Mamie déprime – 14 – par mlle_heleneD
La demande de divorce suivit rapidement leur séparation. Il fut convenu que Valérie garderait la maison et qu’Eric continuerait de participer financièrement aux frais, à la scolarité de Jade, ainsi qu’à sa transition commencée avec Ambre.
A son tour, Jade avait succombé au désir de vivre en fille définitivement. Le proviseur n’omit aucune objection. Que pouvait-il faire d’autre de toute façon ? Il y avait eu un précédent et il ne pouvait plus revenir en arrière.
Valérie s’inscrivit sur un site de rencontre, mais sans grand succès. Elle avait spécifié qu’elle était débutante et cela avait suffi à refroidir toutes les candidates. Elle rencontra Noémie par le plus grand des hasards et surtout par accident.
Le drame arriva un mercredi, juste après le repas de midi. Ce jour-là, Valérie déjeuna seule, contrainte par une réunion tôt dans l’après-midi. A la sortie du self, la chute d’un plateau de verres sur le carrelage lui fit tourner la tête. Sans voir qu’une femme arrivait en face, un café à la main. Le choc fut inévitable et le café fut absorbé par le chemisier blanc de la femme. Elle poussa un grand cri, à la fois par le choc et la brulure du café encore chaud.
Valérie se confondit en excuses. La femme la fusillait du regard. Elle l’accompagna jusqu’au toilettes pour tenter de nettoyer les dégâts, malheureusement définitivement irrécupérables.
– Non, non, non, ce n’est pas possible, se lamenta la femme. J’ai une réunion dans une heure et je ne peux pas y aller comme ça.
– Je comprends. Encore toutes mes excuses. Ecoutez, on a la chance d’être à la Défense et je vous propose d’aller dans une boutique aux Quatre Temps pour vous trouver un nouveau chemisier.
– D’accord, mais c’est à vos frais.
– Cela va de soi. Vous faites quelle taille ?
– Quarante, répondit-elle, acerbe.
– Parfait. Attendez-moi ici. Je fais vite.
Valérie partit au pas de course. Du moins, aussi vite que le permettaient sa jupe droite et ses talons hauts. Elle connaissait le centre commercial comme sa poche et elle se dirigea directement vers la boutique où elle avait ses habitudes. Une vendeuse l’aida à trouver un chemisier quasiment identique auquel elle ajouta un haut, au cas où le chemisier ne serait pas à la bonne taille.
Elle retrouva la victime à peine trente minutes plus tard, assise sur les toilettes de la cabine handicapé. Son regard était toujours aussi glacial.
– Je m’appelle Valérie.
La femme ne répondit pas, arrachant presque des mains, le sac contenant le chemisier. Elle se tourna et retira le vêtement détruit.
– C’est la bonne taille, commenta Valérie, qui ne pouvait détacher son regard du corps de cette femme.
Pendant qu’elle se boutonnait, elle prit le temps de la regarder. A peine quarante ans, des cheveux mi-longs, châtains. Son visage n’était pas maquillé, ou alors très discrètement. Un pantalon et des escarpins basiques, sans charme, aux larges talons de quelques centimètres. Il semblait évident à Valérie que cette femme ne prenait pas soin d’elle, n’attachait aucune importance à son apparence. Pourtant, elle était naturellement jolie. Un léger relooking la transformerait en princesse à la beauté incendiaire.
– Je suis encore désolée, dit Valérie. Vraiment. J’espère que vous me pardonnerez.
– Oui, ce n’est pas un drame non plus. Je vais pouvoir aller à ma réunion sans stress. Tenez, je vous rends votre sac.
– Non, gardez-le. Je l’avais pris au cas où. Disons que c’est un cadeau pour m’excuser.
– Ce n’était pas nécessaire.
– Pour moi, si. Je ne connais toujours pas votre prénom.
– Noémie. Je suis à la compta et la paie.
– Aïe ! J’ai du souci à me faire pour mon prochain virement de salaire ?
– Non. Mais ne me tentez pas non plus.
– Je vous offre un café ? proposa Valérie.
– Je ne suis pas sûre que ce soit une bonne idée.
– Je resterai loin de vous.
– Mais pas trop quand même. Je n’ai pas envie de crier pour discuter.
– Ça me va.
Elles longèrent le couloir vers la cafétéria. Valérie commanda deux cafés et gagnèrent une table libre.
– Vous êtes à quel service ?
– Commercial. Je manage une vingtaine de commerciaux.
– Je vois. Grosse responsabilité.
– Pas plus que la tienne.
– On se tutoie maintenant ?
– Pardon. Désolée.
– Mais non, je te taquine.
Elles parlèrent encore quelques minutes.
– Bon je dois y aller maintenant, dit Noémie. Merci pour le chemisier.
– De rien. Je n’avais qu’à faire attention.
– Pas faux. Bon après-midi.
– Merci. A toi aussi. Noémie ?
– Oui ?
– On se revois pour un café ? Tout à l’heure ou demain ou quand tu veux. Si tu veux.
Noémie sourit.
– Cherche Noémie Grandjean sur Teams. Il n’y en a qu’une.
– Merci.
Valérie remonta à son bureau, le cœur battant. Elle déverrouilla fébrilement son PC et chercha Noémie dans Teams
– Trouvée ! écrivit-elle. Si tu veux faire une pause, quand tu as un moment …
Noémie ne lui répondit pas.
Valérie quitta le bureau vers dix-neuf heures, déçue ne de pas avoir de nouvelle de Noémie. De toute façon, pourquoi en aurait-elle eues ? Elles ne se connaissaient pas et ce n’était pas un accident de café qui allait faire comme si elles avaient été copines depuis toujours.
Le lendemain, Valérie fut tentée de lui écrire mais se ravisa. Il ne fallait pas non plus verser dans le harcèlement.
Vers dix-heures trente, son icone Teams se mit à clignoter.
– Café ? demandait Noémie.
– Avec plaisir, réussit à taper Valérie après la dixième correction du texte. A la cafétéria, comme hier ?
– Comme hier.
Noémie l’attendait devant l’entrée, un grand sourire sur ses lèvres. Valérie remarqua qu’elle portait le haut acheté la veille en même temps que le chemisier.
– Il te va bien lui aussi, commenta Valérie
– Oui. Parfaitement bien.
Elles entrèrent, commandèrent un expresso accompagné d’une mini viennoiserie. Elles accaparèrent un des rares mange-debout encore libres. A la lumière du jour, Valérie nota du mascara sur les cils de Noémie et de la poudre sur le visage.
Elles restèrent pas loin d’une demi-heure à parler de leur situation familiale, de leur jeunesse. Noémie était célibataire, sans enfant. Elle avait eu des relations plus ou moins longues mais ne donna pas de détail. Trop douloureux avait-elle invoqué.
– On refait une pause cet aprèm’ ? demanda Valérie.
– Je te bipe si j’ai le temps. On commence à préparer les paies du mois.
– Oui je comprends.
Noémie envoya juste un mot pour s’excuser de ne pas être libre. Et ne le fut pas plus durant les dix jours suivants. Elle ne resta pas muette non plus en lui envoyant un petit coucou matinal et quotidien. Valérie retrouva le sourire lorsque Noémie lui proposa de prendre un café.
Lorsqu’elle retrouva Noémie devant la cafétéria, Valérie manqua de défaillir en la voyant. Et pour cause, elle portait une robe noire, simple mais élégante, les jambes habillées de nylon satiné, chaussé de salomés aux talons moyens. Son maquillage était plus affirmé.
– Coucou, clama Valérie guillerette. Tu vas bien ?
– Très bien. et toi ?
– Très, très bien. Tu es toute mimi dans cette robe.
– Merci. Je te plais ?
Valérie marqua un temps d’arrêt, surprise.
– Beaucoup, répondit-elle la bouche sèche.
Elles entrèrent dans la cafétéria sans plus de commentaire de la part de Noémie. Elles parlèrent surtout du travail.
– Dis-moi, reprit Noémie en sortant, tu es libre à midi ? On pourrait déjeuner à l’extérieur ? j’ai besoin de décompresser.
– Oui, ce sera avec plaisir.
– Midi, devant l’accueil ?
– Midi, devant l’accueil, confirma Valérie.
Valérie constata que Noémie s’était repoudré le nez. Elle pensa aussitôt à une opération séduction, sans y croire tellement c’était improbable. En arrivant dès midi, elles trouvèrent facilement une table. Elles reprirent leur discussion du matin qui dériva sur bien d’autres sujets.
Elles attendaient leurs cafés, lorsque Noémie se mit à parler d’une voix plus troublée.
– Tu sais, quand je te parlais de mes relations qui n’avaient pas durées. Il faut que tu saches, et j’espère que tu ne seras pas déçue, que mes ex étaient des femmes.
– Tu es …
– Oui, homo. Je ne te choque pas ?
– Pourquoi le serai-je ?
Valérie prit la main de Noémie et mêla ses doigts aux siens.
– Au contraire même, poursuivit Valérie en la regardant droit dans les yeux. Au contraire. J’aurai été déçue si tu m’aurais dit que tu étais hétéro convaincue.
Le visage de Noémie s’éclaira d’un sourire charmant.
– Je me doutais que tu étais attirée par les femmes, mais je n’en étais pas sûre.
– Qu’est-ce qui t’a mis la puce à l’oreille ?
– Ta façon de me regarder quand tu m’as donné le chemisier pour remplacer celui qui était taché. Il y a longtemps que tu sais que tu es homo ? Et comment tu l’as su ?
Valérie fut subitement gênée. Mais elle décida de jouer la carte de la franchise. Aussi, raconta-t-elle comment elle avait mis sa mère dans les bras de son mari, comment elle s’était jointe malgré elle à leurs jeux et comment elle avait aimé faire l’amour avec sa mère.
– C’est pas commun comme expérience. Et non, tu ne me choque pas. pour tout te dire, moi aussi, j’ai eu une liaison taboue avec mon père. Quand j’ai annoncé à mes parents que j’étais homo, ils ont tout fait pour essayer de me remettre dans le droit chemin, jusqu’à aller me proposer de faire l’amour avec mon père. j’ai dit oui pour qu’ils me foutent la paix. Je suis allé jusqu’au bout sans prendre du plaisir. Ce n’a fait que confirmer mon homosexualité. Mes parents se sont résignés et ont fini par m’accepter. Même s’ils ont encore du mal avec ça.
– Je compatis.
– Merci, c’est gentil. On y va ?
– Oui. Il faut s’y remettre. Même si je préférerai rester avec toi.
– Demain, c’est le week-end, dit Noémie avec un sous-entendu plus qu’évident.
Valérie lui répondit par un grand sourire.
A suivre