Chanette 13 Chanette et les banquiers par Chanette – 1 – Monsieur le directeur

1 – Monsieur le Directeur

Steak-Frites

J’étais ce jour-là attablée en terrasse, dégustant mollement un steak frites qu’il me faut bien qualifier de moyen, quand l’emmerdeur fit son apparition.

– Bonjour ! Vous permettez que je m’installe à côté de vous ?

C’est plus un commentaire qu’une question parce que le bellâtre a d’ores et déjà installé son gros cul sur le siège voisin du mien.

Décrivons-le un peu : Grand blond, allure sportive, un costume cravate de bon goût, ni trop strict, ni trop décontracté, visage carré, menton volontaire, yeux bleus comme du lapis-lazuli, teint halé, sourire carnassier, bref le play-boy standard, le mec qui doit multiplier les conquêtes comme d’autres multiplient les petits pains. Seulement voilà, il se trouve que ce n’est pas du tout mon genre d’homme. Moi, je préfère les artistes aux athlètes, les corps fins aux « musclors ».

– Quel temps magnifique ! Finit-il par dire.

Par réflexe, je réponds d’un sourire à cette incroyable démonstration d’originalité, un sourire minimal, mais un sourire quand même.

– Je suis un peu perdu dans ce quartier, je viens d’y être muté ! Continue-t-il.

Je ne réponds pas, qu’est-ce que vous voulez que je réponde ?

– Euh, je m’appelle Bertrand !

Il commence à me les gonfler, pépère !

– Pas moi !
– Pardon ?
– Pas moi, je ne m’appelle pas Bertrand ! Insistais-je.
– Ah ! Je vois que vous avez beaucoup d’humour !

Cette fois, je ne réplique pas, je fais la carpe. Il me lance encore quelques banalités qui n’obtiennent aucune réponse, puis finit par se taire.

Il commande je ne sais quoi, et quand je quitte ma table, il me gratifie d’un « au revoir » que j’ai l’impolitesse d’ignorer superbement.

Bertrand

Il s’en fout, Bertrand, il sait que malgré ses atouts évidents, il ne peut pas plaire à tout le monde. Et très vite l’image de cette femme sur lequel il a flashé semble s’estomper. C’est qu’il a d’autres préoccupations, Bertrand, il vient d’avoir une belle promotion en étant nommé directeur d’une grosse agence du Crédit du sud dans le quartier.

Bien plus tard, après un après-midi exténuant, il quitte enfin l’agence, emportant quelques dossiers pour les étudier à la maison, il fait chaud, il a soif et décide de s’arrêter quelques instants au comptoir d’un bistrot afin d’y boire une petite mousse. Il peut libérer son esprit quelques instants… Et voilà que l’image de cette inconnue rencontrée ce midi lui revient en mémoire, tel un boomerang. Ses traits s’imposent à son esprit avec une précision stupéfiante. Il essaie de penser à autre chose, mais la vision revient toujours, omniprésente, obsessionnelle, scotchée.

Bertrand Boulanger est marié depuis bientôt dix ans avec Dolorès, une grande brune à la peau légèrement mate. Les yeux sont pétillants, la bouche pulpeuse, les formes parfaites. Un quasi-canon, comme il aime à le dire parfois quand il parle d’elle. Elle ne travaille pas, et occupe une partie de ses journées à peindre des toiles qu’elle ne cherche même pas à vendre.

Le soir au dîner, Bertrand est « ailleurs », cela interpelle Dolorès, qui après une période d’apathie finit par craquer et par reprocher violemment à son époux de ne pas savoir faire la part de sa vie conjugale et familiale dans son ascension professionnelle. Il ne répond pas, ne souhaitant pas envenimer les choses, bâcle son repas et part s’isoler dans son bureau sous les sarcasmes de madame :

– C’est ça ! Va bosser ! Le jour où tu m’accorderas un peu plus d’intimité, tu me préviendras à l’avance, ça me permettra de m’organiser…

Bertrand s’enferme, sort un dossier de sa sacoche et tente de s’y intéresser… Peine perdue, le visage de cette femme lui revient sans cesse. Il lui faut se rendre à l’évidence, il est sous l’effet d’un coup de foudre ! Comment gérer ça ?

La nuit, il sollicite le concours de son épouse, il aimerait bien la besogner en fantasmant sur sa belle inconnue. Mais Dolorès l’envoie sèchement promener. Il entreprend alors de se masturber, mais ses mouvements gênent madame qui vertement l’invite à aller faire ça dans la salle de bain, ce qu’il finit par faire après un long quart d’heure d’atermoiements.

Le lendemain matin, il s’excuse auprès de sa femme :

– C’est le surmenage, tu as raison, il faut que je fasse attention.
– Tu dis ça à chaque fois, c’est pas avec ton nouveau poste que ça va s’arranger. Tu te surbookes de trop, pourquoi ne délègues-tu pas ?
– Je ne peux pas déléguer des trucs à des gens qui sont déjà débordés !
– Alors augmente le nombre de tes collaborateurs.
– Je n’ai pas le budget pour faire ça !
– Elle va dans le mur, ta boite avec une politique pareille.
– Même pas, tous nos concurrents font pareils !
– Bertrand, débrouille-toi, trouve une solution, je ne suis pourtant pas chiante avec toi, je te laisse faire ce que tu veux, et j’admets même tes coucheries…
– Oui, bon, c’est réciproque non ?
– La question n’est pas là, ce que je te demande, c’est un petit peu plus d’intimité, juste un peu plus. Si on se décide à faire un gosse, je ne veux pas qu’il ait un père invisible.
– O.K., j’ai compris le message, embrasse-moi !

Mais pendant qu’il roulait une pelle à son épouse l’image de l’inconnue s’imposa de nouveau à son esprit. Du coup le baiser devint torride.

– Quelle fougue ! Dis-moi, tu voulais me baiser hier soir ?
– Ben oui, tu n’as toujours pas compris que je t’aimais encore !
– Si, mais si c’est pour tirer un petit coup vite fait en vitesse, ça ne m’intéresse pas.
– Qui te dit que je voulais faire ça en vitesse ?
– Pfff, je te connais…

C’est alors que Dolorès d’un geste rapide et spontané, ouvrit sa robe de chambre dévoilant un corps parfait bronzé par les U.V.

– Et maintenant tout de suite, tu voudrais ?

Bertrand est en érection, et encore une fois le visage de l’inconnue le submerge. Toutefois, il hésite, temporise :

– On n’a pas le temps, Dolorès, il faut que j’y aille !
– Comment ça « on a pas le temps » ? Moi j’ai tout mon temps, et toi tu vas le prendre…
– Chérie, j’ai une réunion à 9 heures…

Alors Dolorès changea de tactique, ils s’étaient au début de leur rencontre amusés à des jeux de domination, et arborant un sourire en coin pour lui signifier que tout cela n’était qu’un jeu, elle lui lança :

– A genoux, mauvais chien et viens me lécher la chatte !

Dix secondes après, il était entre ses cuisses

– Ne va pas trop vite, prend ton temps ! Prévint-elle.

Bertrand s’était piégé, il serait donc en retard, mais à tout prendre, il valait mieux ça que de planter sa femme en pleine séance hot. Il s’appliqua donc.

– Tourne-toi, on reprend !

Dolorès chercha un objet contondant. Sa brosse à cheveux conviendrait très bien. Elle commença à frapper avec le dos de l’objet, puis après que les fesses furent devenues bien rouges, elle continua côté piquants, provoquant des petits cris singuliers de la part de son époux. Et puis elle s’arrêta brusquement :

– Viens m’enculer ! Dit-elle en s’exhibant en levrette dans le canapé.

Bertrand ne se le fit pas dire deux fois, lui sautant littéralement dessus, le visage congestionné, la bite en étendard et les fesses en feu. Sa pénétration anale fut sauvage, rapide, la conclusion sans tendresse excessive… mais madame eut l’air d’apprécier…

– C’était bien mon chéri ! Tu l’as bien enculé ta salope !

Curieusement cette petite fantaisie conjugale lui fit un bien énorme, il pourrait ainsi gérer cette image obsessionnelle de façon assez simple.

Errances

Oui, mais, le mardi suivant un étrange démon conduisit ses pas au même endroit que la dernière fois ! Et l’inconnue y était de nouveau. Que faire ? Il n’avait pas le temps de s’attarder, n’avait pas échafaudé de plan « B » destiné à la draguer… Il rebroussa chemin, se retournant plusieurs fois pour s’imprégner de son image.

L’après-midi fut éprouvante, l’inconnue parasitait carrément son cerveau… Mais il crut néanmoins entendre sa secrétaire qui en sortant de son bureau, confiait à quelqu’un :

– Je ne sais pas ce qu’il a le patron, il a vraiment l’air d’être à l’Ouest !

Celle-ci, il avait dès son arrivé joué avec elle un drôle de jeu « je te drague, je ne te drague pas ». La proie semblait facile, trop facile, mais il assumerait. Il se rendit compte alors que depuis sa première vision de la fille de la terrasse, il avait abandonné toutes assiduités vis à vis de sa collaboratrice, au grand dam de cette dernière, ne s’expliquant pas ce curieux revirement.

Bertrand cogitait : Que cette fille lui soit inaccessible n’était pas son soucis principal, ce qu’il voulait c’est la voir de nouveau, se pénétrer de son image, pour le reste, il verrait bien…

Son emploi du temps à l’heure méridienne ne le laissait pas tous les jours libre, les repas d’affaires et les déjeuners entre cadres faisaient partie des obligations de sa fonction. En consultant son planning, il se rendit compte qu’il ne pourrait être libre que le mardi suivant, cela le contraria, il envisagea un moment d’annuler l’un de ses repas d’affaires, mais y renonça, il aurait en effet, l’air de quoi si l’une des personnes avec qui il avait rendez-vous l’apercevait en train de roder dans le quartier, un sandwich à la main ?

Le mardi suivant, il se rendit plein d’appréhension vers la petite place où son coup de foudre avait fait terrasse. Le fait qu’elle ne soit pas là lui fit l’effet d’un coup de poignard. Sa mauvaise humeur se reporta sur ses collaborateurs qui ne l’avaient jamais vu dans cet état, et certains d’entre eux commencèrent à se demander quel drôle de directeur ont leur avait imposé. Le soir, il fit des efforts considérables pour faire bonne figure devant sa femme, la prévenant d’emblée qu’il avait des ennuis au boulot, mais qu’il ne tarderait pas à prendre une décision propre à le libérer de tous les soucis de sa fonction, ce qui fit bien sourire madame.

Il évita alors de prendre des engagements le midi, et se rendit sur la petite place une nouvelle fois, puis une autre fois, puis une nouvelle fois encore, au prix d’un rendez-vous d’affaire annulé, (en dépit ses propres résolutions), toujours sans succès… Et ce jour-là, elle n’y était toujours pas. Il se dit que ce serait la dernière, mais il revint quand même le lendemain, et quand il aperçut sa silhouette, son cœur s’accéléra. N’osant pas l’aborder de peur de se prendre un râteau, il décida de la suivre, ainsi il saurait où elle travaille et la rencontrer serait éventuellement plus facile. Manifestement, elle venait de s’attabler et ne semblait pas pressée, il s’installa à son tour à la terrasse d’un autre café un peu plus loin mais d’où il pouvait l’observer. Une heure plus tard, elle quittait sa table, il lui emboîta le pas. Elle tourna à droite, puis à gauche, rue des Saulniers, arrivée au 55, elle pénétra dans un immeuble, disparaissant à ses yeux. Il lui suffisait à présent de savoir chez qui elle travaillait et quels étaient ses horaires. Plusieurs plaques étaient apposées près de l’entrée : des médecins, un conseiller juridique, une professeur de piano… Il n’y avait que l’embarras du choix ! Le digicode ne semblait pas branché la journée, il entra, fit tout l’escalier, certaines portes ne portaient aucune indication, une autre que les initiales « MC ». Il n’était guère avancé. Pris d’une impulsion subite, il se décida à sonner au premier étage chez la prof de piano. Une bourgeoise septuagénaire en robe noire à petits pois jaunes finit par lui ouvrir, le dévisageant comme s’il s’agissait d’un martien. Il sortit sa carte professionnelle, sans toutefois laisser à son interlocutrice le temps d’en lire tous les détails :

– Bonjour, je suis enquêteur pour le compte du Crédit du Sud, j’aimerais savoir si c’est bien chez vous que travaille une personne…
– Personne ne travaille chez moi, sauf ma femme de ménage, qu’est-ce que vous lui voulez ? Répondit la bourgeoise.
– Ce n’est peut-être pas elle, elle s’appelle Grimber. Inventa-t-il.
– Grimber, ce n’est pas chez moi. Ça ne me dit rien, mais je ne connais pas tout le monde, comment est-elle ?

Parfait, ça se passait exactement comme Bertrand le souhaitait.

– Taille moyenne, entre trente et quarante, blonde, mais probablement pas naturelle, cheveux mi- longs, raides, visage d’ange, le teint légèrement mate…
– Ce pourrait être la poule du troisième, je ne me souviens pas de son nom, mais elle ne s’appelle pas Grimber.
– On nous a peut-être donné une fausse identité, elle travaillerait chez qui alors ?
– Chez qui ? Chez personne, enfin, si chez elle. Elle est propriétaire, mais elle ne s’appelle pas Grimber, répéta-t-elle, elle est déclarée comme voyante ! Drôle de voyante, le jour où je lui ai demandé une consultation, elle m’a répondu qu’elle ne recevait que des hommes ! Remarquez c’est vrai, il y a pas mal d’hommes qui montent chez elle, il n’y en a même qui reviennent toutes les semaines ! Vous en connaissez beaucoup, vous, des bonhommes qui viennent consulter une voyante toutes les semaines ?
– OK, ça confirme ce que nous pensions, répondit Bertrand afin de couper court, je vous remercie.
– Et vous pensiez quoi ?
– Et bien la même chose que vous, au revoir madame, reprit Bertrand en commençant à descendre les escaliers.

Il fut persuadé que la mégère le guettait, aussi malgré son envie de se rendre au troisième étage, il sortit de l’immeuble, et disparut par la première rue à gauche. Là, il attendit dix minutes, revint sur ses pas, constata avec dépit que l’ascenseur ne fonctionnait pas, remonta l’escalier de l’immeuble jusqu’au troisième étage : à droite un médecin, à gauche les initiales MC qu’il avait déjà remarqué tout à l’heure. Il en savait assez pour l’instant et rentra à l’agence.

Bertrand était perplexe, d’après cette dame, professeur de piano, MC serait donc une prostituée. La première chose était déjà de savoir si c’était vrai ! Mais comment faire ? Si cela s’avérait exact, cela lui ouvrait des perspectives, puisqu’il pourrait, non seulement la voir, mais la toucher, et mieux encore ! Il ne se voyait cependant pas frapper à sa porte sans certitude, risquant de réduire à néant ses chances ultérieures. Il avait beau tourner et retourner le problème, le plan qui lui permettrait de vraiment savoir ne lui venait pas à l’esprit.

Incident

Bertrand fut assez occupé les jours suivants et n’eut pas le temps de se consacrer à tenter de découvrir qui était cette mystérieuse M. C. Et puis l’incident survint de façon complètement inattendu :

Ce jour-là. Bertrand descend de son bureau du premier étage afin d’obtenir un renseignement auprès d’un collaborateur avec lequel il aime bien échanger deux ou trois mots… Il passe devant la porte de Morel, l’un de ses adjoints directs, qui s’ouvre à ce moment-là, laissant sortir l’adjoint bien sûr… Mais il n’est pas seul, il est accompagné… de la prof de piano… Bertrand paniqué veut alors faire semblant de ne pas voir ce petit monde… Peine perdue, cet abruti de Morel l’interpelle de façon indirecte :

– Ah, madame Pinson, je ne vous ai pas présenté notre nouveau directeur.

Et voilà Bertrand coincé, obligé de serrer la main de bonne femme en espérant qu’elle ait l’intelligence de se taire. Mais, catastrophe, la voilà qui cause :

– Mais on se connaît, vous avez sonné chez moi l’autre jour, vous faisiez une enquête…
– Je crains que vous confondiez, chère madame, je ne fais pas d’enquête ! La coupa Bertrand.

Et là encore une personne pas trop bête aurait stoppé là, mais pas elle :

– Mais si, souvenez-vous vous vouliez vous renseigner au sujet de la personne qui… qui comment dire… qui vit de ses charmes.

Morel fait une drôle de tête, quant à Bertrand, il ne sait plus où se mettre.

– Bon écoutez, je ne mets pas en cause votre bonne foi, mais les sosies ça existe, parlons d’autre…
– Un sosie avec la même voix, et une carte de la même banque ! Coupa la mégère en s’énervant. J’ignore ce que vous avez à cacher, mais, je vous en prie, ne me faites pas passer pour une imbécile.
– Allons, allons, Madame Pinson c’est très probablement un malentendu ! Intervint Morel.
– Puisque vous le dites… Allez au revoir messieurs… Si je transfère mes comptes ailleurs, vous saurez pourquoi…

Et elle se dirigea vers la sortie, rattrapée par l’adjoint, ils échangèrent quelques mots inaudibles.

– Elle est un peu dérangée ! Confia Morel une fois revenu vers Bertrand, sans manifestement en croire un mot.
– C’est un gros compte ?
– Très gros, plus un portefeuille de valeurs assez imposant. J’espère qu’elle ne va pas nous quitter.
– Je vais me rendre chez elle quand j’aurais un moment, elle finira bien par admettre qu’elle fait une confusion. Bluffa Bertrand.
– Si vous le permettez, je vais d’abord essayer d’arranger les choses, je la connais bien, je sais comment elle fonctionne.

Bertrand soupira, de toute façon, à aucun moment il n’avait eu l’intention de mettre cette proposition farfelue à exécution.

Morel était furieux, il ne se faisait aucune illusion, sauf miracle la mère Pinson clôturerait son compte, elle était arrivée à l’agence, assez énervée, reprochant à l’établissement une erreur mineure sur l’un de ses comptes. Il avait tant bien que mal réussit à la calmer après avoir blablaté un heure trente avec elle, il avait même trouvé le moyen de lui placer un produit financier, et voilà… À cause d’un directeur qui ne savait pas se tenir… Il fut un moment tenté d’envoyer un message à la direction générale, mais il savait l’exercice assez vain, et puis il y avait tellement plus efficace…

Morel n’attendit pas longtemps, le lendemain, il déjeunait avec d’autres cadres et quelques secrétaires dans un petit établissement du coin. Stratégiquement placé au centre de la table il attendit le moment propice pour lâcher la petite phrase assassine :

– Il commence à me les gonfler, le nouveau directeur, ma parole, ils nous ont envoyé un guignol !

Evidemment tout le monde veut en savoir plus :

– Qu’il se pointe en retard aux réunions, ça arrive, qu’il vexe le plus gros client de l’agence en refusant de bouffer avec lui, c’est déjà plus grave, mais hier, il a dépassé les bornes…

Il s’interrompt, gère son effet et c’est sept paires d’oreilles attentives qui attendent la suite :

– J’ai une cliente trois étoiles, qui habite le même immeuble qu’une pute…

Et il raconte l’histoire à sa façon… Du coup, la rumeur se propagea et il ne fallut pas une semaine pour qu’elle atteigne la direction générale des agences.

Cartier fait partie des jeunes loups de la banque, il n’a pas encore quarante ans et est déjà directeur général des agences. Il a convoqué Simon son adjoint qui, lui sera en retraite dans un an.

– Dites voir Simon, c’est bien vous qui avez insisté pour qu’on nomme Bertrand Boulanger directeur de l’agence Paris 9.
– Oui…
– J’étais réticent, vous vous souvenez, c’est un cavaleur, et il a eu un problème en province suite à une histoire de cul…
– Personne n’est parfait, le reste de son dossier le présente comme d’une compétence hors du commun… Mais pourquoi revenir là-dessus ?
– Parce que vous n’êtes pas au courant ?
– Je ne vois pas, non ! Avoua Simon
– Et bien figurez-vous que Boulanger, un jour qu’il devait être en plein rut est parti se soulager chez une pute en plein après-midi. Manque de pot il croise dans l’escalier une grosse cliente de l’agence qui le connaît de vue. Outrée, elle va voir son conseiller, fait un scandale et solde la moitié de son compte !
– C’est vérifiable au moins ?
– Non seulement c’est vérifiable, mais c’est vérifié, j’ai eu Morel, le conseiller au téléphone, il m’a en gros confirmé tout ça. Répondit Cartier d’un ton cassant.
– Embêtant en effet, très embêtant…
– La cliente en question a une certaine influence dans le quartier, l’image de marque de la banque peut en souffrir si on n’agit pas. Vous allez convoquer Boulanger et le virer. Faites-moi trois propositions de remplaçant, j’en choisirais un.
– Monsieur Cartier, si je peux me permettre, nous n’avons dans cette affaire qu’un seul témoignage, celui de Morel et nous ignorons qui a colporté la rumeur. Rien ne prouve que Morel ne soit pas en train de charger son directeur pour se couvrir d’on ne sait quoi, y compris en ayant la cliente comme complice ?

Cartier fut contrarié de ne pas avoir pensé à ça.

– Boulanger aurait découvert des choses sur Morel et donc ce dernier le chargerait, c’est votre hypothèse ?
– C’est UNE hypothèse.
– Mwais, et bien convoquez tout de même Boulanger, s’il a quelque chose à dire sur Morel, il nous le dira.
– Peut-être pas, leur différend est peut-être inavouable.
– Même si vous le menacez de licenciement ?
– Allez savoir !
– On va donc faire autrement, demandez donc à l’inspection des services d’envoyer Roger dans cette agence sous un prétexte quelconque, en quarante-huit heures, il nous aura démêlé ça…

Bertrand n’allait pas bien, l’incident en présence de Morel lui laissait un goût amer. Le courant ne passait plus très bien avec ses collaborateurs. Mais pour lui il avait plus grave : La mère Pinson avait viré la moitié de ses comptes chez un concurrent. Que la moitié, elle était donc toujours cliente et représentait pour lui un obstacle et une menace. Tout plan consistant à se rendre au 55 de la rue des Saulniers butait sur le risque de rencontrer inopinément la prof de piano. Et toute rencontre avec elle en ces lieux ne pouvait qu’avoir des conséquences catastrophiques.

Monsieur Roger

Jean-Luc Roger ! Se présenta l’inspecteur des services.

Roger était un quinquagénaire trapu et peu gâté par dame nature, fine moustache et cheveux en brosse, son front était enlaidi de deux grosses verrues disgracieuses, une troisième ornait sa narine droite. C’était sa deuxième carrière après des années passées à la police judiciaire où il avait parait-il brillé ! Il jouissait à l’intérieur de la banque d’une réputation de redoutable efficacité, mais aussi d’intransigeance absolue. Il avait réalisé quelques coups fameux notamment en conseillant à la banque de se débarrasser d’un très gros client en cheville avec un gestionnaire de compte, qui une fois passé à la concurrence créa à cette dernière les pires ennuis.

– Bertrand Boulanger, se présente-t-il, Mais nous nous sommes déjà rencontrés, c’était lors d’un séminaire à Tours, ça doit faire deux ans…
– Mais bien sûr, que je me souviens, mentit effrontément Roger. Vous avez reçu mon mail ?
– Oui, et je l’ai détruit comme demandé et j’ai annoncé votre arrivée sans préciser l’objet de votre mission, mais c’est assez étonnant cette affaire, non ?
– On a la preuve que la Société Ronbaker participe à une vaste opération de blanchiment d’argent. Ils ont forcément des complicités parmi le personnel. Je ne trouverais probablement rien ici, mais je dois interroger tous ceux qui sont susceptibles d’avoir accès aux comptes de cette boite. De fil en aiguille on finit toujours par trouver.
– OK, vous pourrez utiliser le petit bureau de passage, vous y trouverez tout ce qu’il faut, le téléphone, le fax, la prise Internet…

Roger pratiquait ses entretiens avec une technique éprouvée, noyant le sujet parmi dix autres, usant et abusant de l’aparté, à la fin il demandait expressément aux personnes de ne rien répéter sans toutefois se faire trop d’illusions. Mais l’inspecteur connaissait son métier.

Seul Morel n’était pas dupe des raisons de la présence de Roger et ce dernier le savait pertinemment. Aussi joua-t-il avec ce dernier la carte de la fausse complicité… Morel raconta donc l’incident tel qu’il l’avait vécu, mais mentit en affirmant n’avoir rien déformé, ni extrapolé quand il l’avait raconté à ses collègues et se laissa aller à déverser toute sa haine envers son nouveau directeur.

Après une première journée d’enquête, Roger était dubitatif : Bertrand était peu apprécié, et faisait même l’objet de moqueries, on rapportait un certain nombre de ses bourdes, réelles ou imaginaires… Mais qui n’en fait pas ? L’affaire Pinson lui paraissait moins simple : Il n’existait aucun témoin direct des faits parmi le personnel et tous les témoignages menaient à Morel, qui manifestement avait raconté le prétendu l’incident à qui voulait l’entendre dans une version à charge. Morel qui avait une dent contre Boulanger, l’avait-il chargé pour trouver un bouc émissaire à la fermeture de la moitié des comptes de sa cliente ? Ou pire la cliente pouvait-elle être complice d’une opération qu’il ne saisissait pas bien encore ? L’affaire semblait plus compliquée qu’au départ.

Il lui restait deux personnes à interroger : Bertrand lui-même, et éventuellement la cliente si nécessaire, aussi récupéra-t-il son adresse dans le fichier informatique.

Avec Bertrand, il commencerait par noyer le poisson en lui parlant de la société Ronbaker Puis au moment où il s’y attendrait le moins, il lui indiquerait le véritable objet de sa mission. Cette tactique marchait souvent mais pas toujours. Le but étant de savoir si le différend avec Morel était ou non, antérieur à l’incident.

Bertrand venait d’avoir une idée lumineuse. Il n’était pas question qu’il retourne au 55 rue des Saulniers sans savoir où il mettait les pieds, il se remémora alors les étranges paroles de Roger quand il l’avait rencontré en marge de ce fameux séminaire à Tours, l’homme était beaucoup plus avenant que ne le laissait préjuger son physique ingrat, il était une véritable source d’anecdotes et l’écouter était un plaisir :

– Ce qu’on me fait faire aujourd’hui n’est pas toujours passionnant, avait-il alors confié. Pour quelques super coups, combien d’enquêtes routinières, sans intérêts, peu motivantes… Heureusement, je fais des petites enquêtes privées…
– Ah, oui ?
– Ben, oui… ça m’aide à garder la main et ça me passionne… Tenez si un jour vous avez une petite enquête personnelle à effectuer, vous pouvez toujours me contacter, je suis bien plus rapide et plus efficace qu’un détective privé, et beaucoup moins cher !

Et Roger qui justement venait de téléphoner pour savoir s’il pouvait venir ! Et bien il tombait très bien, le Roger, il ne pouvait même pas mieux tomber !

Il entra :

– Ah, monsieur Roger, figurez-vous que je pensais à vous !
– Ah oui ?
– Je me remémorais ce que vous m’aviez proposé quand nous nous sommes rencontrés lors de ce séminaire…

Roger eut un petit sourire amusé. Lui aussi se remémorait son entretien d’embauche :

– On vous confie, une tâche difficile, ingrate, les fraudes et escroqueries auxquelles vous aurez à faire face seront toujours initiés par des agents bien notés, de bon niveau qui tout simplement ont découvert une faille dans nos systèmes et qui sautent à pieds joints dedans… On n’est jamais sûr de nos collaborateurs, même des meilleurs, il faut que cette évidence ne vous échappe jamais ! Votre prédécesseur avait une marotte qu’il proposait à qui voulait l’entendre : il racontait à un tas de gens qu’il effectuait des enquêtes privées pour pas bien cher ! Vous ne pouvez pas vous imaginez le nombre de personnes qui se sont fait piéger avec ça !

Effectivement, parfois, ça marchait, ainsi ce directeur d’agence, demandant que l’on enquête sur l’un de ses collaborateurs afin de trouver un travers dans sa vie, pour pouvoir le contrer dans une prétendue affaire de rivalité amoureuse… Roger avait réussi à comprendre qu’en fait, il voulait trouver un moyen de se débarrasser d’un agent qu’il savait l’avoir « vu » détourner des fonds. Il y avait eu d’autres affaires dans le même genre, mais la plupart du temps, il s’agissait d’histoires de cul sans intérêt…

Il fut à deux doigts de répondre qu’il ne faisait plus ce genre de choses, mais sa curiosité naturelle, à moins que ce soit une déformation professionnelle, l’emporta, il écouta donc son interlocuteur !

– Une nana que j’ai rencontrée, pour qui j’ai eu une sorte de coup de foudre. Je voudrais savoir ce qu’elle fabrique, quel métier elle exerce ? Je suis tombé sur une de ses voisines qui m’a laissé entendre que c’était une prostituée, mais je n’y crois pas trop.
– Vous avez quoi comme renseignements ? Demanda Roger, assez intrigué.
– Je l’ai suivie, j’ai l’adresse précise de l’immeuble où elle travaille, l’étage, la porte.
– Dites, répondit mollement .Roger, je vais voir ce que je peux faire.

C’est quand Bertrand lui confia les coordonnées que le déclic se produisit : il avait mémorisé l’adresse de la mère Pinson. Or le directeur venait lui parler de cette même adresse et se jetait par là même dans la gueule du loup !

Du coup Roger changea de tactique, il accepta bien sûr l’enquête privée, et prit un ton badin pour l’informer que sa mission professionnelle était terminée et que personne n’était complice de blanchiment parmi son personnel…

Pour Roger, obtenir le renseignement demandé par Bertrand fut un jeu d’enfant, certes, il lui aurait sans doute suffit d’aller sur place, mais pourquoi se fatiguer quand grâce à son passé de flic, on a des entrées et des contacts un peu partout. Et puis de deux procédures, la règle n’était-elle pas de préférer toujours la plus discrète ! Un coup de fil au syndic de l’immeuble lui donna l’identité réelle de la personne ainsi que son adresse personnelle. Le trésor public lui indiqua son indice professionnel (ce fameux indice qui regroupe les voyantes, les prostituées et les étalagistes…) Il réussit aussi à obtenir son numéro de portable… A l’aide de ce dernier, il fit un balayage sur les sites d’annonces, sans résultats, alors il passa un coup de fil à ce fameux journal très particulier et très parisien… Cinq minutes après, il se faisait faxer le texte de l’annonce :

« Maîtresse Chanette, Belle domina qui saura deviner tes fantasmes les plus secrets et te les faire réaliser. »

L’enquête était finie, ça c’était du boulot, il suffisait à présent de savoir lui présenter les résultats et de l’attirer là-bas. Le fait que ce soit une dominatrice et non une escort « classique » l’embêtait un peu, mais il se rassura en se disant que quand on était vénal tout pouvait se négocier… Et puis Bertrand paraissait tellement accro… Il réfléchit et décida d’attendre le retour du week-end.

Lundi

– Ah, j’ai préféré passer vous voir avant de me rendre au siège, vu le contexte je préfère vous faire un rapport oral. Annonça Roger, tout sourire.
– Dites-moi !
– Je ne me suis pas cassé la tête, je me suis rendu sur place, c’est une pute qui travaille en studio…
– D’accord… Essaya de le couper Bertrand.
– Un vrai canon, poursuivit-il ! Du coup, une fois n’est pas coutume, je me suis laisser tenter, elle est vraiment très gentille et très efficace, je vous la recommande !

Bertrand fut à la fois surpris et rassuré par la complicité affichée de Monsieur Roger, lequel ajouta :

– Ah, juste deux choses, après, il faut que j’y aille, elle s’annonce comme domina, mais bon, on peut négocier, c’est en tout cas ce que j’ai fait…
– Domina ? Repris Bertrand, jouant les naïfs !
– Oui, vous savez les grandes bottes noires, les chaînes, les fouets… Y’en a qui aiment ça…
– Je vois…
– Elle part en vacances la semaine prochaine pour un mois, dépêchez-vous d’en profiter… Tenez, je vous ai photocopié l’annonce, il y a son numéro de portable, il vaut mieux prendre rendez-vous !
– OK, merci pour tout, je vous ai préparé une petite enveloppe…

Et voilà, dans les romans policiers d’il y a 50 ans, on aurait mis un type en faction en bas de l’immeuble afin de photographier Bertrand à son entrée et à sa sortie. Aujourd’hui une micro-caméra planquée dans une rainure de la boiserie du palier et reliée à un enregistreur installé dans un véhicule en stationnement ferait parfaitement l’affaire !

On ne vous a pas encore tout dit sur Monsieur Roger. C’est un homme méchant, mais en plus il se croit philosophe. Contrairement à Jean-Jacques Rousseau qui croyait l’homme naturellement bon, lui, le croit naturellement mauvais. Tous sans exception, il pense donc qu’il est du rôle de la société de légiférer afin d’encadrer la méchanceté ambiante : pour lui la société n’est pas assez policée, trop de choses ne sont pas interdites, et par exemple la prostitution, il voue un haine viscérale envers les prostituées et leurs clients. C’est dire si Bertrand est mal tombé ! Il sait que lui, Roger n’est pas meilleur que les autres, il se sait méchant mais s’exauce en se disant que sa méchanceté s’exerce contre les parasites de la société, il fait donc, selon lui « œuvre de purification ». S’il avait fallu que Monsieur Roger s’identifie à un animal, sans doute celui-ci aurait été un tigre, capable de s’acharner pendant des heures sur une victime sans recours, la faisant souffrir avec un sadisme gratuit avant son inéluctable anéantissement. Oh oui, décidément, Bertrand était très mal tombé ! Il ne se contenterait pas du renvoi de sa victime, il la harcèlerait avant de l’écraser comme un cafard, quant à la Chanette, elle l’accompagnerait dans sa descente aux enfers !

Mardi

Bertrand s’est acheté des lunettes noires et un chapeau. Fébrile il entre au 55 de la rue des Saulniers, l’ascenseur ne semble toujours pas réparé, il dissimule son visage en passant sur le palier du premier étage, mais les notes du piano le rassurent, la mégère est occupée… Plus que quelques marches et son rêve se réalisera.

Mon client précèdent vient de partir, on sonne, j’ouvre :

– Bonjour, je suis Bertrand, j’ai rendez-vous ! Me dit l’homme.

Pas du tout mon genre mais belle prestance, et il me semble avoir déjà vu ce bonhomme quelque part. Je le fais entrer.

– T’es déjà venu, je crois ? Demandais-je.
– Non, c’est la première fois !

Ou aurais-je donc vu ce zigoto ? Je le fais entrer dans la salle d’attente, le temps de ranger un petit peu les accessoires de la séance précédente.

– C’est pour une heure, c’est ça ?
– Oui, mais est-ce qu’on ne pourrait pas faire du « classique » ? Répondit-il.

Oh, que je n’aime pas ça ! Il y a des mecs à qui je précise de façon très claire que chez moi, c’est de la domination et rien d’autre, ben non, ils prennent rendez-vous quand même… et il y en a qui se pointe ! Et je suis obligée de les virer, et avec diplomatie par-dessus le marché, pour ne pas qu’ils fassent du scandale dans l’escalier !

– Je suis désolée, j’ai du mal m’exprimer au téléphone, je ne fais que de la domination.
– Si c’est une question d’argent…
– Ce n’est pas une question d’argent !

Ceux qui ont lu mes autres aventures savent qu’en fait je ne suis pas si rigoriste que ça, mais d’une part les nouveaux venus n’ont pas besoin de le savoir et d’autre part, j’ai plein d’excellentes raisons de vouloir rester dans ma « spécialité ».

Le mec tire une tronche ! Mais une tronche !

– Heu, et de la domination très soft, vous faites ?
– Mais bien sûr ! On fait ça alors ? Une domination « spécial débutant » ?
– On va essayer ! Dit-il en retrouvant le sourire.
– Aie confiance, je vais te mettre à l’aise… Tu te déshabilles entièrement, chaussettes comprises, tu peux mettre tes affaires dans le petit vestiaire du coin.

Je lui épargne les formalités, pas de petit questionnaire pour m’aider à démarrer, je ne lui parle pas de « mot de sécurité ». S’il ne connaît rien de l’univers du SM autant éviter de le dérouter et y aller au feeling.

Je l’ai fait sortir de la salle d’attente, il est là devant moi, l’air un peu con, avec sa bite en semi-érection, ce qui est plutôt rare à ce stade… il doit fantasmer à mort sur quelque chose, à moi de découvrir sur quoi s’il ne me le dit pas. C’est un beau sportif, musclé mais sans gonflette, je le verrais bien dans une exhibition de chippendale. C’est tout à fait le genre de mec qui plairait à ma copine Anna-Gaëlle, mais moi, je n’aime pas ce genre-là. Attention j’ai dit que je n’aimais pas, mais je n’ai aucune attirance non plus…

– Alors mon biquet, on est prêt à se faire faire des petites misères ?
– Oui, mais…
– On dit oui « Maîtresse » quand on est un bon esclave.
– Oui Maîtresse, qu’est-ce que vous me proposez ?

Il a une façon de me regarder, le mec, c’en est gênant, ses yeux sont scotchés sur mon visage.

– On dirait que je te plais !
– Vous êtes magnifique ! On croirait une apparition.

Et le pire c’est qu’il a l’air sincère, et en plus il bande de plus en plus. On dirait qu’il kiffe sur mon visage. Pas bien grave, et tant mieux pour lui.

– Tu en as de jolis petits tétons ! Dis-je histoire d’attaquer.

Pas de réponses mais quand je les lui serre de toutes mes forces, il se met à soupirer d’extase alors que sa queue est désormais raide comme la justice. C’est ma copine Clara qui disait que les mecs aux tétons développés sont des pervers polymorphes… « Ils n’y sont pour rien, c’est une question de glandes » ajoutait-elle.

– T’aimes ça qu’on te torde tes nichons ? Hein, salope ?
– Oui maî… maîtresse… bafouille-t-il

Puisqu’il aime ça, je continue un peu, le bonhomme est aux anges… Je décide de passer à autre chose et muni de deux lacets j’entreprends de lui ficeler les couilles. Il n’a pas l’air de connaître le truc mais se laisse faire sans rien dire.

– Tourne-toi ! Je vais te rougir le cul.
– Pas trop fort, s’il vous plait, précise-t-il.
– Dis donc, petite salope, tu ne vas pas m’apprendre mon métier… tu sais ce que ça mérite ce genre d’observation ?
– Excusez-moi je n’ai pas l’habitude !
– A genoux !
– Tu sais que tu es une petite salope ?
– Oui maîtresse !
– Alors je veux te l’entendre dire.
– Je suis une petite salope, maîtresse !

Je le gifle, pas trop fort, mais manifestement il n’apprécie pas trop… pas grave on va arranger ça…

– Fais pas ta jeune fille, je ne t’ai pas fait mal !
– Ne me giflez plus, s’il vous plait !
– Je fais ce que je veux ! Ouvre la bouche !

Il ouvre un large bec.

– Tu sais ce que je vais te faire ?

Il n’est pas idiot, mais il ne répond pas. Il aurait protesté je ne l’aurais pas fait, mais là, je lui crache dans la bouche trois fois de suite, il ne bronche pas.

– La prochaine fois que je te ferais ouvrir la bouche comme ça, ce sera peut-être pour avaler ma pisse.
– Ah ! Vous faites ça aussi ? Répond-il.
– Je fais plein de choses !
– Ce serait avec plaisir !
– Et ben, dis donc, je ne sais pas si tu es néophyte en matière de soumission, mais tu m’as l’air d’être une belle usine à fantasmes ! Bon alors, maintenant tourne toi, salope !
– Hum jolies fesses, t’as vraiment un petit cul de pédé ! On t’a déjà dit que tu avais un cul de pédé ?

Il ignore bien sûr que je sers pratiquement ce genre de phrases à tous les nouveaux venus. Non pas à tous, à presque tous, je ne peux quand même pas dire des choses pareilles à ceux qui ont des fesses de gorille…

– Heu, non….

Je lui palpe le cul, lui donne une tape un peu forte sur la fesse gauche, une autre sur la fesse droite, je lui écarte les globes, approche un doigt de son anus mais ne vais pas plus loin pour le moment.

– C’est bien vrai, ça ? Tu ne t’es jamais fait enculer ?
– Non, non…
– Tu ne t’es jamais introduit des trucs dans le cul
– Heu… Juste un petit gode !
– Ah ! Je savais bien !

Je suis allé chercher un martinet et je lui en flanque quelques coups sur le cul pour tester ses réactions. Il encaisse bien, on va pouvoir aller plus loin.

– On va continuer dans le donjon, mais il faut que je te prévienne, j’ai déjà un esclave qui y est attaché, tu veux peut-être que je te passe un masque ?
– Oui.

L’autre solution c’est d’enfermer le premier dans un placard pendant que je continue à dominer celui-ci, il faut parfois que j’adopte cette solution mais je préfère la première… J’applique donc un masque en latex sur le visage de Bertrand, je lui passe un collier de chien autour du cou muni d’une laisse et je l’emmène comme un toutou dans la pièce d’à côté… mon donjon !

L’autre soumis, masqué aussi, est attaché, nu à une croix de Saint-André, les marques de flagellations sont bien évidentes sur sa poitrine, son ventre et ses cuisses. Je traîne Bertrand devant lui.

– Renifle-lui le sexe… comme un bon chien !

Avec pourtant plusieurs années de pratique derrière moi, cette situation a toujours le don de m’amuser… Il n’a pas l’air de comprendre, je lui fous un coup de martinet sur les fesses, un bon coup.

– Allez renifle !

Il le fait. Dans sa tête il doit se demander quelle suite je lui mijote… Mais justement de suite, il n’y en aura pas, du moins pas dans cette séance. Comme disait ma copine Clara qui m’a appris le métier « Ne jamais tout faire la première fois sinon ils seront déçus la deuxième et ne reviendrons pas une troisième ».

– T’aimerais bien le sucer ? Hein, dis-moi ?
– C’est comme vous voulez, maîtresse…
– Et tu crois peut-être que je vais t’accorder ce genre de privauté, pour une première séance chez moi ?
– Faites comme vous voulez, maîtresse !
– Par contre, on pourrait envisager le contraire ?
– Heu…
– Silence !

J’accroche les poignets de Bertrand à deux bracelets de cuir qui descendent du plafond. Je préfère immobiliser mes soumis de cette façon qui permet, contrairement à la croix de St André de pouvoir s’occuper de devant et du derrière. Je vais chercher des pinces et lui en accroche une sur son téton droit.

– Aïe !
– Supporte ! Voilà, c’est bon maintenant !
– Oui, maîtresse.

Je lui passe l’autre, j’attends un peu, et je m’amuse avec, renforçant la douleur des pinces avec mes doigts, les enlevant pour ensuite les remettre. Ça a l’air d’être efficace, il se pâme et bande comme un âne. J’ajoute des poids à chaque pince, continue à jouer en les prenant dans mes mains et en les relâchant brusquement. Comme il me paraît bien réceptif de ce côté-là, je vais lui faire un truc que j’aime bien. Je retire les pinces, mais les replace aussitôt en prenant la précaution de les fixer de façon instable. Je me saisis d’une cravache légère et m’approche de ma victime. Il ne comprend pas, normal, il ne peut pas comprendre. J’ajuste mon coup, parfois je le rate mais c’est rare, je vise le téton… et le rate, Bertrand gueule. Dans ces cas-là surtout ne pas laisser de temps au temps, je recommence, et cette fois la pince prise correctement dans la trajectoire de la cravache se détache brusquement et s’en va atterrir je ne sais où !

– Ça va !
– Oui, maîtresse !

Quand je pense qu’il voulait une séance pour débutant ! Je suis morte de rire, et, je n’ai aucun scrupule à faire subir le même sort à l’autre pince. J’envisage un moment de lui remettre les pinces et de recommencer, mais bon, c’est sans doute la première fois qu’il vient voir une dominatrice, je lui demanderai confirmation tout à l’heure, donc n’exagérons pas et puis, j’ai en tête quelque chose de bien plus pervers.

Je me dirige alors vers le soumis qui est sur la croix, je le détache et le fait mettre en position de chien. Je l’emmène jusqu’entre les cuisses de Bertrand.

– Tu as vu, lui dis-je, toi qui aimes bien sucer les belles bites, tu es gâté, comment tu la trouves celle-ci ?
– Superbe maîtresse.
– Alors suce-là !

Je croise le regard de Bertrand, je n’y vois pas d’objection l Dans le cas contraire, je n’aurais pas insisté… et oui, c’est un métier tout ça ! Le mec suce la bite de Bertrand avec gourmandise… Finalement c’est ça le masochisme, les mecs, on les fouette, on leur fait du mal, on les humilie, on leur fait faire des trucs avec d’autres mecs et finalement c’est ce qu’ils sont venus chercher, ils sont contents comme tout. Après tout pourquoi pas, si je rends les gens heureux, c’est que je sers à quelque chose, c’est que j’ai une fonction sociale… et en plus ils me paient bien.

J’attends cinq minutes, puis j’interromps la fellation, je ne souhaite pas que Bertrand jouisse de cette façon… du moins pas cette fois

– Bon allez, c’est pas Noël, je t’accompagne au coin et tu ne bouges plus. Ordonnais-je au soumis.

Je reviens vers Bertrand :

– Alors il t’a bien sucé ?

Pas de réponse

– Dis donc, esclave, je t’ai posé une question ?
– Oui, maîtresse !

J’ai compris, il n’a rien contre les rapports entre mecs, mais il est plus passif qu’actif, j’en tiendrais compte la prochaine fois. Je le regarde dans les yeux. Je lui décroche mon sourire de combat. Il fond. Tout va bien, j’empoigne sa bite et commence à le masturber :

– Laisse toi aller, il faut que tu jouisses !

Je ne fais pas jouir tous mes soumis, mais Bertrand est un novice, le déni de jouissance, il ne comprendrait pas. Je le branle du mieux que possible avec mes petites mains, tout en le regardant fixement dans les yeux. Deux minutes après mes mains sont pleines de sperme. Je me retiens de lui dire qu’il m’étonnerait que je sois sa première dominatrice, ça ne sert à rien, mais j’aimerais bien savoir quand même, ce sera pour la prochaine fois.

– Voilà, ça t’a plu ? Lui demandais-je en le détachant.
– C’était super !
– C’est vrai
– Oui, je suis sincère !
– Tiens voilà une lingette ! Tu reviendras ?
– Je crois bien, oui… en fait je voudrais vous dire…
– Oui ?
– Non rien ! Bafouille-t-il.

Je n’insiste pas. C’est fou le nombre de mecs qui s’amusent à tomber amoureux de ma personne, surtout, il ne faut pas les suivre dans cette voie… et sans doute ce type qui paraît intelligent a-t-il compris qu’il risquait un râteau à me déclarer prématurément une flamme unilatérale.

– J’espère que tu reviendras me voir, il y a plein de trucs qu’on peut faire ensemble !
– Oui, vous revenez quand de vacances ?
– De vacances ? Quelles vacances ? Je ne pars pas en vacances tout de suite.

Bertrand n’a pas l’air de bien comprendre.

– En fait c’est un collègue qui m’a conseillé de venir vous voir, c’est lui qui m’a dit que vous seriez bientôt en vacances !
– Ben non, il s’est planté ton collègue ! Qui c’est ? Il est comment ?

Bertrand décrit alors Roger avec force détails n’oubliant pas les verrues disgracieuses qu’il a sur le visage.

– C’est bizarre, je ne vois vraiment pas qui ça peut être, pourtant avec une description pareille, je devrais m’en souvenir. C’est peut-être quelqu’un qui te fait marcher… Soit prudent on ne sait jamais… mais bon l’important c’est qu’on puisse se revoir, tu me téléphones bientôt ?
– Promis ! Répond Bertrand, qui était sincère mais n’arrivant pas à comprendre à quel jeu avait joué Roger.

Jeudi : la convocation

Cartier interrogea Simon :

– Alors le dossier Bertrand Boulanger ?
– Roger l’a complètement massacré le mec !
– Roger est un tueur ! Vous proposez quoi ?
– On ne va pas le laisser là, on lui fait une mutation disciplinaire, en province… Ou à l’étranger …
– Et dans cinq ans, il faudra reprendre le dossier, virons-le, il y a plein de jeunes qui attendent des places !
– Ça me parait bien sévère ! Objecta Simon.
– Simon, nous ne sommes pas de la même génération, les temps ont changés, un établissement bancaire n’est pas là pour faire de l’humanisme, mais pour offrir des résultats à ses actionnaires ! Les hommes ne comptent pas, ils sont interchangeables à tous les niveaux, et n’ont pas le droit à la persistance dans l’erreur !
– Incroyable d’entendre des choses pareilles ! Heureusement que je suis pas loin de la retraite. Enfin, allons-y, je m’en occupe, ce sera un licenciement ou une révocation ?
– Ni l’un ni l’autre, vous allez lui faire signer une lettre de démission.
– Je ne vous suis plus…
– Que des avantages, pas d’indemnités, pas de recours, et en plus, il va retrouver du travail !
– Seriez-vous devenu soudain humaniste ?
– Pas du tout, mais ça me plaît bien que la concurrence récupère nos tocards…

à suivre

© Chanette (Christine D’Esde) 4/2008 – reproduction interdite sans autorisation de l’auteur

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8 réponses à Chanette 13 Chanette et les banquiers par Chanette – 1 – Monsieur le directeur

  1. Rouleau dit :

    Difficile de sortir intact d’une telle lecture !!! Chapeau !

  2. Stablinski dit :

    L’art d’allier le sens de l’intrique et les moments érotiques !

  3. Darrigade dit :

    Madame Chanette, vos récits me font bander !

  4. baruchel dit :

    C’est vraiment très bien raconté et les passages érotiques sont bien bandants

  5. sapristi dit :

    Avec Chanette, c’est « fantasmes en stock », mais ils arrivent dans le récit de façon subtiles, ce n’est pas plaqué sur le récit, ça en fait partie intégrante, et c’est ce qui en fait tout le charme. Sinon l’intrigue est bien menée et nous donne envie de connaître la suite.

  6. pluviose dit :

    Quel festival ! Si ce long chapitre ne vous excite pas, il vous faudra absolument consulter

  7. Muller dit :

    Un catalogue de fantasme très complet au profit d’une intrique passionnante et excellemment écrite, Bravo Chanette

  8. belisaire dit :

    Chanette a un véritable don de raconteuse d’histoire, c’est léger, pétillant et toujours très hot.

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