Martinov 28 – Meurtre à Bourg-la-Nonne –14 – Agathe de Millevois par Maud-Anne Amaro
Après avoir bu un jus de fruit bien mérité, le professeur et Béatrice retournèrent à leur labeur. Le pli étant pris ils allèrent plus rapidement en besogne.
Ils découvrirent dans la deuxième petite pièce, deux squelettes, probablement un homme et une femme. Dans la troisième pièce, il n’y avait aucun cadavre, juste un petit coffre en bois cerclé, relativement bien conservé.
On l’ouvrit d’autant plus facilement que le mécanisme était rongé par la rouille. A l’intérieur point de trésor, mais quelques objets intimes, un miroir, un étui de poignard et un manuscrit en mauvais état.
– Bien professeur, je vous félicite, votre mission est terminée, je vais vous régler vos émoluments, j’aimerais toutefois vous confier une tâche supplémentaire, seriez-vous en mesure de restaurer ce manuscrit ?
– Oui, ça se fait !
– Eh bien, je vous propose de trinquer au verre de l’amitié et qui sait ce manuscrit nous dira peut-être si un trésor est planqué quelque part. Sait-on jamais ?
– Il faudrait donner une sépulture décente à ses pauvres gens. Intervient Camilla.
– Camilla, on ne vous a rien demandé ! Rétorque Grégoire.
– Je vous conseille de n’en rien faire ! Indique Martinov, j’ignore si une procédure est prévue en pareil cas mais ça risque d’être lourd, le ministère de la culture, le département des monuments historiques… il vont vous prendre la tête…
– Mais je ne peux pas conserver ces squelettes dans mon château !
– Je vous propose d’attendre qu’on ait déchiffré le manuscrit, ensuite on avisera…, souhaitez-vous que je vous masque les trous avec du contreplaqué ?
– Je saurais faire, il m’arrive d’avoir la main bricoleuse ! Ne rigolez pas Camilla !
Grégoire Lamboley a désormais une idée fixe, il reste persuadé qu’il y a un trésor de planqué quelque part dans ce château, c’est donc avec une grande impatience qu’il attend les résultats du professeur Martinov. Mais en attendant il se livre à sa propre enquête…
Il se rend donc chez le libraire du coin et se présente…
– Il n’existe pas un ouvrage consacré au château de Grandpré ?
– Il n’y a pas grand-chose, mais il y a deux ou trois ans un étudiant en histoire a fait publier à compte d’auteur un mémoire sur l’histoire du château, ça n’a pas intéressé grand monde, il doit m’en rester quelques exemplaires à la cave, vous en voulez un ?
– Et cet étudiant vous avez ses coordonnées ?
– Non, et il n’était pas de la région…
– Bon tant pis… Je veux bien un exemplaire de son travail.
L’ouvrage relate plusieurs siècles de la vie du château depuis le 9ème siècle jusqu’à la Révolution, période au cours de laquelle le châtelain régnant et une partie de sa famille furent guillotinés après un simulacre de procès tandis que le château fut au trois quarts détruit par les flammes…
Grégoire Lamboley lit tout cela un peu dans le désordre rageant de ne rien trouver qui l’intéresse puis il tombe sur ce chapitre :
« Enguebert, le baron sanguinaire
Enguebert fut sans doute le baron le plus sanguinaire des châtelains, une sorte de Barbe bleu… En autres exactions, les chroniques de l’époque rapportent qu’il aurait fait décapiter sa première femme coupable de « trahison », il fit pendre sa deuxième épouse et l’amant supposé de cette dernière, pour fait d’adultère.
Après un troisième mariage avec Agathe de Millevois, il partit pour la troisième croisade en l’an 1190 et ne revint jamais. »
Donc tout s’explique ! Se dit Grégoire, le premier squelette est celui de sa première femme, les deux autres ce sont sa seconde épouse et son amant, tout cela date du 12eme siècle, mais pour ce qui est du trésor, je ne suis pas plus avancé !
Sauf que les déductions de Grégoire étaient fausses…
Béatrice a réussi à rendre visible l’encre avec laquelle a été rédigé le manuscrit, mais le résultat est à peine compréhensible, mélange de vieux français et de patois local.
– On ne peut pas rendre le truc comme ça à Lamboley, ça ne lui servira à rien, on va chercher sur Internet un linguiste spécialisé dans le vieux français
Alexandre Bonner est une sorte d’excentrique, binoclard et volubile, sa veste démodée est envahie de pellicules au niveau du col. Il rendit son travail sous quarante-huit heures.
– C’est une belle histoire, je vous l’ai restitué sous trois formes, une traduction littérale qui offre pas mal de points obscurs, une traduction adaptée épurée de tous ce qui peut paraître obscur, et une troisième où je me suis permis de romancer tout ça dans une courte nouvelle.
C’est cette dernière que lurent le professeur et Béatrice et que nous allons lire nous aussi :
La confession d’Agathe
Je m’appelle Agathe de Millevois, veuve du vicomte de Millevois mort accidentellement lors d’un tournois, ma famille m’a fait remarier au baron Enguebert de Comondec.
Je suis coupable de plusieurs crimes pour lesquels les flammes de l’enfer me sont promises.
J’ai péché en tuant trois personnes de sang-froid, j’ai péché en me complaisant dans un double adultère et dans la sodomie.
Alors à quoi bon me confesser devant un prêtre ? Je consigne néanmoins ces événements espérant sans trop y croire que Dieu dans sa grande clémence saura me pardonner, sachant que je souhaitais protéger ma propre vie.
Le mariage fut célébré en grandes pompes mais très vite de baron s’est révélé sous un jour brutal, autoritaire et sadique, il prenait plaisir à torturer ses domestiques sous des prétextes futiles avec la complicité de son écuyer et il était en cela encouragé par sa mère, Blanche de Comondec qui le dominait totalement, je n’échappais pas à ses instincts et fut flagellée plusieurs fois en présence de la mère.
Enguebert consignait ses faits et méfaits dans un journal intime que je découvris par le plus grand des hasards.
Il expliquait avoir fait décapiter sa première épouse pour un acte de trahison dont je n’ai pas saisi le sens, il poursuivait en écrivant que sa mère avait surpris sa deuxième femme en situation compromettante avec le capitaine de la garde, il avait fait pendre les deux amants adultérins et fait jeter leur dépouille aux chiens.
Parallèlement je développais un amour platonique avec Raoul le chef cuisinier du château. De platonique cet amour devint rapidement charnel et il me fit connaître des voluptés insoupçonnées mais interdites.
Raoul, étant donné son grade bénéficiait d’une chambre individuelle, quand il me proposa de m’y emmener afin qu’il puisse me baiser, je ne sus refuser.
L’homme était doux et me couvrait de caresses, je n’avais touché que la bite de mon époux Raoul me demanda de toucher la sienne, j’en éprouvait la douceur, mais quand il me demanda de la prendre en bouche, j’hésitais.
– Donne-moi du plaisir et je te le rendrai au centuple. Fais-moi confiance.
Ces paroles me plurent et me retrouvais en train de sucer cette organe avec l’étrange sensation de pécher gravement.
Il faut croire que je m’y prenais mal car Raoul fut obliger de me conseiller afin que j’accomplisse cette tâche impie de meilleure façon.
– J’aime qu’on me suce, mais maintenant c’est moi qui vais te lécher le con.
J’ai trouvé l’idée farfelue mais me suis laissé faire, quand on a un expert de la chose en face de soi, il convient de le laisser opérer sans le contrarier.
Très vite, j’ai ressenti des frissons insolites, des frissons de plaisir, c’était bon et je me suis abandonné à sa douce langue.
Ce plaisir est devenu de plus en plus fort, de plus ne plus incontrôlable et soudain n’en pouvant plus, j’ai crié
– Mais que m’as-tu fait ?
– Je t’ai donné du plaisir, tout simplement ! Maintenant je vais te baiser.
– N’est-ce point dangereux ? As-tu réfléchi ? Que se passerait-il si tu m’engrossais ?
– Mais ma douce, ce n’est point par le con que je vais te baiser, mais par le cul !
– N’est-ce point pécher que de faire pareille chose ?
– Au point où nous en sommes !
– Tu ne croirais donc pas au Dieu du ciel ?
– Bien sûr que j’y crois, la création ne s’est pas faite toute seule ! Mais c’est aux paroles des curés que je ne crois plus. Si Dieu est si bon pourquoi aurait-il créé les moustiques et champignons vénéneux ? Pourquoi aurait-il proscrit le plaisir charnel ?
– Ces propos me troublent…
– Alors passons à autre chose, me feras-tu don de ton cul ? Si tu refuses, je ne serais pas fâché, j’attendrais que tu sois décidée.
Alors je lui ai offert mon cul, j’ai ressenti un très grand plaisir, moins intense que celui que m’avait procuré sa langue, mais quand même !
Nous nous sommes ainsi rencontrés plusieurs fois de suite toujours avec le même plaisir, et un jour il me dit une étrange suggestion.
– J’ai appris à lire et un jour je suis tombé sur un manuscrit reprenant des récits des Grecs anciens dans lequel il est question de l’art de l’amour. J’y ai appris beaucoup de choses… mais sais-tu que pour eux l’amour le plus fort, celui qui multiplie les sensations et les plaisirs c’est l’amour de groupe.
Je me demandais où il voulait en venir…
– Sais-tu que Quentin, l’un de mes cuisiniers, rêve en secret de faire l’amour avec toi ?
– Non bien sûr ! Mais pourquoi me parler de ce garçon ?
– Si nous l’invitions à nos jeux amoureux ?
– Mais je ne l’aime point !
– Qui te parles d’amour ? Ce sera juste pour le plaisir !
Curieusement je ne refusais pas mais me demandais à moi-même comment pourrais-je avoir le courage d’annoncer à mon confesseur toutes ces turpitudes ?
Le lendemain, nous étions trois dans la chambre, je découvrais le vit de Quentin, plus épais que celui de Raoul, et le suçais avec conviction pendant que Raoul me prenait le cul.
Après un moment mes deux amants permutèrent, l’introduction dans mon intimité arrière du vit de Quentin me fit d’abord un peu mal mais la douleur s’estompa faisant place au plaisir.
Quentin après avoir pris son plaisir eu la délicatesse de nous laisser Raoul et moi, afin que notre rencontre se termine par de douces caresses.
Malgré tous ces instants de plaisir et de bonheur, je me sentais en danger. Avec raison ou non, je soupçonnais Blanche de nous avoir observé.
Si je voulais éviter un destin funeste, il me fallait prendre l’initiative.
Parallèlement Enguebert se préparait à rejoindre le duc d’Anjou afin de participer à la troisième croisade, je devais saisir cette opportunité.
Assistée d’une servante dont je tairais le nom, mais bien contente de se venger des sévices qu’on lui avait fait subir, j’empoisonnais Enguebert qui partit se coucher avec d’atroces douleurs avant de passer de vie à trépas, je dissimulais sa mort à son entourage et restais à veiller sa dépouille.
Quand sa mère, inquiète, pénétra dans la chambre, je la poignardais la tuant sur le coup, puis je fis appeler le chef de la garde et le reçu sur le pas de la porte
– Le seigneur Enguebert a eu un malaise passager, il est maintenant rétabli, il partira cette nuit rejoindre de Duc d’Anjou avec son fidèle écuyer, qu’on le fasse venir d’urgence.
Je congédiais le chef de la garde et quand l’écuyer pénétra à son tour dans la chambre, il goûta de mon poignard et succomba sur le champ
Il existait dans nos appartements privés trois petits renfoncements sans utilité. Au milieu de la nuit avec l’aide de Raoul et de Quentin, j’emmurais le corps de Blanche dans un de ces petits réduits, ceux d’Enguebert et de son écuyer dans un autre. L’opération fut facile puisqu’un amas de pierres se trouvait sur le chemin de ronde, prête à être utilisées en cas d’attaque du château. Et Raoul m’avait procuré du mortier.
Avant que le jours se lève, Raoul se revêtit de l’armure et du heaume d’Enguebert, tandis que Quentin prenait la place de l’écuyer. Ils quémandèrent l’ouverture du pont-levis et chevauchèrent dans la direction d’Angers.
Sans doute certains soupçonnaient-ils quelque chose mais ils ne le firent point savoir, la version officielle étant que le baron était parti rejoindre en pleine nuit les troupes du duc d’Anjou.
Le plan prévoyait que Raoul et Quentin reviennent le lendemain, débarrassés de leurs déguisements. J’ignorais totalement quelle serait à présent ma nouvelle vie, mais Raoul m’avait assuré que je pouvais compter sur lui et qu’il avait quelques idées…
Je n’ai jamais revu ni Raoul, ni Quentin, sans doute par crainte que leur complicité dans mes crimes soit découverte, sont-ils aller se faire pendre ailleurs me laissant seule et désespérée avec mes illusions perdues et ma honte.
Je vais dès demain cheminer vers le couvent de Lubrant, j’y prendrais le voile et resterais cloitrée en m’efforçant d’expier mes péchés.
Il me reste maintenant à emmurer cette confession après l’avoir déposée dans un coffre avec mon miroir qui savait refléter ma beauté qui désormais ne me servira plus, ainsi que la trousse dans laquelle je cachais le poignard avec lequel j’avais assassiné Blanche et l’écuyer..
Que Dieu puisse me pardonner !
Fin du récit d’Agathe.
A suivre
Un aparté surprenant mais que j’ai lu avec beaucoup de plaisir
Un intermède moyenâgeux qui ne manque pas de piquant