4 – Vélizy aussi
Albert
17 heures 30, Albert est encore au bureau. Son téléphone portable se met à sonner. C’est Sonia. Il décroche avec appréhension.
Sonia est mal à l’aise, elle aurait préféré que cette affaire tourne autrement, elle ne pensait pas qu’Albert s’enticherait autant d’elle… pourtant elle aurait dû le savoir : c’était la condition pour qu’il réalise ce qu’elle devait lui demander. Normalement aujourd’hui sa mission était terminée et il devait lui remettre les documents qu’il avait trouvés. Mais elle n’a pas le courage de l’affronter, elle va trouver un gros mensonge pour expliquer son absence et faire remettre les documents à une copine.
– Je suis obligée de descendre à Périgueux. C’est ma mère, ça ne va pas du tout, je crois que c’est la fin. Je te tiens au courant.
– Je suis désolé, je suis de tout cœur avec toi ! Balbutie-t-il.
Ils échangent encore quelques mots, il attend qu’elle lui parle des documents compromettants, ça ne vient pas, « elle a sans doute d’autres choses à penser » se dit-il et n’aborde pas non plus le sujet.
– Je pense que j’en ai bien pour huit jours, je te tiens au courant. Je t’embrasse. Ajoute-t-elle.
– Moi aussi je t’embrasse, je suis de tout cœur avec toi. Répète-t-il tel un perroquet.
Albert était dépité, frustré, mal à l’aise.
Un quart d’heure passe. Son portable sonne : c’est un message de Sonia.
« Pour le petit service que je t’ai demandé, merci de remettre ce que tu as trouvé à ma collègue Faby, à l’endroit et à l’heure de notre RV. Je t’embrasse. »
« Mais je n’ai rien à lui donner ! » Se désole Albert.
Il tente plusieurs fois de joindre Sonia, en vain, elle ne répond pas. Il lui faudra donc rencontrer cette Faby et lui expliquer.
Faby est une femme très élégante, grande (très grande même !) brune, cheveux courts et yeux bleus.
– Vous êtes Faby ?
– Eh oui, c’est bien moi !
– J’ai essayé de joindre Sonia mais ça ne répond pas. Ce qu’elle m’a demandé n’est pas prêt, si vous arrivez à la joindre, dites-lui que ce sera prêt pour son retour. Désolé de vous avoir dérangée pour rien.
– Ce n’est pas bien grave, je vous laisse alors…
Evidemment, une fois Albert hors de vue, Faby prévient Sonia, qui dans tous ses états, appelle Madame Juliette à l’agence.
– Le client va être furieux ! T’as bien fait tout ce qu’il fallait ?
– Bien sûr ! Ce n’est pas de ma faute s’il lui faut du temps supplémentaire. De toute façon il a promis qu’il aurait tout ça pour mon « retour ».
– Je vois avec le client et je te rappelle.
Effectivement, Madame Juliette la rappela un peu plus tard.
– Voilà ce que tu vas faire, invente-toi un prétexte pour ne pas le voir pendant quelques jours…
« C’est déjà fait, mais elle n’a pas besoin de le savoir ! » se dit Sonia
– Et, continua Juliette, annonce lui ton retour pour vendredi. Je te bloque un rendez-vous ce jour-là à 19 heures. Tu récupéreras ce qu’il a à te donner et dans la foulée tu apporteras ça à l’agence. Tu n’es pas obligée de coucher avec lui, tu as même le droit de le larguer.
Ce plan tout simple convenait très bien à Sonia, à ceci près qu’elle demanderait à Faby de récupérer les documents à sa place, elle ne se sentait pas assez salope pour affronter le regard d’Albert après lui avoir donné de faux espoirs.
Albert se persuada que Gérard Molay pouvait sinon le renseigner du moins le mettre sur une piste au sujet de la gestion trouble de Choser & Ruppert. Il avait son adresse, il faudrait qu’il se déplace. Pas question ce week-end, ce serait donc lundi soir après le boulot.
Suite du Flash-back – Lundi 25 Février
Extrait du rapport de filature :
Vendredi 18 heures : Albert Leberger attend une personne à l’entrée du pont de Grenelle. Contact 5 minutes après avec une femme qu’il ne semble pas connaître, (photo jointe) Bref échange verbal (3 minutes), aucun échange de documents. Rien de particulier à signaler ce week-end.
Darousse furibard décroche son téléphone et appelle Remiremont.
– Si je comprends bien, vous n’avez pas cherché à savoir quelle est cette personne qu’Albert Leberger a rencontré ?
– Vous nous avez demandé de filer Leberger, on a filé Leberger, pas les gens qu’il pouvait rencontrer.
– Mais enfin, ça tombe sous le sens qu’il fallait savoir qui est cette personne !
– Je ne suis pas de cet avis, notre agent ne pouvait pas se couper en deux !
– Il fallait laisser tomber Leberger et suivre la fille.
– Encore une fois, ce n’est pas ce que vous nous aviez demandé.
– Je suis très déçu…
– La prochaine fois, formulez mieux vos demandes, mais ne vous faites pas d’illusions, si un type que l’on file rencontre douze personnes, on fait comment ?
Albert est angoissé en arrivant au travail, il s’attend à une convocation de la part de Darousse… qui ne vient pas. Il entreprend alors de rédiger un rapport dans lequel, il explique qu’après avoir décelé une attaque virale « à retardement », il a recopié les fichiers infectés sur une clé afin de les désinfecter. Ça vaudra ce que ça vaudra, mais ce sera sa ligne de défense si on l’enquiquine.
La journée de travail se déroula sans incident. Le calme avant la tempête ?
A 18 heures, toujours au bureau, il téléphone chez Gérard Molay, tombe sur son épouse qui l’informe qu’il n’est pas là mais qu’il devrait rentrer dans une demi-heure. Il ne demande pas son numéro de portable, laisse passer 40 minutes, refait une tentative.
– Albert Leberger, responsable informatique de chez Choser & Ruppert, vous vous souvenez de moi ?
– Oui, vaguement, c’est à quel sujet ?
– Est-ce que je peux passer vous voir cinq minutes, je suis un peu sur la touche et comme je suis un peu au courant des circonstances de votre départ de l’entreprise, je…
– C’est du passé tout ça, je n’ai pas envie d’en parler, je suis désolé. Au-revoir monsieur.
Et il raccrocha ! Le plan d’Albert s’écroulait, il ne voyait pas bien ce qu’il pourrait faire maintenant ? Engager la conversation avec des collègues qu’il fréquentait ? Peut-être ?
Et son téléphone sonna.
– C’est Molay, finalement, j’ai changé d’avis, on peut se voir quand ?
– Le temps d’arriver, vers 19 heures 30, ça va ?
Ça allait. Albert rangea ses affaires, sortit et se dirigea vers une station de taxi proche.
Starsky (appelons-le ainsi), le prit aussitôt en filature. Il devint blême quand il le vit se diriger vers la file de taxi et emprunter l’un deux. Sans hésiter il monta lui aussi dans un véhicule, exhiba une vague carte barré de tricolore :
– Police ! Suivez le taxi qui vient de démarrer !
– Comme dans les films ? Y’a pas de risque au moins ?
– Aucun, c’est juste un petit escroc de merde sans aucune envergure.
– C’est parti ! Mais je n’ai jamais fait ça, moi !
– Y’a toujours une première fois !
C’est ainsi que les deux voitures se retrouvèrent quarante minutes plus tard dans un quartier pavillonnaire de Vélizy.
– Il s’arrête, je fais quoi ? Demande le chauffeur de Starsky.
– On attend, garez-vous là !
– C’est un bateau !
– Ça ne sera pas long.
Le taxi d’Albert redémarre après que son passager soit descendu. Starsky descend à son tour et renvoie son propre taxi, il voit Albert sonner au n° 36. Il ne lui sera pas bien difficile de connaître l’identité des occupants, et en attendant… il attend.
Albert entre, Gérard Molay accepte la main tendue sans enthousiasme.
– Gina, ma femme, je souhaite qu’elle assiste à l’entretien, si vous n’y voyez pas d’inconvénient.
– Aucun !
Gina est un petit bout de femme brune au visage d’ange et au regard coquin. Albert se dit que Gérard à bien de la chance d’avoir une telle compagne.
– Asseyez-vous, nous vous écoutons.
– C’est très simple, la direction de Choser & Ruppert est en train de me pousser vers la sortie, j’aimerais leur faire disons, un « cadeau empoisonné ». Il est de notoriété publique que la société n’est pas trop clean au niveau de la chaine de fabrication. J’ai appris aussi que votre départ de l’entreprise n’était pas sans rapport avec cette situation. Alors je cherche à en savoir davantage. Il est bien entendu que ma discrétion vous est totalement assurée.
Gina fait un énigmatique sourire en direction d’Albert, que ce dernier ne sait comment interpréter.
– Vous cherchez donc à en savoir davantage ? Répond Gérard, le problème c’est que je n’ai rien d’intéressant à vous apprendre. Contrairement à ce que vous affirmez, la chaine de production a toujours fonctionné sans aucune faille sanitaire.
– Ah ! Mais peut-être que ce que vous me direz m’intéressera quand même.
– Vous ne m’avez pas compris, je n’ai rien à vous dire.
– Rien du tout ?
– Rien ! Et l’entretien est par conséquent terminé, ajoute Gérard en se levant de son fauteuil.
Albert ne comprend plus.
– Mais pourquoi avoir accepté cette rencontre, alors ?
– Ah ! Ah ! Bonne question. J’ai une certaine habitude des gens qui téléphonent pour ceci ou pour cela, on a beau leur dire « non », et leur répéter cent fois, ils reviennent toujours à la charge. C’est, ce que vous auriez fait aussi, n’est-ce pas ?
– Mais…
– Alors ces gens-là, il suffit de les rencontrer, de leur dire « non » bien en face et après, en principe, on a la paix. Excusez-moi d’être si direct. Je ne vous retiens plus Monsieur Leberger.
Albert se lève, mal à l’aise, il ouvre néanmoins sa sacoche et en extrait la note de service confidentielle qu’il a trouvé dans l’ordinateur de Darousse. Mais, il ne la tend pas de suite à Molay, espérant que ce geste éveillera sa curiosité.
– Je pensais que vous saisiriez l’opportunité que je vous offrais de vous venger d’une certaine façon de la façon dont Choser & Ruppert s’est débarrassé de vous. Mais bon votre décision vous regarde.
– Bon, je vais mettre les points sur les i, puisque manifestement vous faites semblant de ne pas comprendre. Et après on en restera là, d’accord ?
– Je ne demande qu’à comprendre…
– Je suis parti de la boite avec mon petit secret. Ce petit secret je le garde pour moi et pour deux raisons : la première c’est qu’on a acheté mon silence, ça c’était la carotte, mais la carotte n’est jamais sûre, quelqu’un peut toujours renchérir, alors j’ai eu droit aussi à des menaces et il se trouve que je les ai prises au sérieux, je n’ai aucune envie qu’on s’en prenne à ma maison, à ma voiture, à mon chien ou pire à mes gosses ou à ma femme ! Ça y est vous avez compris ?
– Oui !
– On a tenu à me préciser que mon silence ne devait souffrir d’aucune date de péremption, c’est à vie ! Et qu’à la limite, ils se permettraient de m’envoyer du monde pour vérifier. Qu’est ce qui me dit d’ailleurs que vous n’êtes pas l’un de ces envoyés spéciaux ?
Albert tendit la feuille
– Je suppose que vous n’avez pas eu connaissance de ce document, lisez-le et dites-moi si un envoyé spécial comme vous dites, vous aurait rapporté ça ? Après je m’en vais.
– Pas mal en effet, répondit Gérard après avoir lu la note, mais ça ne prouve rien.
– J’ai aussi recopié toute une année de facturation, mais je n’y connais rien, il faudrait croiser les factures avec les bons de commandes, comparer les prix avec ceux du marché, voir si les quantités commandées et livrées sont cohérentes, je ne sais pas faire ça…
– Stop ! Stop ! On en reste là ! Monsieur Leberger !
– Bien je vous laisse.
– Laissez-nous vos coordonnées intervint alors, Gina, on ne sait jamais.
Albert griffonna son numéro de portable sur un bout de papier et prit congé. Il repartait bredouille et en était moralement anéanti.
– Pourquoi tu lui as demandé ses coordonnées ? Demande Molay à son épouse. On les a sur le téléphone.
– Sur le téléphone, ça va s’effacer. C’est juste au cas où ?
– Au cas où, quoi ?
– Il est sincère, ce mec, ça se sent, dit alors Gina à son mari.
– Oui, je crois aussi, mais je ne veux prendre aucun risque.
– Quand on t’a viré, tu t’es écrasé, et maintenant que tu avais l’occasion de les emmerder, tu t’écrases encore !
– Le fric qu’ils m’ont filé, tu as été bien contente de le trouver non ? Quant aux menaces, si tu ne les a jamais prises au sérieux, moi si !
– Dégonflé ! T’es qu’un dégonflé !
– On sonne !
– Je vais voir !
C’est Albert qui une fois dehors, s’est demandé comment il allait faire pour rentrer. Il aurait bien demandé à quelqu’un mais la rue était déserte hormis un type planté sur place et occupé à téléphoner.
– Excusez-moi, vous pourrez m’indiquez la direction d’une station de taxi ?
– Des taxis ? Peut-être à la gare ! Alors pour aller à la gare…
Il n’est pas sûr de retenir tout ce qu’elle a dit, mais au moins sera-t-il dans la bonne direction.
– Appelez-moi demain vers 10 heures ! lui murmure-t-elle avec un coup d’œil complice.
Du coup le moral d’Albert remonte de plusieurs niveaux, il sifflote comme un pinson dans la rue déserte. Déserte, non pas tout à fait, il y a toujours ce mec avec son téléphone. Albert se dirige dans sa direction, l’inconnu traverse et disparaît du paysage.
Evidemment, Albert dont le sens de l’orientation n’est pas le point fort ne tarde pas à se perdre. Il cherche un passant qui puisse le renseigner, se retourne et aperçoit de nouveau le bonhomme au téléphone.
« Encore lui, mais comment est-ce possible ? J’ai dû revenir sur mes pas ! Bizarre ! »
Et soudain, il est pris d’un horrible doute :
« Ce mec me suit ! »
Il continue à errer et se retrouve à un carrefour où un panneau indique le chemin de la gare. Il y va, tombe sur une rue commerçante, il prend prétexte d’être intéressé par une vitrine afin de vérifier si son suiveur est toujours là. Mais il ne l’aperçoit pas.
Il y a bien une station de taxi à la gare, mais point de taxi ! Il se met donc à en attendre un en jetant un regard circulaire sur la place.
« Non, pas de suiveur, je dois devenir parano, et d’abord, il aurait fait comment pour me suivre en taxi ? En moto ? Et il l’aurait abandonné provisoirement ? Mwais… Pas évident ! »
Un quart d’heure plus tard, aucun taxi n’ayant daigné se présenter à la station, Albert se résolut à prendre le train. Arrivé à la station Javel, la place devant lui se libère, il la prend afin d’être dans le sens de la marche du train. L’image furtive d’un type se planquant derrière son journal le stupéfie. C’est l’homme au téléphone qui le suivait dans les rues des Vélizy ! L’angoisse l’envahit de nouveau.
A Austerlitz, il descend et emprunte la longue correspondance. Il profite de la présence d’un distributeur automatique de trompe-faim pour examiner le reflet que lui renvoie la vitre. Cette fois le doute n’est plus permis, il est bel et bien suivi. Qu’on le suive en ce moment n’a en soit plus aucune importance. Le mal est fait, on l’a vu entrer chez Molay. Et demain Darousse le saura.
Il en est malade, Albert, à ce point qu’il décide de ne pas rentrer de suite. Il est 20 heures 30, le voici dehors, boulevard de l’Hôpital, il entre dans un bistrot, s’assoit et commande un demi, appelle sa femme, lui dit de ne pas l’attendre pour dîner.
« Mais après tout, que peut-on me reprocher ? Je suis quand même libre de faire ce que je veux après mes heures de travail ! Si on m’interroge là-dessus, je dirais que ça ne les regarde pas. Je n’ai pas à me justifier… »
Bref, il gamberge.
« Si seulement je pouvais parler à quelqu’un… »
Le doux visage de Sonia apparaît alors dans son esprit.
« Sonia ! Merveilleuse Sonia ! Tout cela à cause d’elle ! Pourquoi avoir accepté le service qu’elle lui demandait, alors qu’il ne la connaissait que depuis trois jours ? Il avait voulu jouer au plus fin, avait négligé les dangers, avait joué de malchance. Et tout ça pour rien ! Son emploi était désormais en jeu, on ne le renverrait peut-être pas, mais on pouvait le muter on ne sait où de façon humiliante. En attendant, il fallait qu’il se tienne tranquille, il ne téléphonerait donc pas à Gina Molay demain matin. Quant à Sonia il lui avouerait son échec, comment allait-elle prendre ça ? Il verrait bien, au pire il la perdrait, ce serait dur mais contrairement à ce que dit la chanson « chagrin d’amour ne dure pas toute la vie ».
Il décide de lui téléphoner. Ça ne répond pas.
Sonia est en ce moment au restaurant avec un bon client pour lequel elle n’est pas passée par les services de l’agence. Le client l’a bookée pour la nuit, après le restaurant ce sera donc la partie de jambes en l’air, puis dodo et rebelote le lendemain matin. Pour l’instant elle s’emmerde, le mec lui parle politique et économie et ça ne l’intéresse absolument pas. Ses tentatives pour réorienter la conversation n’aboutissent pas. Que voulez-vous, tous les métiers ont leurs inconvénients !
Elle a posé son portable à côté de son assiette, il est en mode silencieux, le numéro d’Albert s’affiche, elle l’ignore.
Albert laisse passer dix minutes et refait une tentative de nouveau infructueuse. Il laisse donc un message, règle sa consommation et décide de rentrer à pied jusqu’à son domicile, près des Gobelins.
Le portable de Sonia annonce un message d’Albert. Elle le consultera plus tard.
Il est 21 heures passées, Albert est rentré chez lui, il refuse le reste de spaghettis bolognaise que lui propose son épouse, il n’a pas faim.
– Humm, toi, tu as des soucis.
– Je me suis engueulé avec Darousse, c’était assez violent.
– Y’aura des conséquences ?
– J’espère que non !
– Tu verras bien ! Ça ne sert à rien d’angoisser !
– T’as raison, ça ne sert à rien.
Il s’assoit sur le canapé aux côtés de son épouse et se met à regarder une émission à la con à la télévision, tout en ayant l’esprit ailleurs.
Sonia profite du fait que son client soit descendu aux toilettes pour prendre connaissance de ses messages :
« Bonjour Sonia, j’essayais de te joindre pour avoir des nouvelles de ta maman, je pense bien à toi. Je voulais te dire aussi, pour le petit service que tu m’as demandé, c’est malheureusement très compromis, je me suis fait repérer bêtement et on me suit dans la rue. Je suis donc obligé de laisser tomber. C’est con, parce que j’étais sur le point d’apprendre des trucs super intéressants. Je t’embrasse très fort, bon courage. »
« Merde ! »
Pour elle cette situation peut devenir catastrophique. Juliette lui reprochera d’avoir mal géré la situation. Si elle la vire, elle n’a pas assez de clients « hors agence » pour s’en sortir convenablement. Le client remonte.
– A mon tour ! Dit-elle en descendant aux toilettes.
– Allo, Juliette ! On a un problème…
Elle lui raconte.
– Prend un taxi et viens chez moi, on va prévenir mon client
– Peux pas, je suis au restau avec mon oncle qui est monté à Paris.
– Débrouille-toi !
– Mon oncle a 87 ans, je ne peux pas le laisser comme ça !
– Tu fais chier ! Je te rappelle.
« Son oncle de 87 ans ! Tu parles ! »
Juliette est furieuse. Si cette affaire échoue, c’est un coup à remettre en cause les relations entre l’agence et Olivier Carette. Or ce dernier est son plus gros client, elle l’approvisionne régulièrement en escort-girls de luxe pour agrémenter et pimenter les réunions commerciales de sa boite. Il n’est pas question qu’elle perde cette manne à cause de l’incompétence de cette pétasse de Sonia.
– Allo, Olivier, c’est Juliette, je sais qu’il est tard mais… (Elle raconte à son tour ce qu’elle sait)
– Merde ! Faut agir vite avant qu’ils le virent, elle est où Sonia ?
– Au restaurant ! Soi-disant avec son oncle.
– Je l’appelle !
– Il n’est pas certain qu’elle vous réponde !
– Et à vous, elle répondra ?
– Oui !
– Alors demandez-lui de me rappeler d’urgence.
Sonia est toujours dans les toilettes, pendant qu’elle y est autant profiter des commodités. Elle attend donc que la cabine se libère et prend connaissance d’un texto envoyé par Juliette.
« Apelle immédiatement Olivier à ce numéro… et quand je dis immédiatement c’est immédiatement. »
Quand faut y aller, faut y aller !
– Sonia ! Vous êtes où en ce moment ?
– Au restaurant !
– Mais où ?
– Mais pourquoi…
– Je vous en prie, il faut que je vous rejoigne d’urgence. Vous allez téléphoner devant moi à Albert Leberger, ça vous prendra dix minutes, je trouverai un prétexte pour vous faire sortir un moment.
– Je suis « au pied de cochon »…
– OK, ce n’est pas très loin, je suis là dans un quart d’heure, débrouillez-vous pour y être encore.
– Bon, d’accord.
– Vous êtes avec qui ?
– M’enfin…
– C’est important, c’est pour le petit scénario qui vous fera sortir du restaurant.
– Un ami ! Je l’appelle mon oncle, mais c’est un ami
– Est-ce qu’il connait votre nom de famille ?
– Non !
– Sûre !
– Certaine
– Ça tombe bien, moi non plus ! A tout de suite.
Elle remonte, se demandant comment Olivier va gérer, ça. C’est qu’elle n’a pas envie de perdre son client ! Et d’ailleurs il était inquiet le client.
– Je commençais à me demander s’il vous était arrivé quelque chose.
– Non, il avait juste un peu d’affluence, y’a des bonnes femmes, on se demande ce qu’elles foutent enfermées dans une cabine.
– Elles se tripotent peut-être !
Sonia fait semblant d’être très amusée par cette réplique.
Il est 21 heures 40, Olivier rentre dans le restaurant, repère Sonia et se dirige vers sa table.
– Ah ! Mademoiselle Sanders ! J’essaie de vous joindre depuis tout à l’heure, heureusement que vous aviez signalé à la gardienne où vous étiez…
« La gardienne ! Est-ce que ce con se rend compte que cette « trouvaille » est complètement tordue ? »
– Qu’est-ce qui se passe ! Balbutie Sonia.
– C’est au sujet de votre mère, elle s’est encore échappée de la maison de retraite…
– Encore ! Répète Sonia, entrant dans le jeu.
– Oui, nous l’avons retrouvée, mais elle a commis quelques bêtises, il faut absolument que vous nous signiez un avenant limitant ses libertés de mouvement… Oh ! Mais je suis désolé, Monsieur, ce sont des affaires privées, voyez-vous un inconvénient à ce que je vous soustraie mademoiselle le temps que je lui fasse signer un imprimé qui est dans ma voiture, c’est juste l’affaire de dix minutes, pas plus.
– Non bien sûr, faites ! Répond le client complètement largué, mais que pouvait-il répondre d’autre ?
– Je suis désolée, Jean-Marc, je reviens de suite.
– Je vous en prie, prenez votre temps, je vais demander la carte des desserts.
– Venez Madame Sanders, laissez votre sac, mais prenez votre portable on ne sait jamais ! Reprend Olivier.
Olivier indique à Sonia que sa voiture est à cinquante mètres et demande à écouter le message d’Albert.
– Je suppose que votre mère va très bien ?
– Oui, merci !
– OK ! On n’a pas beaucoup de temps, précisa Olivier une fois installé dans son véhicule, vous allez l’appeler en branchant le haut-parleur, je vous donnerai des instructions en écrivant sur ce bloc. Vous ferez comme si la communication était difficile, n’hésitez pas à le faire répéter.
– Oui !
– Commencez par le remercier de son coup de fil, dites que votre mère va mieux et que vous allez rentrer bientôt et compatissez pour ses ennuis au boulot… Je compte sur vous. Tenez, voici une enveloppe pour le service, allez-y.
Sonia jeta un coup d’œil dans l’enveloppe, c’était bien payé pour un coup de fil.
Le portable d’Albert sonna dans la poche de son pantalon. Il reconnut le numéro de Sonia.
– Qu’est-ce qu’il me veut cet emmerdeur ? Dit-il assez fort pour que sa femme entende bien, puis il se dirigea vers la cuisine.
– Allo ! Albert mon chéri ! J’ai bien eu ton message, ça m’a touchée tu sais. Ma mère a l’air d’aller mieux, je suis super contente, je vais pouvoir rentrer bientôt…
– Quand ?
Olivier traça un point d’interrogation sur son bloc.
– Je ne sais pas encore, faut que je règle des trucs avec ma sœur. Mais dis-moi, tu me parle d’ennuis à ton travail, j’espère que tu n’as pas pris des risques inutiles.
– Mes activités étaient tracées, je ne le savais pas, je me suis fait repérer et on me suit dans la rue, je ne sais pas du tout ce que ça va donner.
Sonia jette un coup d’œil sur le bloc d’Olivier
« Faite répéter »
– Je n’ai pas bien entendu…
Albert répète, Olivier écrit.
– Ça leur sert à rien de te suivre, ne t’inquiètes pas pour ça !
– Ben si justement…
Et Albert raconte brièvement, comment il en est venu à se déplacer chez Gérard Molay, la proposition de sa femme et la découverte de sa filature…
– Coupez ! Fais signe Olivier.
– Allo, allo, tu m’entends,
Elle coupe.
– Merde ! Comment trouver un plan en cinq minutes ? Voyons, il faut le persuader de retourner chez cette nana, casser la filature, leur donner une fausse piste. Tout ça. (Il s’énerve trace des flèches sur son bloc.) Bon on va essayer un truc, voilà ce que vous allez lui proposer….
– Allo ! Albert, on a été coupés ! Dis, j’ai une idée, le mec qui te suit, on va le mettre sur une fausse piste et on ne pourra plus rien te reprocher. Est-ce que tu peux prendre une journée de vacances demain ?
« Après-demain » rectifie Olivier sur son bloc »
– Après-demain, pas demain.
– Oui !
– Alors écoute-moi bien… (Elle lui expliqua le plan)
– Ça me parait bien tordu.
– Justement, c’est pour ça que ça va marcher.
– Je ne suis pas trop convaincu.
– Essaye ! (elle jette un coup d’œil sur le bloc d’Olivier) Et le mercredi soir j’aurai une grosse surprise pour toi !
– Une surprise ?
– Tu ne devines pas ?
– Je vais m’arranger pour rentrer en fin d’après-midi, tu peux déjà réserver l’hôtel.
Du coup Albert abandonne toute hésitation, il revient près de sa femme, joyeux comme un pinson.
– J’ai un petit creux, je vais me faire réchauffer les spaghettis bolognaise.
Sonia ne s’est absentée que vingt minutes. Elle retrouve son client.
– Bon, c’est réglé, je suis désolée, des problèmes familiaux dont je ne préfère pas parler.
– Je comprends très bien, rassurez-vous. Euh, je peux vous poser une question indiscrète ?
– Essayez !
– Comment votre gardienne pouvait savoir…
– Où j’étais ? Je lui ai envoyé un texto.
– Je crains de ne pas comprendre.
– Je fais un métier qui peut être dangereux, c’est une simple précaution.
– Vous allez faire la même chose pour l’hôtel ?
« En voilà une question à la con ! »
– Bien sûr que non, cher Monsieur. Franchement, aller donner une adresse d’hôtel à ma gardienne, ça ne me serait jamais venu à l’idée. Bon ils ont quoi comme dessert ?
Le client n’est pas sûr d’avoir tout compris, mais n’insiste pas.
– Une omelette norvégienne, ça vous dirait ? Répond-il simplement.
– Allez !
Suite du Flash-back – Mardi 26 février
« Extrait du rapport de filature
Avons suivi Albert Leberger en taxi jusqu’au domicile de Monsieur et Madame Gérard Molay à Vélizy. Il est y resté de 19 h 30 à 19 45. RAS ensuite. »
Darousse étouffa un juron et contacta Marchetti, le directeur-adjoint et véritable patron de l’entreprise…
– On le vire ?
– Ne soyez pas impulsif, Darousse, on va effectivement s’en débarrasser, ne serait-ce que par principe, mais avant il nous faut savoir à qui sont destinées les informations que recherche Leberger. Tenez-moi au courant dès que vous aurez du nouveau.
Darousse ne répondit pas et se montrait visiblement déçu de la position trop attentiste de son supérieur hiérarchique.
– Que craignez-vous, Darousse ? Reprit Marchetti. Nous ne sommes pas vulnérables, nous n’avons pas de « secrets de fabrications », les factures qu’il a copiées n’apprendront rien à personne. Quant à Molay, à part colporter des conneries invérifiables, que voulez-vous qu’il raconte ?
– Oui, bien sûr, vu comme ça vous avez raison, Monsieur Marchetti.
– Bien sûr que j’ai raison !
Sauf que Darousse ne partageait pas du tout le point de vue de son supérieur hiérarchique…
A 9 h 30 Darousse est informé qu’Albert Leberger a posé une journée de vacances pour le lendemain.
« Ça veut sans doute dire que c’est demain qu’il va livrer ses renseignements, mais ça veut dire aussi que Molay a peut-être parlé. Et il a dit quoi ? »
Il décide alors de se déplacer chez les Molay.
A 10 heures, Albert joint Gina Molay sur son téléphone portable :
– Bonjour, je vous rappelle comme prévu.
– Il faut qu’on se voit, je vous dirai un petit truc qui devrait vous intéresser, quelle heure vous arrange ?
– Après le boulot…
– Non, non, mon mari doit rester en dehors de tout ça.
– Demain je serais libre à partir de midi.
– Demain, c’est mercredi, mais cette semaine on n’a pas les gosses, je vous retrouve à Paris ?
– A midi, place Saint-Michel, devant la fontaine, on mangera ensemble si vous voulez ?
– D’accord.
Il est presque onze heures. Un inconnu sonne au domicile des Molay, Gina va ouvrir.
– Darousse, responsable de la sécurité chez Choser & Ruppert, je peux vous voir cinq minutes ?
– Je vous écoute ! Répond Gina sur ses gardes.
– Vous ne me faites pas entrer ?
– Non !
– J’ai des choses à vous dire et je ne peux pas vous les dire sur le pas de la porte.
Gina le fait entrer en soupirant. Darousse s’affale d’autorité dans un fauteuil.
– Je ne vous ai pas autorisé à vous assoir !
– Je me passerai de votre autorisation. Je vais faire vite. Hier à 19 h 30, un individu répondant au nom d’Albert Leberger, mais cachant peut-être son identité, s’est présenté à votre domicile. Je tiens absolument à savoir l’objet de cette visite.
– C’est tout ?
– Ce sera tout, oui !
– Vous êtes de la police ?
– Je vous ai dit qui j’étais.
– Alors sortez, je n’ai rien à vous dire !
– Je ne sortirai pas d’ici avant de savoir ce que ton mari a raconté à Leberger ! T’as compris conasse ? Hurle Darousse qui devient vulgaire.
Et il accompagne sa réplique d’une gifle magistrale qui fait tomber Gina. Le chien dissimulé derrière un fauteuil et qui jusqu’ici dormait d’un œil, se jette sur lui, rapide comme l’éclair et le renverse à son tour. Il se débat par réflexe et se fait mordre au bras. Les dents parviennent à blesser la chair malgré la veste et la parka. Il hurle tandis que Gina se relève.
– Couché Brutus ! Et vous, dégagez de chez moi ! Et ne vous avisez pas à revenir.
– Il m’a mordu, je vais porter plainte !
– C’est ça, porte plainte, connard !
– Mais je saigne !
– Moi aussi, tous les mois ! Allez dehors !
Et tandis que Darousse, humilié s’enfuit, Gina choquée et incrédule se pose dans un fauteuil. La main a été très lourde, elle à la moitié du visage tuméfiée et une sacrée migraine.
Darousse achète de quoi se faire un pansement dans une pharmacie, il se rachète aussi une parka, une veste et une chemise. Il a horreur de l’échec et cherche un plan de substitution mais s’aperçoit assez vite qu’il est incapable de réfléchir, l’image de l’attaque du chien lui revenant sans cesse de manière obsessionnelle.
« Et si elle porte plainte, cette pétasse ? »
Il lui faut un alibi, une fois au bureau, il appelle Evelyne Roche, la chef comptable.
– A onze heures tu faisais quoi ?
– Je bossais dans mon bureau pourquoi ?
– Je t’expliquerai. J’ai besoin d’un alibi. Tu n’as vu personne entre onze heures et midi ?
– Non, je suis en plein dans les prévisions budgétaires.
– Alors si on te demande, on était tous les deux dans ton bureau disons de 10 h 30 à 11 h 30 et on a travaillé sur la masse salariale.
– Pas de soucis !
A midi, Albert se rend comme il en a l’habitude « chez Marcel », le petit bistrot du coin dont il préfère l’ambiance et les plats à ceux du restaurant inter-entreprises. Il y possède sa place, la table 4. Un type rentre et s’installe à la table juste derrière lui.
« Mon ange gardien, le même qu’hier ! »
Le plan peut se mettre en place, il a programmé l’alarme de son téléphone pour midi et quart.
A l’heure dite l’appareil sonne, Albert n’a plus qu’à mimer comme convenu une conversation téléphonique.
– Allo, je ne vous entends pas bien, essayez de parler plus fort (il hausse lui-même le son de sa voix). Oui demain, j’ai pris une journée de congé, allo, allo, vous pouvez répéter… Oui tout tient sur une clé USB. Dans le musée, oui, je connais le musée d’Orsay… un peu plus tôt, ça m’arrangerait… 10 heures c’est bon… Comment je fais pour vous reconnaître ? Ah d’accord ! D’accord… Pas de soucis.
Derrière, Starsky boit du petit lait, il se hâte de retranscrire tout sur ça sur un carnet puis descend aux toilettes en informer son patron par téléphone.
La sonnerie du téléphone de Darousse retentit, il sort de sa torpeur et décroche.
– Allo, c’est Remiremont, on vient de surprendre une conversation téléphonique de Leberger, il serait en vacances demain. Il doit remettre une clé USB demain matin à 10 heures à une personne qu’il ne connait manifestement pas…
– Bravo !
– J’attends vos instructions !
– Vous laissez la transaction se dérouler, mais essayez de la photographier. Après nous voulons deux choses : récupérer cette clé, et savoir pour qui travaille ce mystérieux contact. Employez tous les moyens nécessaires.
– Pas de soucis !
Il raccroche, heureux comme un pape. Il téléphone à Marchetti, le directeur-adjoint de l’entreprise sur son portable privé. Ce dernier le félicite.
– Préparez une lettre de révocation pour faute grave, elle lui sera communiquée jeudi dès son arrivée. Mercredi je veux que son bureau soit mis sous scellés. Nous l’aurons quand, cette clé USB ?
– Mercredi midi, je pense.
– Donc réunion demain à 14 heures avec le service juridique, nous engagerons des plaintes contre Leberger, contre son contact et contre les gens pour qui il travaille. Je vous laisse organiser tout ça !
– Bien patron ! Euh… et Gérard Molay ?
– Quoi, Gérard Molay ? Il est dans le coup, finalement ?
– Je ne suis pas sûr.
– Eh bien, on avisera quand on sera sûr !
Il n’a pas la pêche, Darousse, pas vraiment ! Il aurait pourtant dû être content, mais il n’arrive pas à se débarrasser de cette image du chien…
Remiremont, le patron du cabinet de détective privé se demande comment il va gérer ça ! Darousse lui a demandé de mettre le paquet et il en paiera le prix. Certes, mais ses moyens humains sont limités, il a d’autres affaires en cours, d’autres clients.
Il a donc demandé à « Starsky » de rentrer, la filature de Leberger devenant désormais inutile, puis un peu plus tard il organise un rapide briefing avec trois de ses collaborateurs.
– Vous deux, vous vous pointerez demain un peu avant onze heures au musée d’Orsay, vous prenez quelques photos de la rencontre, vous vous débrouillez pour récupérer la clé USB et vous rentrez, je vous veux ici avant midi…
– Pourquoi deux personnes sur ce coup ?
– Pour doubler les chances de réussite et pour parer à toute éventualité. Je ne veux pas que ça foire ! Martela-t-il. N’hésitez pas à employer la provocation et si vous vous dévoilez ce n’est pas grave, au contraire, une fois la clé récupérée, la personne ne pourra pas soupçonner qu’on est en train de la suivre.
– C’est trop génial, chef ! S’extasia Starsky.
– Toi Tanya, tu files la personne en question, et tu nous préviens au fur et à mesure que tu auras trouvé des choses, on avisera selon ce que tu nous diras…
A 15 heures, Albert reçoit un coup de fil de Gina, sa voix est devenue étonnamment calme.
– Personne ne vous écoute ?
– Non, je suis dans mon bureau.
– J’ai eu la visite du dénommé Darousse, le DRH de votre boite, il savait que vous étiez passé à la maison. Il voulait savoir si on vous avait renseigné, je l’ai foutu à la porte. Mais prenez garde à vous, on vous surveille.
Le fait de savoir qu’il était surveillé n’avait rien d’un scoop. En revanche le fait que Darousse se soit déplacé signifiait qu’il tenait une bonne piste.
– Merci de m’avoir prévenu ! Euh, on se voit toujours demain ?
– Et comment ! Mais veillez à semer les gens qui vous surveillent.
A 19 heures 30, Gérard Molay rentre chez lui.
– Ça va chérie, ta petite journée s’est bien passée ? Lui demande-t-il, sans même lui lancer un regard.
– Non pas du tout, Darousse est venu me faire chier, il voulait savoir ce qu’on avait raconté au mec qui est passé hier soir.
– Quoi ?
– Il m’a giflée !
– Non ?
– Ben si, ça se voit non ? Et si le chien n’était pas intervenu, je crois que j’étais partie pour passer un sale moment !
– Le salaud !
– Oui comme tu dis ! Qu’est-ce que tu vas faire ?
– Qu’est-ce que je vais faire ? Je sais pas !
– On vient gifler et menacer ta femme et toi tu ne sais pas quoi faire ?
– Ben, non ! Je devrais faire quoi d’après toi ? Soupire-t-il.
Gina poussa un grand soupir de lassitude.
– Quelle connerie tu as fait quand tu as accepté leur fric…
– On a bien été contents de le trouver ! Je n’arrête pas de te le répéter !
– Il fallait les affronter, refuser toutes négociations avec eux, chercher à en savoir plus, je sais pas moi, se bouger !
– Tu dis n’importe quoi ! Et on a déjà eu cette discussion cent fois !
– O.K rappelle cet Albert Machin et balance-lui tout ce que tu sais. Il va ébruiter l’affaire et les autres arrêterons leurs conneries, c’est la seule façon d’avoir la paix.
– Tu ne te rends pas compte de ce que tu dis !
– Les salauds, il faut les affronter, ne pas courber l’échine devant eux… sinon ils reviennent toujours t’écraser.
– Bon, tu te calmes un peu là…
– Finalement ne t’as pas de couilles au cul ! Tu n’en as jamais eu ! Tu crois avoir des couilles, ce ne sont que des roudoudous.
– Tu commences à m’emmerder !
– Et en plus je t’emmerde, ben, je ne vais pas t’emmerder plus longtemps !
Elle enfile son manteau et ses chaussures devant son mari incrédule, s’empare d’une valise préalablement préparée et prend le chemin de la porte.
– Tu vas où ?
– Si on te demande, tu diras que tu n’en sais rien.
Après le repas pris avec son épouse, Albert s’était réservé une séance de travaux pratiques.
Il rechercha sur Internet une actrice X française retirée du circuit, puis sélectionna une quarantaine de photos dans des positions très explicites.
La fille avait une très belle poitrine et suçait une bite avec une expression de bonheur qui faisait plaisir à regarder. Quant à cette bite, Albert la trouvait très belle, bien droite avec un joli gland très brillant, ce n’était pas la première fois qu’il fantasmait sur les sexes des hommes, ça le prenait de temps en temps. Il se toucha la braguette, fit monter légèrement son sexe, se pinça un petit peu les tétons par-dessus sa chemise, puis décida de se débraguetter et se masturba rapidement en fermant les yeux. Dans ses fantasmes se mélangeaient les images de l’actrice X, de Sonia et de cette jolie bite. Son épouse qui avait besoin de passer par là, tomba en arrêt devant ce spectacle. Elle s’en amusa quelques instants et repartit sans qu’Albert ne la vit et avant qu’il ne jouisse dans un kleenex…
A l’aide d’un logiciel de traitement d’image, Albert recadra chaque photo de façon à couper le visage de la femme et de ses partenaires. Puis il les fit pivoter de 10° sur la gauche, en inversa les sens, modifia la lumière et les contrastes. Enfin il les renomma et effaça les métadonnées. Puis il plaça tout ça sur une clé USB toute neuve.
La gueule que ferait Darousse et ses sbires en découvrant que l’objet de leur filature était un fichier porno ! Il en éclata de rire.
Suite du Flash-back – Mercredi 27 février
Albert n’a pas dit à sa femme qu’il avait pris une journée de congé. Il part donc à la même heure que d’habitude. Il tente de joindre Sonia qui ne répond pas. Il a du temps à perdre, il hésite entre aller se faire couper les cheveux ou s’offrir un bon petit déjeuner avec des bonnes tartines beurrées et de la confiture. Il prend un autobus un peu au hasard, il adore prendre l’autobus. Il ne voit pas son suiveur, mais il se dit qu’aujourd’hui ce n’est peut-être pas le même qui opère. Arrivé dans le quartier Montparnasse, il aperçoit les sex-shops. Ça lui donne une idée. Il descend, pénètre dans une première boutique, mais elle ne lui convient pas. Dans la seconde un panneau indique « cabines au sous-sol ».
Parfait, il choisit au hasard un film à projeter et descend.
– Cabine 8 ! Lui indique le gérant.
Le gars qui le suit va donc être obligé de descendre aussi…
Il entre dans la cabine, ne la ferme pas et attend. Personne ne descend derrière lui ! Il attend encore, non ce n’est plus possible, il serait déjà là. Il en conclut que personne ne le suivait.
« Ou ils ont lâché l’affaire, ou ils se concentrent pour le rendez-vous de 10 heures »
Une des cabines est entrouverte, il a la curiosité de regarder à l’intérieur et découvre avec surprise un homme complétement nu, un petit brun, en train de se faire sucer la bite par un deuxième. Il reste là, tétanisé par ce spectacle inattendu. Et il se met à bander tel un mulet.
Celui qui se fait sucer invite d’un signe Albert à venir les rejoindre. La cabine est assez grande pour contenir trois personnes et il entre tel un zombie.
Il reste un moment planté, incapable de faire un geste, puis celui qui suçait se redresse brusquement et disparaît sans un mot, Albert se demande ce qu’il fait là, mais est fasciné par la jolie bite bien bandée de l’inconnu qui semble le narguer.
– Elle te plait, ma bite ? L’apostrophe le type.
– Elle est belle ! S’entend répondre Albert.
– Touche là !
La tête lui tourne, s’en aller ou toucher ? That is the question ! Il regarde derrière lui.
– Tu veux fermer la cabine ? C’est comme tu veux, mais moi j’aime bien m’exhiber.
– Comme…. Comme vous voulez…
Et en voilà un autre qui se pointe ! Costume gris, petite serviette, lunettes, la cinquantaine, genre cadre en mission et habitué des lieux, il sort sa bite joliment bandée. Sans aucune hésitation le petit brun se la met dans la bouche et commence à la sucer avec application.
« Voilà ce que c’est d’hésiter, ce connard a pris ma place ! » se surprend à penser Albert.
Il réalise alors qu’il était prêt à franchir le pas et que l’occasion va être ratée.
– Ne me fais pas jouir ! Dit soudain le cadre à lunettes. Du coup le petit brun abandonne et s’en va ailleurs (où ?).
Alors Albert tend sa main vers la bite de l’inconnu et la tripote, la caresse, s’amuse et s’excite de ce contact.
– Suce !
Comme dans un rêve, il se baisse, l’instant d’après la queue du mec est dans sa bouche. Il aime ce contact, puis réalise que la chose n’est peut-être pas prudente sans capote. Il se relève, va pour partir.
– T’étais jamais venu ici ? Demande l’inconnu à lunettes.
– Non, je suis rentré par hasard.
– Y’a parfois de sacrés orgies, ici, le gérant ferme les yeux.
Et tout en disant ça, le type lui tripote la braguette. Albert se laisse faire. Il se laisse faire aussi quand il défait la fermeture éclair puis quand sa main part à la recherche de son zizi tout raide qu’il finit par déloger de sa cachette. Puis l’homme s’en prend à sa ceinture qu’il dégrafe.
– Attends !
– Ben quoi, tu ne veux pas me montrer tes fesses ?
Albert se retrouve le pantalon baissé, la bite et les fesses à l’air, il est pris dans un étau, d’un côté sa présence ici lui semble complétement inopportune et il cherche à fuir, d’un autre côté il est excité par la situation.
L’autre lui pelote les fesses, les lui écarte et finit par lui introduire un doigt dans le cul.
– Tu veux que je t’encule ? Demande l’inconnu.
– Pas aujourd’hui…
– Tu as tort, je suis en forme, ça ne te plairait vraiment pas, ma bonne bite dans ton cul ?
Albert regarde de nouveau l’organe du type, et saisi d’une pulsion irrésistible, il se baisse pour la sucer de nouveau, il l’engloutit dans sa bouche, la fait coulisser, s’en régale et il aurait sans doute continué s’il n’avait pas senti un autre bonhomme tenter de forcer son fondement.
Du coup il se redresse, jette un regard assassin à l’importun puis sort de la cabine, il est tout débraillé, il se souvient alors qu’on lui a attribué une cabine, la numéro 8, il y retourne et se rhabille correctement. Il bande toujours.
Il sort, va pour descendre, repasse devant la cabine, grande ouverte où se tient le cadre à lunettes et sa jolie bite. Le type est en train d’enculer un asiatique qui se pâme de plaisir. La tentation de se débraguetter pour se masturber devant ce spectacle est forte, mais il ne le fait pas, la peur de l’engrenage prenant le dessus.
Il quitte le lieu, l’esprit assez confus. Quelques regrets, déjà il aurait dû se masturber, cela l’aurait calmé, et puis il aurait aimé pouvoir rester seul avec ce bel inconnu, peut-être aller plus loin…
Il se dit alors qu’il reviendra peut-être assez vite. Il aurait aimé se renseigner sur ce lieu, est-ce que c’est toujours comme ça ou est-ce que cette matinée était exceptionnelle ? Mais les rapports entre les mecs qui fréquentent ce lieu lui semblent bizarres.
Et puis il a une autre idée, bien meilleure, quoique plus chère : Quand il se rend chez les dominatrices qu’il a l’habitude de fréquenter, on lui avait plus ou moins déjà proposé d’avoir des rapports avec d’autres hommes, il avait jusqu’ici refusé avec une telle fermeté que ces dames n’insistaient pas. Désormais il serait demandeur !
Fin de ce long et nécessaire flash-back.
A suivre
© Vassilia.net et Chanette (Christine D’Esde) janvier 2014. Reproduction interdite sans autorisation des ayants droits.
Un chapitre bizarrement construit puisque le sexe n’arrive qu’à la fin, un peu comme u cheveu sur la soupe, mais le théme abordé me plait bien. Quand je viens à Paris, je vais toujours faire un tout dans une sex shop à cabines Rue Saint Denis, c’est bien rare qu’il n’y ait pas une bite à sucer, j’adore cà
Il faut s’armer de patience mais on est récompensé
l’aventure est passionnante mais il faut attendre la fin du chapitre pour voir arriver le sexe. D’où Chanette tient-elle le récit de cet intermède sexuel qui sent le vécu ? Peut-être de l’un de ses clients ! Allez savoir ?