Bérénice – Chapitre 1 et 2 par mlle_helened

 

1

Dix-huit heures trente ! Bérénice était en retard, très en retard. Elle prit son IPhone et composa le numéro de Valérie.

– Valérie, bonsoir, c’est Bérénice. Je suis désolée, mais je vais être en retard ce soir, très en retard. Je devrais arriver vers vingt-heures.

– Pas de souci, tempéra Valérie. Ne t’inquiète pas. Prends ton temps. Et surtout ne va pas faire de bêtises sur la route.

Bérénice raccrocha, rassurée.

Valérie était une nouvelle cliente et pour son premier rendez-vous elle allait être en retard. Une bonne heure. Et le temps c’est de l’argent. Elle était bien placée pour le savoir. Dans tous les sens du terme.

Patrice, son mari, était menuisier charpentier et le carnet de commandes avait tendance à se remplir au début de l’automne, quand les mauvais jours allaient arriver et que les toitures avaient besoin de quelques tuiles neuves. Le temps, c’est de l’argent.

Mais aussi, quand un chantier tournait au désastre, comme cette fois où le Manitou s’était embourbé. Deux jours pour le sortir de sa gangue de boue. Et il avait fallu faire venir un bulldozer, intervention pour sa pomme. Le temps, c’est de l’argent. Sans parler du racket de L’URSSAF qui se moquait royalement de la météo.

Et puis il y avait Arthur et Emilie, les enfants du couple, tous les deux à Bordeaux pour leurs études supérieures. Le loyer de l’appartement, la fac de droit d’Arthur et l’école de médecine d’Emilie rognaient sérieusement les rentrées d’argent.

Malgré tout, sans rouler sur l’or, le couple vivait bien et pouvait satisfaire leurs désirs de loisirs et de vacances.

Une heure de retard. C’était autant de temps perdu pour présenter sa collection, faire les essayages.

Depuis deux ans maintenant, Bérénice arrondissait ses fins de mois en tant que vendeuse à domicile. Mais pas pour des boites en plastique ! Non, c’était quelque chose de plus glamour : de la lingerie.

Lorsqu’elle présenta son projet à Patrice, celui-ci sauta de joie. Mais Bérénice comprit rapidement que c’était surtout la perspective de voir sa femme manipuler et, espérait-il de tout son cœur porter des dessous sexy, qui le fit accepter.

Bérénice abandonna l’idée de la jupe et des collants. Trop long à mettre et resta dans sa tenue du jour : jean et pull à col roulé. Elle passa par la salle de bains se refaire une beauté, mettre un peu de parfum, chaussa ses talons hauts et s’engouffra dans le Kangoo.

Quelle bonne idée avait-elle eu de charger son matériel et ses cartons de dessous entre midi et deux.

Elle perdit néanmoins quelques précieuses minutes à programmer l’adresse dans le GPS.

Il était vingt-heures quinze lorsqu’elle sonna à la porte de Valérie. Elle fut accueillie par la maîtresse de maison et un grand  » AAAAAHHH  » de soulagement des invitées qui allaient assister à la vente.

Rapidement, Bérénice installa des paravents dans les deux chambres qui feraient office de cabines d’essayage et les présentoirs dans le salon. Les pièces de dentelles envahirent la table. Valérie et ses copines se ruèrent sur les culottes, strings, soutien-gorges, nuisettes, tâtant les matières, évaluant le degré de transparence. A tour de rôle, elles s’éclipsèrent dans les chambres pour les essayages.

La soirée continua pendant presque trois heures et fut interrompue par le retour de François, le mari de Valérie, qui avait été prié d’aller voir ailleurs.

Bérénice rangea son matériel dans la fourgonnette et les chèques des achats dans son sac.

Malgré son retard, la soirée ne fut pas si mauvaise. Valérie et ses copines étaient ravies. Si les dessous étaient un peu plus chers que dans le commerce classique, la formule avait l’avantage d’être amusante et conviviale. De fait, Valérie prit rendez-vous pour dans deux mois.

 

2

Les semaines passèrent. Le printemps était bien avancé. Une douce chaleur baignait les longues journées. Cette fois, Bérénice arriva à l’heure chez Valérie qui avait invité deux autres amies. La petite dizaine de femmes commençait à être à l’étroit dans le salon du pavillon.

Malgré tout, la vente commença dans un esprit bon enfant.

– Valérie, je crois qu’on sonne à la porte, dit une de ses amies.
– Mais non, tu as rêvé.

La sonnerie retentit, sur un ton agacé, limite énervé.

Valérie ferma son peignoir et se dirigea vers l’entrée.

– Damien ? Mais qu’est-ce que tu fais là ?
– Comment ça qu’est-ce que je fais là ? Je te rappelle que tu m’avais invité à diner ce soir.
– Ce n’était pas demain ?
– Ah non, pas demain, je suis en déplacement à Angoulême.
– Oh putain ! jura Valérie. C’est que tu tombes mal.
– Je vois, dit Damien en toisant sa sœur de la tête aux pieds. Bon, je te laisse.
– Non attends, je reviens.

Valérie laissa son frère sur le seuil et alla consulter ses amies : pouvait-elle le laisser entrer, lui le seul homme au milieu de toutes ces femmes ? Autant faire entrer un loup dans une bergerie.

– Bon, tu ne t’es pas tapé cinquante bornes pour rien. Entre, mais je compte sur toi pour te comporter en gentleman.
– Mais qu’est-ce que vous faites ? demanda Damien, inquiet.
– Tu verras …

Valérie accompagna Damien jusqu’au salon. En passant dans le couloir, il put apercevoir une ou deux amies de Valérie soit en peignoir, soit en petite tenue. Mais il se dit intérieurement qu’il avait rêvé.

– Je te présente Bérénice. Elle est vendeuse à domicile. Et pas besoin de te faire un dessin de ce qu’elle vend. Alors sois sage. On n’en a plus pour longtemps.
– Bonsoir, dit Bérénice. Bienvenue parmi nous.
– Bonsoir, dit Damien en prenant la main qu’elle lui tendait.
– Il y a peut-être des choses qui peuvent intéresser votre femme, continua Bérénice
– Je suis divorcé et célibataire.
– Oh désolée. Je me suis laissée emporter.
– Ce n’est pas grave. Il y a longtemps que vous faites de la vente à domicile ?

Valérie s’éclipsa, non sans prendre un ensemble string soutien-gorge rouge en dentelle presque arachnéenne.

– Bientôt deux ans.
– Et pourquoi de la lingerie ?
– Pourquoi pas. Et puis c’est plus sexy que des Tupperware, non ?
– Sans aucun doute !

Damien ne quittait pas des yeux les présentoirs, effleurant parfois tel ou tel dessous.

– Ça vous plait ? demanda Bérénice
– Oui c’est très joli. Mon ex-femme aimait beaucoup la lingerie.
– Comme toutes les femmes, je pense.
– Vous êtes mariée ? demanda Damien
– Oui, répondit Bérénice en faisant jouer son alliance. Depuis vingt-cinq ans.
– Belle longévité. Je n’ai pas pu fêter mes dix ans. Ma femme s’est barrée avec un mec rencontré dans sa salle de sport. Ma bedaine n’a pas pu lutter contre ses muscles.

Ils éclatèrent de rire.

Les femmes allaient et venaient dans le salon. Damien n’en perdait pas une miette, se désespérant de voir un carré de dentelle caché sous les peignoirs.

– Si ce n’est pas malheureux, dit-il. Savoir qu’il y a autant de femmes en petite tenue et ne rien voir. Un vrai calvaire !

Bérénice sourit. Elle n’avait pas envie d’entrer dans cette discussion. Elle était là juste pour vendre de la lingerie.

– Il ne manque plus qu’un étal de chaussures et se serait parfait, ajouta-t-il pour briser le silence.
– Oui, sûrement. Mais il me faudrait un camion. Déjà que le Kangoo est un peu juste.
– D’ailleurs, j’aime beaucoup vos escarpins.
– Merci, dit simplement Bérénice.
– Je pense que dessous et chaussures vont ensemble.

Bérénice commençait à se demander sérieusement à quel jeu jouait Damien. Il se comportait comme un fétichiste plus ou moins obsédé, pour ne pas dire pervers.

Elle l’ignora, s’occupant de son étal et conseillant ses clientes. Mais elle le suivit du coin de l’œil. Il continua son manège, tantôt déshabillant du regard les amies de Valérie, tantôt suivant avec un intérêt certain le déballage des nouvelles pièces de lingerie, tantôt l’observant elle, avec une insistance à peine dissimulée.

Elle en eut le cœur net lorsque qu’elle s’assit sur une chaise, soulevant sa jupe pour croiser ses jambes. Damien était un voyeur fétichiste.

La soirée touchait à sa fin. Bérénice enferma les chèques dans sa caisse et commença à ranger son étal. Damien s’empressa de proposer son aide. Aide qu’elle refusa gentiment, arguant que le rangement suivait des règles précises. Par contre elle accepta qu’il porte les caisses et les paravents jusqu’à la voiture.

Il n’en fallut pas plus pour satisfaire Damien qui la suivit, les yeux rivés sur les jambes de Bérénice.

Bérénice quitta la maison, non sans avoir laissé des cartes de visite, chargeant chacune de ses clientes de lui faire de la publicité.

– Je vous en laisse aussi, dit-elle à Damien. Peut-être que dans votre entourage, il y aura des personnes qui pourraient être intéressées
– Oui, sûrement. Je passerai le mot.
– Merci. Merci à toutes. Bonne soirée.

Bérénice rentra tranquillement chez elle. Durant le trajet, elle ne cessa de penser à Damien et à son étrange comportement. Mais elle oublia tout une fois passé le seuil de la maison.

– Alors, cette soirée ? Tu ne t’es pas trop ennuyé ? demanda Valérie à son frère.
– Non, ça a été. Au contraire, c’était plutôt idyllique. Moi, au milieu de toutes ces femmes en petite tenue. Bon, je n’ai pas vu grand-chose.
– On ne peut pas tout avoir.
– Mais j’aurais bien aimé assister aux essayages …
– Et puis quoi encore !
– Humm, et si ça se trouve, il doit se passer des choses entre filles.
– Faut que t’arrêtes les pornos ! Tout de suite, deux femmes en tenue légère et môssieur s’imagine des choses. Vous êtes vraiment tous les mêmes ! Et puis, si tu veux voir des bas, des porte-jarretelles et des dessous en dentelle, tu n’as qu’à en mettre toi-même !

Damien sourit malgré tout. La pique n’était pas méchante.

Toutefois, derrière cette répartie Valérie cachait une tout autre vérité. Sonia n’était pas seulement sa meilleure amie. Elle était aussi son amante, les deux couples se recevant régulièrement pour des parties carrées. Et cette séance d’essayage fut l’occasion de quelques caresses et autres bisous. Tout le monde savait donc les copines présentes ce soir. Certaines avaient goûté aux jeux saphiques mais cela n’avait pas été plus loin. Tout le monde savait. Sauf Damien.

 

A suivre

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2 réponses à Bérénice – Chapitre 1 et 2 par mlle_helened

  1. amidou dit :

    C’est tout ? Bon on va dire que c’est un prologue !
    On est jamais obligé de faire du prologue, la narration moderne s’en passe très bien, quitte à utiliser des flash back quand besoin est !

  2. Récit bien écrit, qui donne envie de lire la suite.

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