se
laisser bouffer, il faut avoir un minimum de défense, un embryon de
stratégie. Mais là, elle ne voyait pas ! Ou alors… à moins que… recontacter
cet abruti d’occultiste…

Claque !

– C’était quoi ça encore ?

Une fenêtre qui claquait comme sous l’effet d’un courant d’air. Mais aucune
fenêtre n’était ouverte. Elle allait regarder dans sa chambre, et réalisa…
on voulait l’éloigner de la cuisine… et quand elle reviendrait, le livre
aurait une nouvelle fois réapparu.

Non ! A ce jeu, elle cesserait d’être passive. Quelqu’un s’amusait à ses
dépends. Elle pouvait essayer de prouver qu’elle n’entendait pas se laisser
dominer par les événements aussi bizarroïdes fussent-ils !

Elle dépunaisa son petit papier de tout à l’heure, le plia en quatre et le
garda en main. Elle se rendit alors dans la chambre, constata que tout était
normal, et revint le cœur serré sachant que le livre serait là ! Elle
ignorait s’il elle avait vaincu sa peur.

Effectivement le bouquin trônait de nouveau au milieu de la table en formica
de la cuisine.

– Connard ! T’as failli m’avoir ! Pauvre type ! C’est toi l’occultiste de
mes deux qui s’amuse à ces conneries ! Tiens, regarde connard ! Je sais
encore ce que je fais, je ne suis pas folle !

Et ce disant, elle déplia son morceau de papier qu’elle n’avait pas lâché et
jeta une exclamation de surprise horrifiée ! Il n’y avait rien, absolument
rien d’écrit sur ce foutu papelard !

– Putain !

Elle respira un grand coup, puis à nouveau se rapprocha du livre. Tout à
l’heure lorsqu’il s’était ouvert, il l’avait donc fait tout seul. Sans doute
recommencerait-il maintenant ? Effectivement il récidiva !

– Il veut me parler, ce livre !

Elle s’approcha de la page découverte. Le texte était en clair, il était
même très clair :
 » En déplaçant cet ouvrage de l’endroit où il était resté immobilisé, tu
as brisé le sort qui emprisonnait mes pouvoirs magiques. Il faut que tu le
lises à présent, il faut que tu le lises tout de suite ! « 

– Ah oui ? Et si je ne le fais pas ?

Les pages se tournèrent alors toutes seules, puis finirent par
s’immobiliser, là où il était uniquement indiqué en bas d’une illustration
cauchemardesque ces simples mots :

 » Je ne te laisserais plus jamais en paix ! « 

Elle savait que ça au moins, ce serait vrai !

– Bon, écoute, bouquin de merde, ce n’est pas toi qui commande, je vais te
lire, mais pour l’instant j’ai autre chose à faire, et ce soir je suis
occupée. Alors je te lirais demain ou après demain, O.K. ?

Pas de réponse ! Bon, le téléphone ! Evidement la librairie ésotérique ne
figurait pas dans l’annuaire. Voilà qui était bien dans la mentalité de ces
gens-là. Soi-disant dépositaires de pouvoirs magiques terrifiants, ils
craignaient cependant de rendre leur téléphone public. Dérisoire ! Minable !
Donc pas de numéro, mais qu’importe ! Elle sortit, acheta une bouteille de
white-spirit et décida que si les explications du magicien de service ne la
satisfaisaient pas elle le menacerait de foutre le feu à sa boutique de
merde. Ou avait-elle noté l’adresse ? Elle était sûre d’avoir glissé le
petit carton dans son petit carnet qui ne quittait jamais son sac à main.
Sans doute l’avait-elle jeté machinalement ? Elle irait au pif !

Retrouver la grande avenue en sortant du métro n’était pas difficile. Par
contre la librairie… Elle aurait pourtant juré qu’elle se trouvait de ce
côté ! Elle redescendit la rue, la remonta, recommença… Rien ! Alors elle
eut l’idée de rechercher la boulangerie chez laquelle elle avait acheté une
viennoiserie ce matin. Elle la retrouva facilement. Du moins c’est ce
qu’elle se dit sur le moment car l’instant d’après elle en était beaucoup
moins sûre… parce que juste à côté, là où il y aurait dû y avoir la vielle
librairie ésotérique, se tenait un dépositaire de presse tout ce qu’il y a
de plus commun.

Elle devait se tromper de boulangerie. Voulant en avoir le cœur net, elle y
rentra. C’était bien la même, elle reconnaissait parfaitement les lieux
ainsi que la petite boulangère beurette. Elle commanda une tarte aux fraises
et lui demanda :

– Vous ne connaîtriez pas une librairie qui fait dans le livre ancien ?
– Dans le quartier ?

Ah, les répliques idiotes ! Non pas dans le quartier, idiote ! A Hong Kong !

– Oui !
– Non !
– Dites-moi ? Est-ce que vous m’avez déjà vu quelque part ?
– Je ne sais pas, je ne suis pas très physionomiste, et puis ça défile
tellement… quoi que…
– Quoi que ?
– Quoi que, une aussi belle fille que vous, je m’en serais forcément
souvenue…

En d’autres circonstances elle eut trouvé la réponse troublante, elle ne la
trouvait présentement que décevante.

Elle sortit et pénétra ensuite sans grande conviction, juste « pour voir  »
chez le marchand de journaux. Celui-ci, un grand échalas, apercevant Célia,
se tendit alors comme un arc et redressa son menton à ce point qu’on aurait
pu croire qu’il s’apprêtait à exécuter un numéro de claquettes.

– Bonjour, je cherche un livre sur les vampires !
– Ah ! Répondit le commerçant, l’air ahuri. Euh… je dois avoir un bouquin de
décalcomanie là-dessus… vous savez avec Buffy…
– Laissez tomber !

Décidément ce livre était plus fort qu’elle ! Elle se débarrassa de son
liquide inflammable devenu inutile et rentra chez elle.

Elle lut alors l’opuscule, la chose se lisait d’ailleurs assez vite et était
fort parcellaire. On y indiquait qu’un certain Roman Enescu avait été frappé
de la « malédiction des vampire « . Un chasseur de vampires en était venu à
bout très exactement en 1968. Tout cela était assez peu intéressant, la
suite était par contre plus originale. On y apprenait que certains vampires
prenaient la précaution de s’octroyer les services de simples mortels qui en
cas de destruction se chargeraient d’ordonnancer les conditions de leur
résurrection.

On découvrait ainsi qu’à la mort de Roman, un dévoué serviteur avait ramassé
quelques restes du vampire foudroyé et avait enfermé et cousu ses cendres
dans la couverture de ce livre. Il fallait ensuite un délai de 33 ans, 3
mois, 3 semaines et 3 jours pour que le livre reprenne conscience. Le vrai
réveil spirituel ayant lieu dés que quelqu’un consentirait à le bouger de
place…

Bon ! Jusque là, c’était du bizarre de chez bizarre ! Ça ne disait pas
comment se débarrasser de ce foutu bouquin ! Le brûler ? Mais est-ce que ça
fonctionnerait ? Il faudrait bien pourtant qu’elle s’en sorte… plus que
quelques pages à lire… Marre de ces salades… Mais la fin lui réservait une
autre sorte de surprise et de taille !

Le livre lui demandait carrément d’officier à la résurrection du monstre.

Un protocole de dingue ! Digne des plus mauvaises séries Z sur le sujet. Il
fallait tracer au sol un double cercle à la craie blanche. Dans l’anneau
ainsi formé, il fallait effectuer un découpage en 12 secteurs, y dessiner
des symboles bizarres, plus ou moins astrologiques. Super pratique de
dessiner sur un carrelage blanc ! Mais ce n’était pas tout ! Il fallait
ensuite se mettre au milieu de cette idiotie, débiter une incompréhensible
invocation, en versant sur le livre ouvert dans un premier temps quelques
gouttes de sang féminin, puis quelques gouttes de sperme d’un homme de moins
de 33 ans ! Du sperme ? Où allait-elle dégoter cela ? Elle était seule
depuis quelques mois maintenant. Elle n’allait tout de même pas s’envoyer en
l’air avec le premier venu pour faire plaisir à l’instigateur de ce qui ne
pouvait n’être que des manigances géniales ! Il fallait ensuite effectuer
une danse au son de la musique et recourir au service d’un musicien ! C’est
tout ? Oui ? Non pas tout à fait… mais le reste concernait des détails
d’ordre beaucoup plus pratiques il fallait plusieurs produits heureusement
d’usage courant, mais aussi préparer des vêtements pour habiller le vampire
ressuscité. Ah oui ? Et je trouve ça où ? Et qu’est ce qu’il nous fait comme
encolure, le phénomène ?

Il était finalement spécifié que l’opération devait se faire la première
nuit de pleine lune suivant l’ouverture du livre.

– Ah ! Voilà qui lui laissait donc quelques jours de répit ! Et puis
d’abord, c’était quand, la pleine lune ? Un coup d’œil au calendrier des
postes… Horreur ! C’était cette nuit ! Et puis merde ! Il attendra la
prochaine, il n’est quand même pas à une semaine près, ce zigoto !
Elle se décida d’aller réfléchir dehors ! Prendre le frais lui ferait grand
bien. Les godasses. Le sac à main. Les clés. Elle actionna la poignée de la
porte… Bloquée !

– C’est quoi ce délire ? Tempêta-t-elle en s’acharnant en vain sur cette
poignée récalcitrante.

Çan’avait aucun sens, une poignée de porte ne se bloque pas ! Elle était
donc enfermée chez elle ! Cocasse comme situation. On fait comment ? On
appelle le serrurier ! Mais il fait comment pour entrer le serrurier ? Après
tout, autant l’appeler, c’est son métier, il saura dire, il saura faire !

Elle décrocha le combiné. Pas de tonalité, elle vérifia la prise, tout
semblait normal. Quelle étrange malédiction était-elle en train de lui
tomber sur la tête ? Et puis, elle comprit… le livre ! C’était le livre qui
la punissait de ses atermoiements ! Elle le regard avec haine :

– Mais c’est impossible conard !

Les pages se mirent à nouveau à tournoyer pour s’arrêter une nouvelle fois
sur une illustration, il s’agissait cette fois d’un vampire menaçant un
infortuné voyageur. La légende en était :

l suffit de le vouloir ! « 
– Bon d’accord, lui mentit-elle, laisse-moi sortir, je vais aller chercher
tout cela !

Mais la porte refusait toujours de s’ouvrir, le livre savait donc qu’elle
mentait. Elle ne s’en sortirait pas, il lisait dans ses pensées ! Cette
fois, ce fut la crise de désespoir. Elle ne voyait tout simplement pas
comment se sortir de cette nasse. Elle finit par se calmer, but un grand
verre d’eau minérale et comprit que, ne serait-ce que provisoirement, il lui
fallait bien composer avec cette sorcellerie. Elle ignorait comment faire.
Elle improviserait.

Cette fois la porte s’ouvrit. Elle commença par le plus facile, acheter la
craie blanche et du papier d’emballage qui lui servirait de support pour le
dessin magique. Ensuite les habits, elle se rendit dans une boutique qui
fournissait des costumes de scène.  » Non, on ne pouvait pas acheter une
panoplie de vampire, juste la louer en laissant une caution « . Elle essaya
de négocier. Elle voulait l’acheter, mais l’homme ne voulait rien savoir !
L’adresse du grossiste alors ? Il n’y avait pas de grossiste ! Ces trucs-là
étaient faits sur commande spécialement pour le magasin. Alors l’adresse de
la personne qui confectionnait les costumes ?

– Vous le voulez pour quand ? Bafouillât-il tout en lorgnant de fort peu
discrète façon vers la poitrine de notre héroïne.
– Pour ce soir !
– C’est ridicule, ça fait trop juste !
– Mais je suis prête à payer, et à payer le prix fort.

Elle s’était en effet persuadée qu’elle pourrait dans cette affaire dépenser
au-delà de ses moyens. Une fois le vampire ressuscité, ces choses là
devraient s’arranger facilement !

– Ce n’est pas une question de prix, c’est une question de temps !
– Et s’ils se mettaient à plusieurs, ce devrait être possible, non ?
– Ecoutez, mademoiselle, vous devenez pénible !

Ils s’engueulèrent pour de bon et le loueur de costumes finit par chasser
Célia manu-militari de sa boutique. Qu’à cela ne tienne, elle achèterait un
flingue et reviendrait braquer ce connard ! C’est en se mettant en quête
d’un armurier, qu’elle se fit la réflexion que le vampire n’avait pas
demandé un habit particulier, mais simplement de quoi se vêtir. Du moins
c’est l’impression qu’elle en avait et si celle-ci n’était pas la bonne, le
livre saurait bien le lui manifester. Oui ! Mais acheter quoi ? Et dans
quelle taille ?

Elle se décida pour un jogging, une paire de chaussettes et pour ce qui
était des chaussures elle acheta trois paires de basquets dans trois
pointures impaires différentes et des semelles si d’aventure sa pointure
était du pair !

– Il y en aura bien une qui conviendra !

Et voilà, notre vampire ressusciterait en jogger ! Mort de rire ! On pouvait
sans doute raisonner de la même façon pour la musique, se dit-elle en
observant un joueur d’harmonica qui faisait la manche dans le métro !
Quoique celui-ci, assez mignon aurait pu cumuler les fonctions de musicien
résurrectionniste et de donneur de sperme ! Non ! Pour la musique sa chaîne
Hi-Fi suffirait amplement ! Restait donc la semence ! Comment faire ? Allez
faire un casse dans une banque du sperme lui paraissait assez ridicule ?
Elle eut alors l’idée d’aller négocier la chose avec une prostituée. Puisque
tout s’achète et tout se vend, pourquoi alors ne pas essayer d’acheter l’un
des condoms bien remplis qui gisait dans leur poubelle de salle de bains ?

C’est ce qu’elle fit ! Elle prit soin de choisir au feeling une fille qui ne
risquait pas de lui répondre de façon agressive. Celle-ci venait de terminer
justement son premier client du jour, un jeune homme, précisa-t-elle !
C’était parfait !

Elle rentra, elle s’angoissait malgré tout de savoir son interprétation
toute personnelle des « courses à faire » aurait la bénédiction du livre
vampiresque. Mais il n’y eut pas de réaction.

Elle occupa le temps qui lui restait à faire de la place dans son living.
Elle devait attendre l’heure exacte du coucher du soleil pour entamer les
« vrais préparatifs » ! A ce moment là elle disposa le papier kraft, traça les
symboles à la craie à l’exception du dernier, alluma les bougies dans toute
la pièce, fit un essai de musique, son choix s’était porté sur les Carmina
Burana de Carl Orff ! Elle disposa ensuite au centre du cercle, le bouquin,
le préservatif, une petite aiguille, et les vêtements du vampire ainsi que
quelques autres bricoles.

Puis elle ouvrit la fenêtre, et attendit que la lune soit visible. Elle
s’étonna du silence relatif de sa rue d’ordinaire si bruyante, à peine
entendait-on au loin l’aboiement inquiétant d’un chien impatient. La lune
était là à présent, brillant de sa majesté mélancolique tandis que les
nuages poussés par le vent passaient devant son globe, allant provoquer sur
les murs blancs des façades, une improbable farandole d’ombres.

C’était parti !

Elle dessina le dernier symbole, et pénétra dans le cercle, provoquant
instantanément un courant d’air glacial qui ne persista pas. Elle récita le
charabia imposé, se piqua le doigt avec l’aiguille, fit tomber le sang sur
le livre, puis elle éventra le condom pour en libérer une partie de son
contenu. Elle pointa ensuite la télécommande de la chaîne et déclencha la
musique (pratique le progrès !). Tout devint alors assez flou ! Elle entama
sa danse.

Elle ne s’était pas habillée spécialement ! Elle était restée en chemisier.
Le protocole précisait qu’il ne fallait rien dévoiler en bas de la ceinture.
Drôle d’idée !

Cette musique presque uniquement rythmique permettait de faire des gestes
très saccadés, des séquences de gestes très brèves. Pendant cinq minutes,
elle joua à « je retire ou je ne retire pas » avec son chemisier, s’amusant à
dévoiler ses belles petites épaules et ses bras encore bronzés, puis finit
par le retirer. Elle s’était mise ce matin un soutien gorge blanc bordé en
son haut d’une fine bande de dentelle presque transparente qui ne cachait
pas grand chose de ses aréoles à condition toutefois d’y être attentif. Elle
s’amusa à y passer la main et à faire pointer le petit bourgeon de ses
tétons. Quand elle jugea ce manège suffisant, elle se débarrassa du
sous-vêtement. Il ne lui restait rien à retirer ! Elle ne savait pas quand
il faudrait arrêter, sans doute le livre le savait-il lui ? Alors elle
dansa, elle dansa de toutes ses forces, gesticulant des bras, des mains, du
visage. Elle fut rapidement en sueur, son dos perlait de gouttes qui en
accusaient le relief, mais c’est bien sûr sur les seins que la transpiration
se faisait taquine en surlignant les globes parfaits magnifiquement éclairés
par la double lueur des cierges se consumant et celle de la lune
triomphante. Excitée, elle passa sa main sur ses mamelles en fièvres, les
fit glisser l’une contre l’autre, les pressa des ses doigts écartés, les
pinça, puis en gagna rapidement le centre, où chaque main s’empara alors du
bout du téton en le serrant avec force, lui arrachant un cri de douleur
souhaité. Une douleur qui ne lui suffisait pas, non contente de serrer, elle
roula l’excroissance de chair entre ses pouces et ses index, relâchant,
recommençant pour à chaque fois aller un peu plus loin et un peu plus fort
dans ce mouvement, jusqu’à les tordre. Et puis n’y tenant plus elle se
risqua à y imprimer le bout des ongles, timidement, puis de moins en moins
doucement…

Elle ne savait plus bien où elle en était, elle appuyait de toutes ces
forces, elle hurlait, mais ne s’arrêtait pas… jusqu’à ce qu’un frisson la
parcoure. Etait-ce le moment ?

Oui !

Une explosion ! Un nuage de fumée ! Un éclair ! Et au centre le flou qui
devint de moins en moins flou, de plus en plus net. Le vampire apparaît, il
est revêtu de son jogging. Il a l’air heureux d’être là ! Il prend Célia par
la main. Il la contourne, il dévoile ses dents, il mord dans ses épaules,
elle se laisse faire. Le voici en train de siroter son sang. De nouveau tout
est flou.

Deux chiroptères prennent leur envol par la fenêtre et virevoltent au-dessus
d’un cimetière !
Ils se rematérialisent dans un sous bois que bien sûr seule la lune éclaire.

Célia et le vampire courent tous les deux en jogging. Le logo de la marque
est indiqué sur le vêtement : On peut voir en gros : ALIMAS, puis leurs
chaussures sur lesquelles on distingue également la sempiternelle marque…

– Stop !

Baudouin, le directeur de la publicité d’Alimas-France hurle !

– Mais c’est nul !
– Je vous avais dis que cette idée de publicité ciblée pour le canal sexe
n’était pas une bonne idée, lui susurre alors son assistante…
– L’idée n’était pas mauvaise ! C’est la réalisation qui est nulle ! Quelle
idée dégueulasse le coup du préservatif ! Comment existe t-il des gens aussi
répugnants ?
– Il y a pire vous savez ?
– Non !
– Si ! Il y a des boites d’équipement de sports qui exploitent des gosses au
bout du monde, qui les paient une bouchée de pain, qui se font du fric en
revendant ça cent fois le prix, et comme si cela ne leur suffisait pas, ils
achètent qui ils veulent dans les milieux sportifs pour truquer les
compétitions, pourvu qu’on puisse s’extasier devant leurs fringues de merde
!
– Vous avez une curieuse conception de la culture d’entreprise, Célia, tout
d’un coup ! Sans doute faudrait-il donner votre démission !
– Ce ne sera pas nécessaire ! dit-elle, sautant alors à la gorge de son
patron et resserrant déjà dans son cou deux longues canines acérées…

FIN (glups)

© Nicolas Solovionni – 8/2001
Première publication sur Vassilia, le 02/09/2001

Cette version de cette histoire à été écrite dans le cadre du concours
d’été 2001 du site revebebe. Mots obligatoires : Cimetière, farandole,
harmonica, décalcomanie, désespoir, claquettes, manigances, gentillesse,
aboiement, siroter. Mots interdits : Tous mots désignant une partie de
l’anatomie humaine située en dessous de la ceinture.
… Et ce récit a eu l’honneur d’obtenir le 2ème prix du concours en
question

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5 réponses à Célia et le vampire (version de concours) par Nicolas Solovionni

  1. Lucia dit :

    J’ai adoré, j’adore les histoires de vampires

  2. Darrigade dit :

    C’est un récit à contrainte littéraire, l’auteur s’en sort avec talent et humour !

  3. Baruchel dit :

    Dommage que ce soit si soft parce que le récit se lit bien

  4. Forestier dit :

    Gentillet, presque soft mais très agréable à lire

  5. kevin dit :

    original et bien écrit à défaut d’être excitant 😉

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