Complainte de l’écorché par Laurent Tailhade
Je me suis t’écorché
Pour l’amour d’une bitte
Je me suis t’écorché
Contre un garçon boucher
Qu’avait un gros morceau
Et moi j’étais puceau.
Sa pine sentait bon,
Une odeur de fromage,
Sa pine sentait bon,
On eût dit du bonbon.
C’est pourquoi je bandais
Comme plusieurs baudets.
Au premier coup, portant,
Il me l’a foutu dans le mille,
C’en était épatant ;
Puis il a tant poussé
Que je suis défoncé
Depuis cet accident
Je perds toutes mes légumes ;
Depuis cet accident
On me touve emmerdant
Et j’emploi mon pognon
A m’soigner l’troufignon.
Ainsi la graisse d’ours,
L’iode et la vaseline,
Ainsi la graisse d’ours
Couronnent mes amours :
Car, pour en vivre en beauté,
J’vis empapahuté.
Jeun’s hommes aux beaux culs,
Soyes-en convaincus :
Rien ne fait tant de mal
Qu’un membre de cheval.
– Décembre 1899 –
in Poésies érotiques – Aux dépends de quelques amateurs (Ed. Simon Kra – 1922)
Laurent Tailhade (1854-1919) est un poète et polémiste anticlérical, libertin et bisexuel. Il est l’auteur de la chanson « les filles de Camaret », qu’il composa en réaction contre les camarétois qui faillirent le lyncher pour s’être moqué d’une procession.
Tu parles d’une poésie, c’est crétin, oui
un joli poème gay et gai sorti de derrière les fagots.