Un feuillet caché de Balzac Une découverte littéraire historique. par Georges_K

 

Un feuillet caché de Balzac
Une découverte littéraire historique.
par Georges K

Ce jour-là, l’audience dans le grand amphithéâtre de l’Université de la Colombie Britannique était tout à fait inhabituelle. On y pouvait voir de nombreux experts venus du monde entier, reconnaissables à leurs costumes cravates, lunettes élégantes et airs faussement décontractés, et une foule de jeunes étudiants attirés par la rumeur.

Le doyen dut réclamer le calme à quelques reprises, de manière bonhomme, et durant plusieurs minutes.

Enfin il appela le Professeur Eötvös Patocs, le grand spécialiste de Balzac. Il déclara qu’on ne le présentait pas, et en effet, il ne le présenta pas. Acceptant cette ambiance étrange, combinant avec art, comme l’exigeait la situation, le sérieux et le piquant, il déclara donc :

« Vous le savez, mon collègue va vous parler de la découverte d’un écrit érotique caché de Balzac. Cette découverte constitue un évènement culturel mondial et je suis fier que ce soit notre université, à Vancouver, qui s’en soit rendu capable. Je veux dire capable de trouver cet inédit, de l’analyser et, aux yeux de la communauté des spécialistes, de le valider ».

Puis le Doyen fit la chose la plus extraordinaire que puisse faire un Doyen d’Université : il se tut.

Le Professeur Eötvös Patocs, un homme vif, de petite taille, vint à la tribune. Il s’exprima en français avec un accent un peu rude, sans égard pour d’éventuels non francophones qui seraient venus par pure curiosité. Quand on s’intéresse à Balzac, bien sûr, on doit entendre la langue française !

« J’espère ne décevoir personne en disant tout de suite que je ne compte pas lire ici le texte de Balzac, mais simplement vous dire de quoi il s’agit et comment il nous est parvenu. ».

La salle s’agita.

« Mais comme on peut dire que l’étape de l’expertise est maintenant close, et que nous sommes certains de l’authenticité –car c’est tout ce qui nous intéresse- le texte est disponible et vous pourrez l’avoir en mains dès la fin de cette petite annonce. Car je connais votre faim de culture ! »

Cet humour un peu lourd, fut reçu avec faveur par les étudiants, et avec froideur par les experts. Mais ils allèrent jusqu’à sourire. Le professeur continua :

« Je serai bref. Tout le monde savait qu’une certaine phrase du roman connu sous le nom de « La duchesse de Langeais », mais paru sous celui plus surprenant : « Ne touchez pas la hache » suggérait un texte caché. Quelque chose, de toute évidence, ne collait pas. Vous connaissez tous par cœur le texte admirable de ce grand auteur. Vous vous souvenez du moment où le Général Montriveau a enlevé la duchesse et la retient prisonnière dans une cave, avec plusieurs de ses hommes, les fameux « treize », cette étrange franc-maçonnerie, nous dirions secte vaguement conspiratrice, de vigoureux militaires, tandis qu’un fer a été mis à chauffer dans un braséro, pour marquer la duchesse du sceau de l’infamie, d’ailleurs, une croix de Loraine. On a d’emblée une situation potentiellement érotique. C’est même, disons, un potentiel plutôt élevé !

Après quelques palinodies, durant lesquelles le général et la duchesse rivalisent l’un de dureté, l’autre de tendresse et de repentance, mais en réalité manœuvrent à qui mieux mieux, le général s’apprête à laisser la duchesse partir sans la toucher, l’écrasant de son prétendu mépris. Il allume un cigare. Et alors, la duchesse lui prend le cigare de la bouche… »

Ici, la rumeur de la salle enfle et le professeur ajoute : « Oui, je sais que dans un pays voisin, et sous une présidence encore récente, l’impact érotique d’un cigare est chose parlante ! Soyez certain que c’était déjà le cas à l’époque ! ».

Puis il poursuivit son exposé.

« Et puis ? Le général lui dit : « Je ne savais pas que vous fumiez ». Et la duchesse rétorque : « Que ne ferais-je, pour vous ? ». Des mots stupéfiants, lourds d’un sens trop évident. Puis la narration poursuit un cours relativement anodin : la duchesse est ramenée chez elle, elle attendra en vain un signe de celui que, maintenant, elle s’avoue aimer, elle entrera dans un couvent, bien plus tard, il tentera de l’enlever, etc, etc.

On sait que Balzac, plus qu’un écrivain, était par force un feuilletoniste, et ce roman-ci, il le publiait dans une revue, « L’écho de la jeune France ». C’est-à-dire qu’il écrivait jour après jour, épisode après épisode, et que la cohérence de ces histoires n’était pas toujours son premier souci. Je vous recommande, si vous ne le connaissez, le cas extrême d’une totale incohérence avec « La femme de trente ans ». Un autre cas … »

La salle commençait à bruisser.

« …significatif pour ce qui nous intéresse aujourd’hui, c’est « La physiologie du mariage », où il se montre à la fois audacieux, par exemple en proclamant le droit évident de l’épouse au plaisir sexuel, et très conservateur en faisant de l’infidélité conjugale le souci premier, presque le seul, du mari. Pour en revenir à ce passage de « la Duchesse »… »

Aaaaah ! Fait la salle.

« Il va de soi qu’un lecteur moyen, ou un spectateur moyen puisqu’on a fait un film de ce roman, ne peut pas ne pas penser que Balzac avait quelque chose en tête avec ce « Que ne ferais-je… ? ».

Mais il aurait pu se contenter d’imaginer, sans écrire. Donc voilà, nous sommes en 1834, un vendredi, Balzac rentre chez lui et prépare l’épisode du lundi. Mais ce qu’il écrit fiévreusement, ce soir-là, il ne le publiera naturellement pas. Il aurait pu le détruire. Par chance, il l’a conservé. Il aurait pu également le laisser se répandre de manière anonyme. Après tout Alfred de Musset, Théophile Gautier, George Sand, et tous les autres, ou presque, ont publié de manière prétendument anonyme des textes érotiques et scatologiques. Seulement, vous comprenez bien que ce n’était pas possible. La scène de la cave appelle, d’une certaine manière, ces pages de l’érotisme le plus fort. L’anonymat était tout à fait impossible : vous livrez une pièce d’un puzzle, une pièce qui s’emboîte parfaitement… Et le style de Balzac est reconnaissable, même si, dans ces pages, comme vous le verrez, il est altéré probablement par la fièvre de la rédaction. Je vous rassure tout de suite, on n’a pas, dans cet écrit, en tous cas on a moins, de ces descriptions exaspérantes dont on comprend la longueur quand on sait que l’auteur était payé au feuillet, sinon à la ligne. Ici, il écrit pour lui-même, sans aucun espoir de postérité. Est-ce que des familiers de Balzac ont lu ce texte ? C’est probable, mais seulement des personnes en qui il avait une confiance totale. Notez en passant que le texte érotique détruit l’intrigue. En dehors même de la question de la censure, si Balzac avait voulu l’inclure, il aurait dû changer toute la suite du livre.

La manière dont ce texte nous est parvenu est en elle-même ahurissante. Je ne vais pas être long. »

Bruits dans la salle : « Non ! Non ! Bravo ! Terminez !».

« Alors je vais droit à l’essentiel. Le feuillet a été écrit en 1834. Balzac a été l’objet au début des années 1840 d’un vol assez banal de la part de l’un de ses domestiques. Lorsqu’il a voulu dénoncer l’homme à la police, celui-ci l’a prévenu qu’il avait également volé le feuillet, dont il connaissait la teneur. Naturellement, Balzac préféra laisser tomber cette histoire d’argenterie. Quant au voleur, il garda le feuillet pour sa sécurité. Plus tard, cet homme participa aux barricades de 1848, fut noté comme révolutionnaire et à la restauration de l’empire, fut emprisonné et envoyé en Algérie comme colon. C’était une pratique commune. Il s’y est implanté et a fondé une famille. On considérait dans son entourage ce texte comme une obscénité sans nom, mais il était transmis de génération en génération avec la consigne de ne jamais s’en séparer, ni bien sûr le rendre public. Vers les années 1960, un descendant de cette famille a dû venir chez nous, en Colombie Britannique. Pourquoi ? Parce qu’il avait participé aux attentats de l’Organisation de l’Armée Secrète, OAS, qui voulait garder l’Algérie française, et avait du sang, beaucoup de sang, sur les mains. Vous savez que nous avons eu pas mal de zigotos de ce genre ici. Des anciens de la division Charlemagne, aussi ! Par hasard, le feuillet était dans ses bagages. C’est lui, c’est cet homme qui l’a mené jusqu’à nous. Il a refait sa vie ici, épousant une chinoise dont il n’a pas eu d’enfant. À sa mort, en 2011, son épouse a porté différents papiers et documents à l’instituteur du village, et par un hasard extraordinaire, cet instituteur, un, n’était pas un homme prude et deux, il avait lu « Ne touchez pas la hache » ! Voilà comment notre université a récupéré ce texte.

Je vais maintenant vous expliquer succinctement comment nous avons pu l’attribuer avec certitude à l’auteur génial de la Comédie humaine ».

…………….
À ce stade de la conférence, une bonne partie des jeunes auditeurs a quitté la salle pour se précipiter sur le texte, distribué à la sortie par l’association étudiante, contre un dollar canadien.

Voici donc le texte, les feuillets manquants du roman de Balzac.

…………….
« Que ne ferais-je pour vous ? ». Montriveau resta coi. Elle lui avait pris le cigare de la bouche et l’avait mis entre ses lèvres. Ce geste, comme ce mot, suggérait une folle indécence. L’heure passée avait ébranlé leurs nerfs. Elle s’était vue successivement brutalisée, menacée d’être marquée au fer rouge, accusée, méprisée, entourée de conspirateurs menaçants. Le premier mouvement du général fut de lui donner l’occasion de se reprendre : « Vos mots sont bien dangereux. J’imagine qu’ils dépassent votre pensée. ». Elle reprit un air arrogant, provocant : « Ils ne la dépassent nullement. Prenez-moi au mot. » La duchesse était surexcitée, comme si elle avait bu, elle était pourtant sobre. Les murs de la cave rougeoyaient. Il faisait chaud. À la fin, le général dit ceci : « Vous m’avez longtemps bercé de vaines paroles. Et je ne suis pas votre seule victime. Vous avez berné avec constance ceux qui vous aimaient. Aujourd’hui, je vous offre de vous racheter. Vous prétendez faire ma volonté ? Soit ! Sosthène, un papier, une plume ! Madame : écrivez. » L’un des hommes s’avance avec le nécessaire. « Ecrivez : Moi, duchesse de Langeais, je m’engage, ce soir (ici, vous mettrez la date de cette nuit) à faire suivant la volonté du général Montriveau, à qui je m’en remets entièrement. Puis vous signez ». Pâle, mais exaltée, la duchesse s’exécute point par point.

Elle pose la plume. Le général dit alors quelques mots à l’oreille de son aide de camp, Sosthène de Vitrac. Puis il se tourne vers la duchesse et déclare : « Madame, j’ai à faire en ville. Je vous laisse avec mes hommes, qui en useront avec vous comme il leur semblera bon. » En une seconde, le visage de Madame de Langeais changea du tout au tout. Blême, les yeux agrandis par l’horreur, elle dit d’une voix altérée, comme si elle tentait de rire : « Vous ne pouvez pas… ». « Telle est ma volonté, Madame. Je reviens dans deux heures. D’ici là, je vous laisse à mes camarades ». « Je m’en suis remise à vous, pas à vos … » ; « Madame, si vous me donnez un bijou, pour quelle raison ne puis-je moi-même l’offrir ? Vous m’avez soumis votre vouloir, c’est une offrande de grande valeur, mais ces hommes la méritent, soyez-en certaine. Il ne vous arrivera rien de fâcheux. Je serai bientôt de retour ». Sans en dire davantage, le général sort, se dérobant aux protestations de la Duchesse, il met la clé dans la serrure et la tourne. Le mécanisme fait un bruit sec. La cave est close, éclairée de la lumière mouvante des chandeliers, rougie par l’éclat du braséro.

La duchesse dit d’une voix tremblante : « Je refuse de me soumettre à vous-même ou à vos hommes. Ce n’est pas l’engagement que j’ai pris. Comptez-vous me violer ? ». En disant ces mots elle était tout près de défaillir. L’aide de camp lui répondit très doucement : « Non, madame. Il ne vous sera fait aucune violence. Le général a fermé la porte à clé, nous ne pouvons pas sortir. Mais si vous dénoncez votre engagement… »

« Ce n’était pas mon engagement, murmura le duchesse ».

« Ce l’était, madame. Vous deviez suivre la volonté du général. Et c’est par sa volonté que vous vous êtes livrée à nous. Mais si vous dénoncez cet engagement, nous ne vous toucherons pas, et dans deux heures, le général vous ouvrira la porte, comme il vous l’a ouverte tout à l’heure. »

« Et il me méprisera », souffla la duchesse, confuse et désespérée.

La chaleur est infernale. Un grand quart d’heure passe sans que personne dans cette cave ne dise mot ni ne bouge. Puis la duchesse cède. On l’entend prononcer, d’une voix à peine audible : « Eh bien, je suis donc à vous ».

Personne ne peut savoir par quel cheminement de son âme elle en arriva ainsi à se livrer. Certainement, toutes sortes de sentiments contribuèrent à cet abandon : le défi, d’abord. Cette femme orgueilleuse ne voulait pas quitter la scène par lâcheté. Aussi le sentiment très vif qu’elle éprouvait pour Montriveau, de qui elle ne pouvait renoncer à espérer de l’amour, ou du moins de la considération. Mais le plus décisif de ces sentiments était peut-être le moins avouable : la curiosité. Rien, dans son expérience, hors quelques lectures furtives ou allusions à peine comprises, ne l’avait éclairée sur ce en quoi consiste la luxure, la débauche. Ni son éducation, bien sûr, ni son mariage, qui n’en était pas un, ni ses insipides marivaudages…

Un homme prend la parole. Il en appelle un autre : « Jean, approche. Le général est parti avec son cigare ! Que pouvons-nous proposer à Madame la Duchesse ? ». Sans répondre, le jeune homme détache ses braies et sort sa queue, déjà à moitié bandée. La femme voit immédiatement sa résolution s’effondrer, elle tente de protester d’une voix basse, incertaine : « Monsieur, sur votre honneur… » Sosthène reprend : « Notre honneur, Madame, c’est d’obéir. Ne sommes-nous pas des soldats ? J’obéis au général et Jean m’obéit. Fumez, Madame ! Est-ce la première fois que vous vous livrez à cet exercice ? ». La duchesse le regarde et murmure « Mon vieux mari n’aurait jamais… » . « Il est des vieux maris qui en usent à proportion de leur faiblesse, Madame ! Mais ici vous avez un jeune homme en bonne santé, c’est bien autre chose, et voyez comme votre promesse a fait grandir son affaire ! Allons, usez de vos mains et de votre bouche ! » Jean étant debout, il fit asseoir la duchesse sur un tabouret. Elle prit le chibre de sa main droite et approcha le gland de sa bouche. Un bref sanglot : « l’odeur est épouvantable ! ». « Non, madame, c’est l’odeur de la chose, vous allez vous y habituer ». La langue touche le prépuce. Grimace. Elle ferme ses yeux. L’intromission se fait. Non facilement : l’organe est gros pour la bouche délicate de la duchesse. Peut s’en faut qu’elle ne se déboîte la mâchoire.

.Nouvelle grimace : « Le goût … ». Jean s’impatientait. De sa main droite, il dirigea la main de la femme sous ses couilles, et, lui prenant les cheveux, sans violence mais avec décision, il fit entrer son membre de quelques centimètres de manière que la langue et le palais prennent contact avec l’organe. « Fais attention que tes dents ne me blessent pas, et suce, suce mon cigare, là. Suce plus fort ! Comme si c’était ton pouce ! Comme tu as sucé le sein de ta mère ! C’est mieux. Avale ta salive. Ton autre main, fait un va et viens, là, branle ! Branle régulièrement. Ta main, ni molle, ni dure, douce, ferme. Tire un peu. Faut aller au bout. Suce et branle ! Avec ton autre main, chatouille les couilles ! C’est mieux ! »

Elle n’était pas si mal douée, compte tenu d’une éducation puritaine et de l’expérience d’un mariage presque blanc. Comme l’homme était jeune et au plus haut point excité par la situation, il jouit vite. En amant délicat, craignant qu’elle ne s’étouffe, il retira son membre à temps, éjaculant son sperme sur les dents, les lèvres, les joues, le cou de la duchesse. Les hommes applaudirent en riant, sans méchanceté. On lui tendit un linge afin qu’elle s’essuie. L’un d’eux lui offrit une bière, disant que « Ça donne soif, hein ! ». Elle boit et reprend ses esprits. Un instant soulagée, la duchesse voit en levant les yeux que trois autres militaires ont sortis leur queue et la manient doucement. Elle comprend avec un certain accablement qu’il faut qu’elle les contente également de cette manière. Celui qui s’approcha était plus grand que Jean, mais son engin était plus petit. Il prit son temps pour jouir et expliqua à la femme ce que devait faire sa langue, c’est-à-dire, tourner autour du gland, le long de l’ourlet qui le borne. Il eut aussi des exigences concernant la main et son mouvement. Il avertit la femme qu’il comptait se répandre en elle, dans sa bouche et qu’elle devrait accueillir cette giclée avec sang-froid. Ainsi fut fait. Elle recracha le sperme mais en connu le goût surprenant. Applaudissements, à nouveau, et bière. Comme la duchesse montrait qu’elle avait quelque gêne dans le cou, un homme vint derrière elle lui masser la naissance des épaules.

Elle demanda à Sosthène un instant et un endroit pour s’isoler, car la bière ingurgitée demandait à sortir. L’aide de camp lui dit : « Madame, mes amis vous ont appris quelque chose cette nuit, rendez-leur la pareille : ils n’ont jamais vu, vraiment vu, regardé, une femme pisser. En tous cas une duchesse. S’il vous plaît, permettez qu’on vous expose sur cette table de bois et laissez-vous aller. Nous sommes entre amis, libres, la nuit est jeune, vous savez que nous avons toute permission ». Ces derniers mots pouvaient sonner comme une menace, un rappel au moins de l’engagement qu’elle avait pris pour forcer le pardon du général. Cela sonnait aussi comme un appel à une licence qui n’était pas sans attrait. Mais la pudeur était la plus forte, sur ce point. Elle refusa, supplia. Sans en tenir grand compte, ils la hissèrent sur la table. Sosthène lui donna l’ordre de retirer sa robe et les plus intimes de ses dessous. La duchesse était bouleversée de sentiments et de pulsions contraires. Son beau visage était rouge de honte, de chaleur et d’excitation. Un jeune soldat vint à son secours en lui présentant un verre d’excellent Kirsch qu’elle avala d’un trait. Après cela, elle se dressa, se débarrassa de ses vêtements jusqu’à mi-corps, et, provocante, mis le triangle bombé de son sexe à la hauteur des yeux de tous les hommes. Mais l’énervement physiologique que créait sa vessie trop pleine fit qu’elle ne put tenir cette attitude de défi. Avec un gémissement dont on ne pouvait deviner quelle en était la part de rage, de colère ou d’un obscur et irritant plaisir, elle s’accroupit, renversa sa tête en arrière et vida longuement sa vessie. Deux soldats tendirent des mains avides vers l’urine qui tombait en cataracte et l’un d’eux lécha sa main trempée.

Après cet épisode, l’excitation des hommes avait monté de plusieurs degrés. Un sous-officier lui pris les bras, dénuda sa poitrine, libérant une paire de fruits encore fermes et déjà lourds. Il l’approcha de lui, laissant pendre ses jambes au bord, et commença à la renverser sur la table. Voyant ses yeux, anticipant la suite, la duchesse prit peur et se tourna encore vers l’aide de camp Sosthène : « Monsieur, je suis mariée, mais vierge. Et les maladies… ».

D’un geste, Sosthène arrêta l’homme et sourit à la femme : « Madame, je suis médecin des armées. Je veille personnellement à la santé de mes hommes, et même, par le fait, à celles des créatures avec lesquelles ils se délassent. Je veille encore à leur hygiène ! Et je puis donc vous assurer que leur commerce est parfaitement sain. De plus, je vous dis ceci : vierge vous êtes entrée, vierge vous partirez de cette cave. »

L’homme, que ses camarades appelaient Gus, tirant la duchesse au sol, lui fait faire un demi-tour et lui aplatit le haut du corps sur la table. « Ah ! » Fit la duchesse. « Vous n’allez pas… Non ! ». Ce fut cette fois Gus qui prit la parole, de sa voix juvénile mais bien timbrée. « Madame, lui dit-il doucement, notre chef vous l’a dit, vous pouvez faire cesser le jeu à tout moment. Vous vous serez arrêtée là. Mais pourquoi ne pas nous suivre ? Aucun mal ne vous sera fait. Vous connaissez le proverbe : « Souris qui n’a qu’un trou, est bientôt prise ». Vous devez rester vierge. Je vais simplement faire avec vous comme font les gars avec les filles de nos campagnes, dans les pays où l’on veut que la mariée tache de rouge le drap nuptial ! Et surtout, surtout ! Qu’elle ne fasse pas un petit sans père !». La duchesse de Langeais ne dit mot, elle poussa un soupir rauque de colère et d’obstination. En réalité, elle était trop excitée pour renoncer.

Cet affront, cet outrage indicible, un désir irrésistible la poussait à vouloir le subir. Sa position n’était pas confortable. L’un des soldats mit une couverture de laine entre le bois grossier de la table et ses seins délicats. Ensuite, ils passèrent tous derrière son corps pour regarder ses fesses blanches. Elle avait fermé les yeux, sinon, elle aurait pu voir que tous les hommes, même Sosthène, avaient ôté la plupart de leurs vêtements et que leurs membres étaient levés et tumescents. Ils passaient, tapotaient son cul, plusieurs l’embrassaient. Gus s’était mis à genoux et léchait l’entre-fesse. Lorsque sa langue toucha l’anus, elle sursauta de surprise avant de se détendre et de découvrir le trouble plaisir suscité par cette caresse, très philosophique puisqu’elle consiste à joindre l’alpha, la bouche, à l’oméga, l’anus, c’est-à-dire les deux extrémités du tube où passe le flux qui nous fait vivre.

Sosthène, dont le sang-froid était d’autant plus intact qu’il préférait l’amour des garçons, fit observer que la duchesse avait un petit cul, et des fesses peu volumineuses. S’ensuivit un débat technique sur la question de savoir comment se passe la sodomie, selon le volume des fesses. L’accord se fit sur l’opinion que les gros derrières sont plus difficiles à pénétrer, pour les gros membres, à cause de la pression qu’exercent l’une sur l’autre des masses musculaires et graisseuses trop considérables. Tout en causant, plusieurs hommes avaient risqué un doigt dans le cul bien salivé de la duchesse. Là encore, elle avait sursauté car c’est une intrusion très inhabituelle. Le vagin est facilement pénétré par un doigt, fut-ce avec précaution s’il s’agit d’une vierge, mais du trou du cul, usuellement, quelque chose sort. Elle n’eut pas vraiment le temps d’apprivoiser cette sensation qu’une main recouvrait l’endroit d’une bonne couche de saindoux, en même temps, bien sûr, que l’homme graissait généreusement sa queue. Enfin, il positionna le gland à l’entrée et poussa un peu. L’anus, au lieu de s’ouvrir, se contracta, et il fallut expliquer cela à la duchesse. C’était à elle de formuler le sésame : « Ouvre-toi » ! La femme dit que c’était impossible. Les hommes trouvèrent alors le moyen de l’intéresser à ce phénomène en lui faisant observer de près ce qu’il en était du cul de Gus quand le chibre de Sosthène frappait à son entrée. Ils lui demandèrent de graisser le trou de l’homme. Elle le fit. Ils lui demandèrent d’y enfoncer un doigt, comme on lui avait fait. En faisant la grimace, elle le fit. C’était facile. On lui montra, à dix centimètres, comment un anus se contracte, et comment il se détend. Finalement, Sosthène enfila Gus avec prudence et délicatesse. Toute cette pédagogie l’avait mise dans un état de chaleur et de résolution remarquables. On reprit l’exercice, patiemment, et Gus fit entrer sa bite dans le fondement de la duchesse de Langeais. Les hommes applaudirent. La duchesse riait et eu un orgasme violent. Elle avait inconsciemment manœuvré pour que le bord de la table presse son clitoris. Gus ne jouit pas en cet endroit, mais laissa la place, à tous ceux qui la voulurent, et qui, peut-être, envisageaient de dire un jour à leurs petits enfants qu’ils avaient, dans leur jeune âge, fait quelques va-et-vient dans le train d’une duchesse, chose incroyable. L’un d’eux, dont le nom était Albert, et qui était grand, voulu qu’on la retourne de manière à l’enculer tout en la regardant et en baisant ses seins. Dans cette position, si l’on conserve au membre toute sa course, donc en rejouant à chaque fois l’entrée, le bord inférieur du gland frotte sur la face antérieure de l’anus d’une manière telle qu’il est difficile à l’homme de se retenir. Il jouit en poussant un gémissement qui tenait du sanglot. La duchesse en fut émue, elle était dans un état intermédiaire entre tendresse et colère. Elle souriait et brusquement, gifla cet homme de toute sa force. Le soufflet fit un bruit extraordinaire. Malgré la surprise et la pulsion violente qui l’avait envahie, Albert ouvrit les bras en signe de capitulation et tendit l’autre joue. « Bravo ! », crièrent plusieurs de ses camarades, « Il l’a mérité madame ! ». D’on ne sait où surgit un martinet, sorte de petit fouet dont on se sert pour châtier un enfant où une domestique. La duchesse empoigna cet objet avec enthousiasme et frappa de toutes ses forces (lesquelles, en vérité, ne produisaient pas de souffrances très grandes, rapportées à la dureté quotidienne de la vie militaire) le ventre, le sexe et les fesses de celui qui l’avait enculée. Hors d’haleine, elle se fatigua et s’assit.

On donna encore de la bière à celle que maintenant on appelait de son prénom : Catherine. On parla philosophie. On se demanda pour quelle raison, hormis la nécessité hypocrite de respecter la fleur d’une vierge, les hommes apprécient tant la sodomie, même ceux qui aiment exclusivement le corps de la femme, alors que c’est un acte qui présente des dangers, un acte réputé sale, douloureux et maudit dans toutes les religions. La réponse apparut évidente dans le cours du débat : parce que c’est un acte qui peut être dangereux, douloureux, réputé sale, et maudit dans toutes les religions.

On discuta enfin des différents goûts des différentes bières. La Duchesse était presque nue. Un jupon qui laissait voir sa chatte et son cul, un chemisier d’où jaillissaient ses seins aux aréoles bandées. Tout en parlant fort, les hommes s’étaient approchés d’elle, insensiblement et peut-être involontairement. Ainsi serrée de près par plusieurs hommes en sueur, aux visages empourprés, aux cuisses frémissantes, aux pénis dressés, fesses crispées, Catherine était dans un tel état d’excitation que sa main frottait son entrejambe sans peut-être qu’elle ait eu conscience d’y avoir consenti. Elle oscillait, ivre et lucide, se touchant d’une main et touchant les hommes de l’autre, râlant quand un orgasme la submergeait, et lors son plaisir venait comme parfaire celui des soldats dont les sucs se répandaient sur ses cuisses et ses reins.

Un temps, hors temps, passa de cette manière, puis on entendit tourner une clef dans la serrure et la lourde porte s’ouvrit, laissant passer le Général.

« Ma chère Catherine, dit Montriveau, et vous, mes amis, j’espère que vous ne vous êtes pas ennuyés en mon absence. Et, ajouta-t-il, à vous voir, à sentir les effluves qui se dégagent de cet endroit, je le crois. Il nous faut quitter ces lieux, où, comme nous le savons, il ne s’est rien passé. Mes camarades, vous allez rejoindre vos postes, vous restaurer et peut-être faire un brin de toilette. Catherine et moi devons rejoindre le bal de la Princesse, auparavant nous passerons chez vous pour nous rafraîchir. Un bain chaud et de l’eau de Cologne nous attendent. Cette nuit n’aura pas existé. Vous connaissez le proverbe arabe : tu ne trouveras pas la trace du faucon dans le ciel, ni celle du poisson dans la mer, ni celle du serpent sur le roc, ni celle de l’homme dans la femme. »

Ayant dit, le Général pris la main de la Duchesse et ils se regardèrent. Elle, avec du défi dans ses yeux rougis par la débauche, lui, avec infiniment de respect.

Fin du manuscrit caché de Balzac.

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3 réponses à Un feuillet caché de Balzac Une découverte littéraire historique. par Georges_K

  1. Lucky dit :

    Un superbe pastiche que je vous conseille de lire en prenant votre temps, vous ne serez pas déçus

  2. Antinous dit :

    Inattendue, cette variation érotique autour de La Duchesse de Langeais est parfaitement réussie, le style de Balzac réussissant à se retrouver dans les plis de l’histoire dans sa dimension la plus osée. C’est un très beau pastiche !

  3. Kiroukou dit :

    Avec un titre pareil on pouvait s’attendre à de l’original, et on n’est pas déçu. Si les fantasmes restent très vassilien, la façon de nous raconter tout ça sort vraiment des sentiers battus et vaut le détour, et en même temps c’est remarquablement écrit. Chapeau l’artiste !

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