Pots de chambre (du latin potdechambrus) par Estonius

Pots de chambre (du latin potdechambrus) par Estonius

Voici des endroits qui ont inspiré tant de poètes que nous ne pouvions les ignorer…

Par ordre alphabétique : cabinets, cacaroom, cagadoux, cagouinces, chalets de nécessité, chiottes, commodités, feuillées, goguenots, gogues, isoloir, latrines, lieux d’aisances, petit coin, petit endroit, pipiroom, pissoir, pissotière, sanisettes, sanitaires, toilettes, trône, urinoir, vespasienne, W.C., waters

Repérages :

Le pot de chambre : (Jules, Thomas, vase de nuit). « Le pot de chambre est charitable : il ne rencontre que des gens dans le besoin. » disait un proverbe….

Il n’a été inventé ni au 11ème siècle, ni par les Romains, mais bien avant par les Egyptiens(1) Chez les Grecs antiques, il était d’ailleurs pour ces derniers, « l’ami fidèle », l’indispensable compagnon des festins et des banquets. Les Sybarites seraient les inventeurs du pot de chambre de table. Pour ne pas se déranger lorsqu’on est à table avec ses convives, on peut ainsi se soulager à table. Les chevaliers au moyen âge, ne partaient pas en croisade sans leur « pisse pot ». Le marquis de La Rochefoucauld (1613-1680) se disait choqué par les mœurs anglaises, permettant les pots de chambre près de la table que les gens utilisaient même pendant le repas, à la vue de tous. L’usage s’est perpétué jusqu’au XXe siècle. La nuit il trônait sous le lit (d’où le nom de vase de nuit), on a aussi inventé des tables de chevet avec tiroir à pot de chambre. Il y en avait de très beaux, en belle faïence ornée, et ils avaient souvent un œil peint au fond (d’où l’expression aujourd’hui tombée en désuétude « curieux comme un pot de chambre »). Aujourd’hui le pot de chambre c’est pour les enfants.

Le Bourdaloue : C’est un pot de chambre de forme oblongue avec au centre, un petit étranglement caractéristique, en porcelaine (ou en en tôle émaillée) et doté d’une seule anse(2). L’origine du mot vient de la cour de Louis XIV où dans la chapelle royale, l’abbé Louis Bourdaloue (1632-1704), prédicateur jésuite avait l’habitude de faire des prêches interminables. Les femmes vêtues de robes longues et amples, emportaient en cachette leur bourdaloue, le glissaient sous leur jupon, écartaient les jambes (il n’y avait pas de culotte à cette époque) et pissaient en plein prêche ! Le mot est utilisé aussi en chapellerie (ruban du chapeau) et en pâtisserie (tarte aux poires avec de la crème d’amandes… hum miam miam le bourdaloue…)

Le seau hygiénique : (ou tinette). Le pot de chambre, il fallait bien le vider, à Rome on ne s’embarrassait pas, les pots de chambre étaient vidés par les esclaves, dans la rue (dans une rigole centrale) et leur contenu y restait jusqu’à ce que la pluie les entraine. Au moyen âge, c’est un peu pareil, dans les villes, les excréments s’amassent avec les ordures(3). il est courant qu’ils soient jetés par les fenêtres (on a dû en interdire la pratique par décret), à la campagne, la cabane au fond du jardin (construite sur une fosse) (4) est utilisée directement de jour et sert le matin à déverser le contenu des pots de chambre. Dans les châteaux, un trou débouche dans le vide (dans les douves, dans une colonne creuse…) L’interdiction de l’abandon des excréments dans les rues conduira à l’invention du seau hygiénique (d’une capacité de 10 à 20 litres) dont le principe est simple, on y vide les pots, (on peut aussi s’en servir directement) et quand c’est plein, on va le jeter là où c’est autorisé.

La chaise Percée : Son origine daterait du VIIe siècle. Très appréciée dans les maisons royales, elle est un cadeau de valeur. On l’offre pour des anniversaires ou autres évènements. Il en existe deux variantes, l’une avec tiroir incorporé (contenant le pot de chambre) et une autre sans tiroir. Henri III y était tranquillement installé quand il reçut son assassin, Jacques Clément, un moine dominicain à la solde de la Ligue Catholique, qui le poignarda (1589). Louis XIV, comme tous les grands de ce monde avaient à sa disposition une chaise percée sur laquelle il s’asseyait pour y faire ses besoins tout en continuant à discuter avec ses courtisans, visiteurs, invités. Ni la vue ni l’odeur ne semblaient alors gêner…. Ce n’est donc pas le roi seul qui recevait sur sa chaise percée, c’était tout le monde. On ne se cachait pas, pas plus qu’on ne la cachait, on y écrivait, on y jouait, les ministres y donnaient audience, les généraux y donnaient des ordres, les dames y causaient. C’était tout simple… même si ça choquait Saint Simon ! Dire comme certains que son utilisation serait l’expression d’une marque de puissance destinée à montrer à son interlocuteur le peu de cas que l’on faisait de lui, nous parait une explication farfelue. Quand la duchesse de Bourgogne parlait, alors qu’elle était sur sa chaise percée, à ses amies, Madame de Nogaret et Madame du Châtelet, elle n’était pas le moins du monde gênée par ces fonctions naturelles. Il paraît même que… c’est là qu’elle s’ouvrait le plus volontiers. La chaise percée s’est perpétuée jusqu’au XXe siècle dans la marine et continue d’être utilisée en gérontologie (ainsi que dans certains jeux très particuliers.)

annexe : La légende de la Papesse
Au IXe siècle aurait régnée sur le trône du Vatican, une papesse prénommée Jeanne, (voir ici) cette aventure aurait contraint le Vatican à procéder à une vérification rituelle de la virilité des papes dès leur élection. Un homme d’église était censé contrôler leur masculinité en passant sous une chaise percée. L’inspection terminée, il devait prononcer la phrase rituelle : « Duos habet et bene pendentes » (« il en a deux, et bien pendantes »)
Malgré les dénégations du Vatican, de Wikipédia et de certains historiens, les témoignages d’époques existent bel et bien :
Ainsi Bartolomeo Sacchi dit Bartolomeo Platina (1421-1484), qui était préfet de la Bibliothèque du Vatican sous le pape Sixte IV (1471-1484). Dans son ouvrage « la vie des papes » (1479), il écrit : « quand les futurs papes vont être intronisés sur le siège de Pierre, ils sont d’abord examinés par le plus jeune diacre présent » (cité dans « The Legend of la Papesse Jeanne », Eugene Muntz 1900, p.330).
William Brewyn, pour sa part, publia en 1470 un guide des principales églises de Rome, il y est indiqué au chapitre concernant la basilique Saint-Jean de Latran (page 33) : « Il y a deux ou plusieurs chaises de marbre rouge avec des ouvertures, servant, comme je l’ai entendu, à tester si le pape est un homme. »

Toilettes publiques : Les premières firent leur apparition à Rome, il s’agissait de bancs avec plusieurs trous sur lesquels les gens s’asseyaient, de l’eau circulait en dessous et évacuait tout ça. Le moyen âge inventa les chalets de nécessité basé sur le même principe (mais très peu nombreux). Elles étaient signalées sur les édifices par Chiot (qui donna le mot chiottes), un petit homme sculpté au dessus des latrines, et représenté en train de faire ses besoins. Plus près de nous le préfet Rambuteau inventa les vespasiennes(5) (1834) et l’urinoir a été breveté aux Etats-Unis par Andrew Rankin en 1866. Depuis 1980, on a des sanisettes, invention débile dont l’utilisation relève du jeu de hasard, sachant qu’une personne peut rester 20 minutes à l’intérieur, que c’est souvent hors service…(6) alors on va au bistrot et si vous ne prenez pas un petit café on vous interdit l’accès aux toilettes. Ce doit être ça le progrès !

La nature : Si selon certains historiens, on se cachait pour faire ses besoin au moyen-âge, en revanche de nombreux témoignages indiquent qu’au XVIIe siècle on ne se gênait pas, à la ville les gens se soulageaient directement dans les rues, tandis qu’à Versailles les courtisans faisaient leurs besoins derrière les portes, sur les balcons ou dans les jardins, sans s’en cacher… et le roi, me direz-vous ? Et bien c’est là qu’intervient le porte-coton…

Le porte-coton : Jusqu’au 17e siècle environ, il arrivait que nos grands seigneurs puissent avoir envie de faire caca ailleurs que chez eux, donc dans ce cas, pas de chaises percées (voir plus haut) ! L’affaire était également prévue, et c’est là qu’intervient le porte-coton, personnage très important (et de bonne lignée) chargé d’essuyer les fesses royales après l’accomplissement de ses augustes défécations publiques !

La chasse d’eau : Les premières toilettes modernes apparaissent en Angleterre vers 1595. C’est Sir John Harrington, petit cousin de la reine, qui fait construire une cuve d’eau sur son toit. Un système de valve libère l’eau et évacue les déchets dans une autre cuve. Mais le tuyau droit propage des odeurs peu ragoutantes et il faudra attendre 1778 et l’invention du siphon pour y remédier…

Le papier toilette : Son appellation plus ancienne est « papier hygiénique », il est vulgairement dénommé papier à cul ou PQ, il fut inventé par l’américain Joseph Coyetty en 1857. Il a d’abord été fabriqué en bulle corde (papier de soie) puis en ouate de cellulose (comme les mouchoirs en papier ou les essuie-tout)
Contrairement à ce que l’on croit la méthode consistant à se torcher le trou de balle avec du papier n’est pas universelle. Cette méthode est propre aux habitants des pays riches qui ont les moyens de s’acheter ce genre de choses (eh oui…)
La méthode la plus répandue est l’eau, et se fait en trois temps :
1) on se lave les mains, soit avant de déféquer soit juste après
2) on se nettoie tout ça
3) on se relave les mains
Les autres méthodes sont les feuilles d’arbres, l’herbe ou alors le papier ordinaire (emballages, journaux… que l’on conserve exprès pour ça !)
On voit apparaître actuellement une tendance  » hygiéniste  » qui nous raconte que le nettoyage au papier est d’une efficacité insuffisante aussi bien du point de vue de la propreté que du point de vue sanitaire ! Et ces braves gens de prôner des produits qui eux seront d’une efficacité redoutable :
– La lingette pré-humidifiée
– Ou pire : une petite douche reliée à la chasse d’eau par un flexible. Ce système, conçu pour les populations de culture musulmane commencerait à faire des émules chez les occidentaux.
On croit quand même rêver, cela fait des dizaines et des dizaines d’années que l’on se torche avec du papier à cul sans que l’on relève une aggravation de l’état sanitaire de nos pays. Qu’est-ce que les marchands de lingettes et de flexibles viennent nous casser les pieds ! Espérons que ces produits ne seront pas rendus un jour obligatoire par une je ne sais quelle circulaire….
Quelques chiffres à présent :
Record de consommation par habitant : La Suède 19 kg par habitant et par an
La France, La Belgique (7 kg) et l’Italie (8 kg) sont dans la bonne moyenne
Le chiffre du Portugal étonne (3 kg)
80% de la production se vend en rouleaux, le reste en feuilles accordéons, la couleur la plus appréciée est le rose.
Au Japon, les fabricants s’amusent à imprimer des tas de trucs sur les rouleaux, pratique pour les longs séjours (on y a vu par exemple de véritables cours d’anglais). Les Allemands eux, préfèrent les petites fleurs… ils ont toujours été de grand poètes… Quant aux Grecs, ils ne jettent pas le papier usagé dans la cuvette, mais dans une poubelle juste à côté !

Hors sujet : On ne vous a pas parlé de la pissotière de l’impératrice, parce que ce n’est pas une pissotière mais du vin de Bordeaux ! Le château La Pissotière de l’impératrice doit son nom à un besoin pressant de celle-ci (Joséphine de Beauharnais), qu’elle put satisfaire en ce lieu alors qu’elle accompagnait Napoléon 1er lors des guerres d’Espagne ?

Toilettes Japonaises : Il reste à découvrir les toilettes à la japonaise, avec grande musique, analyse médicale incorporée, séchage automatique et poudrage à la lavande ! On m’a par ailleurs confié que dans certains établissements de ce pays, de charmantes jeunes femmes se livraient contre rétribution au nettoyage des culs de ces messieurs-dames, mais sans doute s’agit-il là d’une légende urbaine !

Notes :
(1) Wikipedia qui comme d’habitude raconte n’importe quoi, n’importe quand, fait dans l’article qui lui est consacré, remonter l’utilisation du pot de chambre au 11e siècle, en revanche dans l’article « toilette » on fait remonter son origine à la Rome antique, faudrait savoir ! Cela dit les articles sur ces sujets sur Wikipédia sont à mourir de rire, chacun y ajoutant ce qu’il veut de façon incohérente
(2) en fait ça ressemble tellement à une saucière que certains antiquaires peu informées les vendent comme telles
(3) les ordures étaient beaucoup moins volumineuses qu’aujourd’hui, on brulait tout ce qu’on pouvait, les ordures étaient donc constituées de cendres, de déchets alimentaires difficilement combustibles, de vaisselles cassées…
(4) « C’est un charmant petit trou tout entouré de cailloux avec des feuilles de papier journal coupées et accrochées à un clou « (Laurent Géra parodiant Cabrel)
(5) en référence à l’empereur romain Vespasien qui taxa l’urine
(6)…et que le but recherchée, l’hygiène à tout prix n’y est pas forcement au rendez-vous !

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4 réponses à Pots de chambre (du latin potdechambrus) par Estonius

  1. Vorion dit :

    Ah ! Si les pots de chambre pouvaient parler…

  2. LeVerrier dit :

    Intéressant et documenté. Il est étonnant de constater que les rapports qu’avaient nos ancêtres avec les excréments était beaucoup moins constipés (si je peux me permettre ce trait), qu’aujourd’hui

  3. Dominguez dit :

    Très intéressant, on s’instruit sur Vassilia.net

  4. bertet dit :

    O TEMPORA ! O MORES !

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